Le 3 novembre dernier, le Journal officiel turc annonçait l’adoption, par le Parlement, d’une loi intitulée « Loi sur l’amendement des services du registre civil et autres lois ». Cette loi, soumise à discussion le 25 juillet dernier, a fait polémique en raison de l’un de ses articles autorisant les müftis (les responsables religieux du Directorat des Affaires religieuses turc, la Diyanet) à officier des mariages, au même titre que les officiers d’état civil.
Cet article a fait l’objet de très vifs débats entre l’AKP (Parti de la Justice et du développement, islamo-conservateur) allié au MHP (Parti d’action nationaliste, d’extrême-droite), favorables à cet article, et le CHP (Parti républicain du peuple, membre de l’internationale socialiste) et le HDP (Parti démocratique des peuples, situé à gauche de l’échuiquier politique), partis d’opposition fermement contre. Les mouvements de défense de droits des femmes se sont également vivement opposés à cet article.
La crainte de dérives du régime matrimonial
La précédente loi n’autorisait que les officiers d’état civil à célébrer des mariages. Les critiques de la nouvelle loi font valoir que cette nouvelle mouture ouvrirait grand les portes de dérives telles que des mariages non-enregistrés (de la polygamie, autrement dit), ou encore des mariages avec des enfants. De plus, pour les opposants à la loi, celle-ci violerait les principes séculaires du Code civil turc et mettrait en danger les droits des femmes, dont le droit de divorce et d’héritage.
Le co-président du groupe parlementaire du CHP, Özgür Özel, a annoncé le 19 octobre son souhait de mobiliser la Cour constitutionnelle afin de faire annuler cet article : « Nous allons continuer à remettre en cause cet article et à le faire supprimer légalement, que ce soit à la Cour constitutionnelle ou politiquement », a-t-il déclaré à ce sujet.
Le député défendeur de la loi, le vice-président du groupe parlementaire de l’AKP Naci Bostancı a insisté sur le fait que cet article régulait une situation civile, et non religieuse, indiquant qu’un mariage réalisé par un müfti ne serait rien de plus qu’un mariage civil ; le mariage lui-même et ses conséquences légales seraient exactement les mêmes que ceux d’un mariage civil. Il a également ajouté qu’aucun müfti ne célébrerait de mariage avec des enfants.
Image : La Grande Assemblée nationale de Turquie, Par Yıldız Yazıcıoğlu, Wikimedia, Public Domain