Dans un rapport datant du 25 avril 2018, l’ONG International Crisis Group recommande que l’Église catholique s’implique et se positionne comme un médiateur dans la résolution de la crise anglophone au Cameroun.
Depuis octobre 2016, le conflit opposant les forces de sécurité et les séparatistes s’est intensifié, plus de 100 civils et 43 membres des forces de sécurité seraient morts au cours de ces neuf derniers mois. Depuis quelques années, l’Église catholique s’implique sur le champ politique dans de nombreux pays en Afrique. La parole des évêques est une voix qui résonne face aux problèmes politiques tels que la mauvaise gouvernance, la corruption et les nombreuses violations des droits de l’Homme.
Le rôle sociétal de l’Église en Afrique
L’Église catholique au Cameroun est, selon l’International Crisis Group, quasiment le seul acteur en mesure d’intervenir face au risque de guerre civile entre les séparatistes et le gouvernement de Yaoundé.
Respectée et influente, l’Église au Cameroun est une institution nationale, structurellement organisée et présente dans les dix régions du pays, plus d’un tiers de la population est de confession catholique. L’Église assume une part importante des services sociaux de base dans de nombreux domaines, notamment dans le secteur éducatif et sanitaire. Elle dispose d’un potentiel économique et social important, un message d’unité de sa part pourrait être partagé à travers le pays, dans toutes les paroisses, et permettre une mobilisation importante.
Division interne au sein de l’Église catholique
Néanmoins, l’impact réel de l’Église catholique sur la situation et l’évolution de la crise anglophone demeure faible au regard de sa présence institutionnelle à travers le pays. Dans son rapport du 25 avril, l’International Crisis Group déplore la division interne qui existe au sein même de l’Église, notamment entre le clergé francophone et anglophone. Selon l’International Crisis Group les désaccords au sein de l’Église ne sont pas nouveaux, souvent avec une dimension ethnique opposant la communauté Bamiléké aux autres, les rivalités au sein de l’institution sont récurrentes.
Le Cameroun compte cinq régions ecclésiastiques rattachées à la Conférence épiscopale nationale du Cameroun (CENC), quatre d’entres elles sont francophones, et l’une d’entre elle, la province du Bamenda, est à prédominance anglophone. Lors de la 42ème assemblée des évêques du Cameroun, en octobre 2017, le clergé a pris des positions divergentes sur des questions centrales de la crise. Certains évêques de la province du Bamenda ont, en effet, estimé que l’assemblée, composée à majorité d’évêques francophones, ne prenait pas suffisamment en compte les revendications des populations anglophones.
Le clergé anglophone n’est pas unanime dans la position et le comportement à adopter. En effet, certains prêtes anglophones ont des positions extrêmes sur le sujet et vont jusqu’à souhaiter une partition du pays et la création d’un nouvel État. Dans son rapport, l’International Crisis Group prend comme exemple le père Wilfred Emeh, diocèse de Kumba, qui souhaite l’indépendance du Southern Cameroun, et considère que le fédéralisme serait une étape vers l’indépendance. Le père Gérald Jumbam soutient quant à lui une indépendance intégrale des régions anglophones, considérant qu’une indépendance partielle ne suffit pas et qualifiant les fédéralistes de « lâches ».
Bien qu’une majorité des prêtes anglophones reste silencieuse, préférant ne pas s’exprimer sur la question, les divisions au sein de l’Église continuent de miner sa capacité à jouer un rôle constructif.
La médiation : un moyen de prévenir la crise anglophone ?
Malgré la présence massive de l’Église au Cameroun, cela n’a pas empêché le pays de sombrer dans une crise profonde, touchant de plein fouet son intégrité territoriale. L’Église n’a pas été en mesure d’empêcher la détérioration de la situation, et malgré ses prises de position, la situation politique
demeure inquiétante.
Selon l’International Crisis Group, l’Église doit surmonter ses divisions et se positionner comme un arbitre neutre. Elle doit être un facilitateur de parole, et ne doit être ni alliée à l’opposition ni alliée au pouvoir. L’ONG considère qu’une déclaration publique de l’Église, afin d’affirmer sa neutralité sur les questions controversées de la crise, pourrait permettre d’affirmer sa volonté de médiation.
Néanmoins à l’approche de l’élection présidentielle, en octobre 2018, seule une Église projetant une image d’impartialité et d’unité, pourra espérer juguler cette crise en expansion.
Image : Célébration à la Cathédrale Notre Dame Des Victoires de Yaoundé, by FischerFotos. CC BY – SA 3.0.