Le 24 mars 2017, l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH) et la délégation de l’Union Européenne (DUE) à Brazzaville, ont procédé au lancement du projet intitulé « Promouvoir les droits des peuples autochtones à travers le renforcement du mouvement autochtone au Congo et l’institutionnalisation de la représentativité des autochtones ». Dans son appel à proposition datant du 16 janvier 2018, l’OCDH revient sur les objectifs de ce projet et sa volonté de faire du respect des droits des minorités une de ses priorités.
Crée le 3 mars 1994, l’OCDH est une organisation non gouvernementale qui a joué un rôle central dans la promotion, la défense et la protection des droits des peuples autochtones. Son travail de recherche a été un des catalyseurs du processus de rédaction de la loi n°5-2011 du 5 février 2011 portant promotion et protection des droits des populations autochtones en République du Congo. L’adoption de cette loi a représenté un pas significatif, mais malgré son existence, la volonté politique affichée peine à se traduire dans les faits.
Discrimination et marginalisation des populations autochtones
Le terme autochtone, utilisé dans le présent rapport, renvoie directement à l’article premier de la loi n°5-2011 qui dispose que l’utilisation du terme pygmée, du fait de sa connotation péjorative insinuant souvent un état d’infériorité, est désormais interdite en République du Congo.
Bien qu’il n’existe pas une définition en droit des autochtones, ils sont définis par José Martinez Cobo, Rapporteur spécial des Nations Unies, comme « Ceux qui, liés par une continuité historique avec les sociétés antérieures à l’invasion et avec les sociétés précoloniales (…) sont déterminés à conserver, développer et transmettre aux générations futures les territoires de leurs ancêtres et leur identité ethnique qui constituent la base de la continuité de leur existence en tant que peuple, conformément à leurs propres modèles culturels, à leurs institutions sociales et à leurs systèmes juridiques. »
Il est difficile de déterminer leur nombre exact en République du Congo, mais des estimations récentes affirment que les autochtones représentent plus de 2 % de la population nationale, estimée à 5,1 millions d’habitants en 2017. Souvent marginalisés par rapport au reste de la population congolaise, et notamment les Bantous, ils sont confrontés à de graves violations de leurs droits fondamentaux, tant au niveau individuel que collectif. Ils font l’objet d’une discrimination persistante en matière d’éducation, de travail, d’accès aux services de santé et aux ressources naturelles. L’extrême précarité des autochtones et la méconnaissance de l’histoire et de la réalité de ces peuples est à la fois une cause et une conséquence de la violation de leurs droits.
Loi n°5-2011 : Quelles améliorations six ans plus tard ?
Bien que la loi n°5-2011 a pour objectif principal de réparer les injustices dont les populations autochtones sont victimes et promouvoir le dialogue des cultures, de nombreux défis entravent son application, et les discriminations à leur encontre perdurent. Malgré les efforts accomplis, en matière d’éducation notamment, six ans après son adoption, la situation est préoccupante et l’application de la loi reste encore complexe. En effet, de nombreuses missions effectuées par l’OCDH relèvent que les autochtones sont toujours victimes de travail forcé, d’exploitation, d’humiliation, d’arrestations arbitraires, et sont rarement consultés sur les décisions concernant leurs communautés.
Ainsi, l’objectif du présent appel à proposition de l’OCDH est d’encourager la mobilisation des organisations communautaires autochtones. En effet, faciliter la mise en place d’organisations de protection des droits des populations et mobiliser l’opinion publique en encourageant des changements de comportements à leur égard permettra d’améliorer une situation qui reste précaire. Au-delà de la nécessité de garantir une pleine jouissance de leurs droits économiques et sociaux, le défi est de leur garantir l’accès aux services sociaux de base sans pour autant altérer leurs modes de vie.
Il est aujourd’hui évident que la valorisation des connaissances traditionnelles de ces populations, portant notamment sur le développement durable et la biodiversité permettra dans un premier temps de renforcer la gouvernance des ressources naturelles en Afrique centrale, mais aussi de permettre, sur le long terme, une intégration de ces populations au sein de la société congolaise.
Image : Enfants pygmées réfugiés au Congo Brazza à la suite de violences en RDC, Par André Thiel, Flickr, CC BY-NC-SA 2.0