Alors que le Qatar se prépare à accueillir des millions de visiteurs à l’occasion de la Coupe du monde en 2022, la monarchie est accusée d’appliquer des politiques de plus en plus restrictives à l’égard des médias.
L’organisation non-gouvernementale Human Rights Watch (HRW) revient sur les responsabilités de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) pour dénoncer ces mesures liberticides qui incitent éditeurs et imprimeurs à pratiquer l’« auto-censure » en supprimant de manière préemptive certaines publications, notamment relatives aux conditions des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT).
Une censure systématique qui prive les LGBT d’une voix
Depuis 2007, l’édition internationale du New York Times est publiée au Qatar en collaboration avec son partenaire privé Dar Al-Sharq. Toutefois, dans un pays qui punit l’homosexualité par des peines d’emprisonnement s’étendant d’un à trois ans, la censure d’articles d’opinion initialement parus dans le quotidien américain est fréquente, dès lors que ceux-ci entrent en opposition avec les mœurs ultra-conservatrices du royaume.
Ainsi, une douzaine de publications sur les droits des LGBT ont été censurées depuis le mois d’avril. Parmi ces dernières, on trouve notamment un photo-reportage d’Elton John sur le sort des minorités sexuelles en Afrique, ainsi qu’une publication de Minky Worden traitant de l’influence de la Coupe du Monde 2018 sur les conditions des LGBT en Russie.
Face à ces suppressions quasi-systématiques qui font bien mention du titre de l’article mais dont le corps est remplacé par un espace vierge, le New York Times ne cache pas sa désolation à l’organisation HRW. Le journal explique mener des discussions régulières avec ses collaborateurs, mais les pressions à Doha sont multiples.
Un gouvernement cherchant à se dédouaner de ses responsabilités
En effet, il est délicat d’établir clairement les responsabilités des différents acteurs impliqués dans cette violation de la liberté d’expression. Interrogé par HRW, le Ministère de l’Information et des Technologies de Communication qatari assure que le gouvernement n’a pas de contrôle sur le flux de publications de l’édition internationale du New York Times dans le pays puisque les distributeurs de presse sont indépendants. Toutefois, la ministre Hessa al-Jaber admet qu’il est attendu de ces entreprises qu’elles auto-censurent les articles qui ne respecteraient pas les « standards culturels locaux et leurs attentes ».
Quant à lui, le groupe Dar Al-Sharq explique être soumis aux lois qataries et être forcé, au titre de la section 47 de la loi de 1979 sur la Presse et les Publications, de ne pas imprimer des articles « contraires à l’éthique ». Ce prétexte moral est fréquemment utilisé par le royaume pour procéder à des arrestations arbitraires de journalistes.
Il est également important de souligner que l’actualité concernant les LGBT dispose d’extrêmement peu de canaux de diffusion dans toute la région du Golfe : à titre d’exemple, le média Al-Jazeera n’a pas publié de contenu en arabe sur la question depuis 2004.
L’espoir d’un changement porté par l’influence de la FIFA
Plus généralement, cette censure systématique reflète l’homophobie du gouvernement du Qatar, pays d’accueil de la Coupe du monde de football en 2022. Minky Worden, directrice des initiatives à HRW, défend ainsi la nécessité pour la FIFA de prendre les mesures nécessaires.
En effet, l’association souligne l’importance centrale des droits de l’homme dans les Articles 3 et 4 de ses Statuts, tandis que la non-discrimination sur la base de l’orientation sexuelle est désormais un pré-requis pour les pays candidats à l’accueil de la Coupe du Monde. Récemment alertée par HRW qui exhorte la monarchie à modifier le code pénal interdisant les relations homosexuelles, la fédération enquête actuellement sur la censure des articles relatifs aux LGBT.
En cas de contexte national peu favorable, la politique des droits de l’homme de la FIFA prévoit effectivement qu’il est de son devoir de s’engager dans un dialogue avec les autorités. Ainsi, le Qatar, qui ne reconnaît actuellement aucune organisation LGBT, doit faire preuve de davantage de soutien pour la protection de la dignité humaine.
Image : Bidding Nation Qatar 2022, by D@ly3d. Flickr CC BY 2.0.