La Commission des libertés individuelles et de l’égalité (COLIBE) a été créée par le Président de la République tunisienne, Béji Caïd Essebsi, le 13 août 2017. Cette commission avait été chargée de préparer, dans un délai de six mois, un rapport sur les réformes législatives relatives à la situation du pays sur les thématiques de liberté, d’égalité et plus généralement les questions relatives aux droits de l’Homme. Le travail a consisté principalement en l’analyse et l’évaluation des principales lois du pays qui touchent à ces thématiques.
Propositions de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité
La COLIBE est composée de neuf membres issus de différents parcours dont Bochra Bel Haj Hmida (à la tête de cette commission, avocate et membre fondatrice de l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates) ; Abdelmajid Charfi (universitaire et islamologue) et Slaheddine Jourchi (journaliste, ancien vice-président de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme, ainsi que l’un des fondateurs du mouvement islamique avant de se tourner vers une tendance « islamisme progressiste »).
Le 12 juin 2018, la commission a enfin rendu ce rapport – qui fait plus de 200 pages – au président Essebsi. Ce document propose des réformes et des lois qui pourront faire l’objet de débats au sein de l’Assemblée des représentants du peuple (le Parlement tunisien) ainsi que dans d’autres instances juridiques. Parmi les principales propositions : l’abolition de la peine de mort, la révision de l’article 230 du code pénal favorisant la dépénalisation de l’homosexualité, l’égalité entre femmes et hommes en matière d’héritage, l’annulation de la circulaire portant sur la fermeture des cafés pendant le mois de Ramadan, etc. D’autres propositions sont listées dans un article du quotidien en ligne Le petit journal.
Un rapport qui fait face à la vive opposition des « traditionalistes »
Comme il avait été le cas pour la rédaction de la nouvelle Constitution de l’après-révolution, ce rapport fait déjà l’objet de nombreux débats. Ces oppositions sont symptomatiques de la division qui a toujours existé au sein de le société tunisienne entre « modernistes » – pro-occidentaux et défenseurs des politiques de la première phase du gouvernement post-indépendant du président Habib Bourguiba en termes de sécularisation et de droits des femmes – et « traditionalistes » – défendant l’identité arabo-musulmane de la Tunisie contre toute ingérence de la part de l’occident ou d’autres acteurs qu’ils estiment comme étant anti-musulmans.
Un article du quotidien tunisien Le Temps répertorie différentes actions menées par des acteurs « traditionalistes » contre cette commission tels que des menaces de lapidation, ou bien la parution d’une pétition le 21 juin 2018. Le journal tunisien Businessnews a publié le texte de cette pétition, lancée par quatre principales associations des représentants religieux, intitulée « Défense de toucher aux dispositions de l’héritage et du caractère sacré de la famille en islam ». Ce texte vise à dénoncer la non-conformité de ce rapport avec la loi divine ainsi qu’avec la Constitution tunisienne du 26 janvier 2014.
Au-delà de ces débats, la date de publication du rapport a soulevé des critiques dénonçant une manœuvre politique, une stratégie de la part des défenseurs comme des opposants à une révision. En effet, de nombreux acteurs tels que le politologue Hamza Meddeb parlent du risque d’instrumentalisation politique de ce document à la veille des élections législatives et présidentielles prévues en 2019.
Image : Protest Tunisia, by Gwenael Piaser Flickr CC BY-NC-SA 2.0