A l’occasion d’une visite du Pape François à Dublin pour le World Meeting of Families, le Taoiseach (Premier Ministre irlandais) Leo Varadkar a tenu un discours,le 25 août, dernier où il a souligné la grandissante diversité de « l’Irlande moderne » et défendu les victimes d’abus cléricaux.
La foi chrétienne, vecteur de l’Histoire irlandaise
Saluant la présence d’officiels nord-irlandais dans l’assemblée, le Premier Ministre a appelé le Pape à se rendre en Irlande du Nord lors d’une prochaine visite. Il a cité le chef suprême de l’Église Catholique Romaine : « Bâtissez des ponts et non des murs, car les murs tombent ». Il s’agit d’une référence évidente aux murs de la paix qui divisent encore catholiques et protestants à Belfast, vingt ans après les accords de paix du Vendredi Saint 1998. Le premier ministre a tenu à mentionner la foi chrétienne comme vecteur de l’histoire moderne du pays. En effet, la déclaration d’indépendance de 1916 y avait trouvé ses bases, menant plus tard à la rédaction d’une Constitution dont le préambule sacre la Sainte Trinité comme source de l’autorité de l’État.
Le discours du Premier Ministre fut également l’occasion de remercier l’Église catholique pour son soutien au peuple irlandais sur des sujets comme l’éducation et la santé. Notamment à l’époque où l’État laissait un manque dans ces domaines. Il a aussi admis que l’aide de l’Eglise aux sans-abris et mal logés était très précieuse pour son gouvernement, qui traverse une crise du logement difficile à résoudre.
« Écouter les victimes »
Mais il ne s’agissait pas pour Leo Varadkar de s’épandre en remerciements. Rapidement, il a fait référence aux « aspects sombres de l’histoire de l’Église Catholique », mentionnant notamment l’affaire des Magdalene Laundries, ces institutions catholiques destinées aux « femmes perdues » (fallen women). S’y sont succédées près de dix mille femmes, prostituées ou simplement enceintes hors-mariage, abandonnées par leur famille. Maltraitées, les pensionnaires étaient exploitées dans des blanchisseries, et ce de 1922 à 1996? C’est l’un des plus gros scandales de l’histoire du catholicisme moderne. Le Taoiseach a appelé le Pape François à soutenir la justice et à aider les victimes d’abus cléricaux à se relever, notamment dans la récente affaire des « prêtres prédateurs » de Pennsylvanie. « Il ne peut y avoir aucune tolérance pour ceux qui abusent d’enfants innocents ou facilitent l’abus. Nous devons nous assurer que les mots mènent à l’action. Surtout, Votre Sainteté, je vous demande d’écouter les victimes » a demandé Leo Varadkar.
Une relation Église-État en pleine évolution
Pour conclure son discours, le Premier Ministre a défendu une Irlande du XXIème siècle de plus en plus diverse, en conséquence de l’immigration, de la multiplication du nombre de religions pratiquées dans le pays et de l’augmentation de l’athéisme. Lui-même ouvertement homosexuel, il a fait mention de « référendums pour moderniser [les] lois » pour parler de la légalisation du mariage entre personnes du même sexe et de l’avortement. « L’heure est venue de construire une nouvelle relation entre l’Église et l’État en Irlande […] L’Irlande est un pays différent de ce qu’il était il y a 39 ans [nb. dernière visite du Pape François en Irlande]. L’Irlande moderne est toujours un pays avec de la foi, de l’esprit et des valeurs ». Un appel clair à revisiter les liens de l’Église avec la société irlandaise.
Image : Protest Art – Magdalene Justice by William Murphy. Flickr BY – SA 2.0