Les fêtes chrétiennes de Pâques et les célébrations juives de Pessa’h, qui se déroulaient cette année à la même période, ont été l’occasion d’une recrudescence des tensions entre Palestiniens et Israéliens. Elles arrivent en effet dans un contexte déjà difficile, entre le transfert imminent de l’Ambassade américaine à Jérusalem, les tensions croissantes entre les autorités israéliennes et les communautés chrétiennes et les commémorations en Palestine de la « journée de la Terre » (le 30 mars) et de la Nakba (le 15 mai prochain).
Pâques et Pessa’h en Israël et en Palestine
Pessa’h est l’une des trois fêtes de pèlerinage du judaïsme. Elle correspond à la commémoration de l’Exode du peuple juif hors d’Égypte. Les célébrations commencent le 14 Nissan (fin mars, début avril selon le calendrier) et durent sept jours. En Israël, cette fête a notamment été l’occasion pour de nombreux juifs de se réunir au pied du Mur des lamentations afin d’y recevoir la bénédiction de centaines de prêtres, lundi matin.
Cette année, Pessa’h tombait à la même période que la Pâques chrétienne, qui célèbre la résurrection de Jésus, le premier dimanche suivant la pleine lune ecclésiastique de printemps. Cette fête marque la fin de la semaine Sainte, qui commémore la Passion du Christ. A cette occasion, des milliers de pèlerins chrétiens se rendent en Terre Sainte, notamment à Jérusalem et au Saint-Sépulcre.
Célébrations chrétiennes et mesures sécuritaires israéliennes
Les chrétiens de Palestine n’ont en revanche pas eu accès à Jérusalem puisque le gouvernement israélien a refusé le permis de séjour à 1 800 palestiniens, notamment des Gazaouis. Tsahal (l’armée de défense israélienne) a également décidé de fermer tous les points de contrôle et carrefours de jonction avec les territoires palestiniens pendant 10 jours, entre le jeudi 29 mars et pendant toute la semaine sainte, empêchant ainsi à tout Palestinien de se rendre à Jérusalem.
Les autorités israéliennes ont justifié ces « procédures de routine » en invoquant le fait que certains Gazaouis profitent régulièrement des permis accordés pour prolonger illégalement leur séjour en Israël. Selon elles, à l’occasion des dernières fêtes de Noël, 21 palestiniens chrétiens de Gaza sont restés sur le territoire. Le porte parole du COGAT (l’Administration civile israélienne dans les Territoires palestiniens) a quant à lui rappelé qu’Israël était un « État souverain » et que de ce fait, « aucun étranger ne peut venir sans permission en Israël et cela concerne aussi les Palestiniens de la bande de Gaza ». Le chancelier du Patriarcat latin de Jérusalem a au contraire affirmé le droit d’accès à leurs lieux saints pour tous les chrétiens et a dénoncé le fait que « les droits de l’Homme ne sont pas respectés » en Israël.
L’État israélien était en effet préparé à une recrudescence des tensions, dans un contexte de Pessa’h toujours particulièrement sensible et déjà marqué par plusieurs attentats contre son armée ces dernières semaines. Par ailleurs, le 30 mars correspond pour les Palestiniens à la « journée de la terre » qui commémore la mort de six arabes israéliens suite à la décision par Israël d’exproprier les terres de Galilée en 1976. Ce jour doit marquer le début d’une « marche du retour » de six semaines, dont l’apogée sera la commémoration de la « Nakba », l’exode palestinien suite à la guerre israélo-arabe de 1948. Ces manifestations sont présentées comme émanent de la société civile palestinienne mais les autorités israéliennes affirment que c’est le Hamas qui tire les ficelles. En prévention, Tsahal avait donc placé une centaine de tireurs d’élite le long de sa frontière avec Gaza et avait prévenu l’ONU que ses soldats avaient l’autorisation de tirer dans le cas d’une menace contre la souveraineté d’Israël ou contre ses citoyens.
Les célébrations de Pâques endeuillées pour les chrétiens de Gaza
Vendredi, le premier jour de Pessa’h et en plein cœur de la semaine sainte, la « journée de la terre » s’est donc soldée par la mort de 17 palestiniens à Gaza, tandis qu’environ 1400 personnes ont été blessées, ce qui fait de ces violences les plus meurtrières depuis 2014. L’usage de balles réelles contre des manifestations a priori non violentes a soulevé des questions au sein de la communauté internationale et dans les organisations de défense des droits de l’Homme. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutteres, ainsi que la représentante de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, ont réclamé une « enquête indépendante » à ce propos, mais cette option a été rejetée par Israël.
Vendredi soir, une session extraordinaire du Conseil de sécurité de l’ONU s’est tenue au sujet de Gaza, mais les Etats-Unis ont opposé leur véto à une déclaration appelant « toutes les parties à la retenue et à prévenir toute escalade supplémentaire » et demandant une enquête sur les affrontements. Le lendemain, Danny Danon, l’ambassadeur israélien auprès des Nations Unies, a déposé une plainte officielle contre le Conseil de Sécurité. Selon lui, la tenue de cette session aurait été le résultat d’une manœuvre du Koweït – membre non permanent du Conseil de Sécurité qui a convoqué la session – afin que les représentants israéliens, obligés par les célébrations de Pessa’h, ne puissent pas y être présents.
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