Le géant sud-américain, en dépit de la crise politique qui le traverse, constitue la première terre d’accueil dans la région. Effectivement, selon les chiffres du Comité national pour les réfugiés (CONARE), 10 145 réfugiés sont officiellement reconnus par les autorités. Le pays, historiquement formé par les vagues migratoires, a été parmi les premiers à adhérer à la Convention des Nations Unies relatives au statut des réfugiés, en la ratifiant dès le 16 novembre 1960.
Une politique favorable aux réfugiés
Malgré la parenthèse négative de la dictature militaire (1964-1985), le Brésil a réagi en promulguant une loi reconnue comme l’une des plus avancées en Amérique Latine sur cette question. Outre la création du CONARE, cette loi a offert aux réfugiés un véritable statut, de même qu’elle a mis en place des programmes d’intégration en partenariat avec la société civile et l’agence des Nations-Unies pour les réfugiés (ACNUR).
Cette politique a conduit le pays à occuper la seizième place des pays accueillant le plus de réfugiés à l’échelle de la planète. Depuis le début de la crise syrienne, le pays a, d’ailleurs, accueilli plus de 2 000 victimes du conflit, soit plus que l‘Espagne ou l’Italie par exemple. L’année dernière enfin, une nouvelle loi sur l’immigration a été promulguée. A contre-courant de la politique néoconservatrice menée par le gouvernement du président Michel Temer, cette loi promeut une vision humaine, selon le sociologue Alex Vargem, spécialiste du droit des réfugiés. En effet, cette mesure garantit les mêmes droits aux migrants que ceux des citoyens brésiliens.
Toutefois, cette image très positive du Brésil vis-à-vis de l’accueil des réfugiés est mise à l’épreuve aujourd’hui. L’année 2017 a constitué un record, le Brésil ayant reçu près de 34 000 demandes de reconnaissance de statut de réfugié, presque la moitié (17 865) émanant de Vénézuéliens, d’après les données du CONARE. La détérioration de la situation au Venezuela a effectivement confronté Brasilia à une véritable crise. Moins médiatisée qu’en Méditerranée, elle n’en demeure pas moins très difficile à gérer, surtout aux abords de la frontière entre les deux pays.
État d’urgence sociale et climat xénophobe
Quotidiennement, ce sont 800 personnes en moyenne qui traversent cette frontière. Depuis la fin 2017, 52 000 Vénézuéliens ont rejoint le territoire brésilien, essentiellement cantonnés dans l’État frontalier du Roraima et sa capitale Boa Vista, qui accueille environ 40 000 réfugiés. Cet afflux massif a conduit l’État fédéral à décréter l’état d’urgence social. L’armée a été déployée afin de fournir de l’aide dans les camps, de même que des moyens financiers importants (42 millions d’euros) ont été débloqués. Cependant, la situation ne semble pas s’améliorer.
Les conditions dans lesquelles vivent les réfugiés favorisent le développement de maladies, telles que la rougeole, qui n’avait plus été aperçue au Brésil depuis 2001. En outre, la situation d’extrême misère mène certains Brésiliens à exploiter des réfugiés à leurs profits. Au-delà du préjudice matériel pour les réfugiés, ces derniers sont doublement victimes de ce système, le fait d’accepter un travail à un prix défiant toute concurrence ayant favorisé l’émergence d’un climat xénophobe. Les citoyens brésiliens les plus pauvres reprochent aux Vénézuéliens de leur « voler » leur travail. De fait, ces tensions ont poussé la gouverneure de l’État du Roraima, État déjà défavorisé à l’échelle du Brésil, à demander la fermeture de la frontière au gouvernement fédéral.
L’Église comme dernier recours
Face à cette situation critique, l’Église catholique tente de faire face en multipliant les actions et les appels à l’aide. A la suite de la Conférence nationale des évêques qui s’est tenue début mars, une lettre a été publiée pour exprimer l’indignation de l’Église face à l’inaction des pouvoirs publics et appeler à la sollicitude envers les migrants. Dans le même temps, à Boa Vista, l’Église est en première ligne et fournit repas chauds et aide juridique aux réfugiés.
Ceci étant, pour ces derniers, le Brésil n’est qu’une étape avant de rejoindre l’Argentine ou le Chili, la barrière de la langue étant un problème majeur pour eux. Enfin, reste à savoir quelle position adoptera le gouvernement fédéral si la crise perdure, la situation politique au sein du Brésil étant elle-même problématique. À long terme, il paraît peu probable que les réfugiés en bénéficient.
Image : Casa Civil Presidência da Repùblica. Operação Acolhida – Refugiados da Venezuela no Brasil – Romério Cunha Flickr CC BY 2.0.