Dans cet article de Al-Monitor, Walid Salah, journaliste free-lance égyptien, fait état d’un phénomène nouveau en Egypte : le conseil aux jeunes couples qui s’apprêtent à se marier. Ces cours dispensés par des religieux à destination des futurs mariés semblent plutôt bien accueillis. Seulement, les organisations salafistes développent eux aussi ces pratiques. C’est le cas de l’association Qurrat Ayun (« la joie de l’œil ») qui a, en effet, distribué au Caire des annonces pour de tels cours. Ceux-ci devaient commencer en août mais ont été annulés.
Un phénomène largement répandu en Egypte
Le concept de cours donnés par des religieux à des couples sur la façon dont il faudra vivre ensemble après le mariage a pris de l’ampleur en Egypte. On peut expliquer cela par la recrudescence des divorces dans le pays, ce qui inquiète aussi bien les musulmans que les chrétiens. Ainsi, l’église copte d’Alexandrie a été jusqu’à imposer ces cours aux jeunes gens qui s’apprêtent à se marier depuis juin 2017. Le suivi de cette formation donne alors aux couples un « certificat de non-objection » de l’Eglise. Même l’Etat a sa propre formation puisque les ministères de la santé et des affaires religieuses ont conjointement travaillé à organiser les premiers cours pour janvier dernier. D’après l’Agence centrale égyptienne pour la mobilisation et les statistiques, le taux de divorce en Egypte aurait augmenté de 3 % entre 2016 et 2017, atteignant 54.6 % en zone urbaine. Cela reste difficile à appréhender dans cet Etat qui est fortement lié à la religion.
Le salafisme : un mouvement religieux à l’idéologie conservatrice
Là où le phénomène fait moins l’unanimité c’est quand les organisations salafistes souhaitent également en organiser. En effet, le salafisme est un mouvement religieux qui vise à adopter la vie qu’avaient ceux qui fréquentaient le prophète (« Al salaf » signifiant les ancêtres). C’est, en d’autres termes, une doctrine extrémiste du sunnisme puisqu’elle ne voit le monde que selon une lecture rigoriste du Coran et de la Sunna. Aucune interprétation ou remise en contexte des textes sacrés n’est donc tolérée. Ces groupes promeuvent une vision du mariage qui ne convient pas à tous les Egyptiens. Le principal problème de l’annonce que distribuaient les salafistes de Qurrat Ayun, qui est à l’origine de la polémique : les cours ne s’adressaient qu’aux femmes.
Des ONG aux officiels égyptiens, des réactions méfiantes à ce nouveau programme
Des associations, comme la Fondation du Caire pour le développement et le droit, ont réagi à cette annonce. Le président de l’ONG a, par exemple, rappelé qu’autoriser des salafistes à donner ce genre de formation pourrait mener l’Egypte vers une généralisation de certaines pratiques comme la polygamie par exemple. Le fait que cette organisation ne propose des cours qu’aux jeunes filles a également choqué puisque cela laissait supposer une vision du couple basée sur l’obéissance de la femme à son mari. On a pu entendre aussi la réaction du responsable du programme porté par le ministère des affaires religieuses. Il a souligné que toutes les formations de ce type devraient suivre les standards de l’université Al-Azhar. En effet, si le régime Sissi a beaucoup soutenu le parti salafiste Al-Nour pour contrer les Frères musulmans, il n’adhère pas à leur vision de la société. Il leur préfère un islam « officiel » représenté par Al-Azhar. Toutes ces réactions ont sans doute eu un impact sur l’association salafiste puisque les cours en question ont été annulés.
Image : Al-Azhar Mosque by David Stanley – Flickr CC BY 2.0