Les groupes de sécurité, appelés Koglweogo, se forment dans différentes régions du Burkina Faso : le Centre, le Centre-Ouest et la région des Hauts-Bassins notamment. Les Koglweogo se composent de civils. Souvent armés, ils sont volontaires au sein de leurs communautés pour effectuer des actions de sécurisation des villages et des populations.
La stabilité du Burkina Faso en a longtemps fait l’un des pays les plus sûrs de la région, jusqu’au début des années 2010. La situation sécuritaire burkinabé se dégrade alors suite à des désaccords au sein de l’armée. Dans le même temps, la population exprime peu à peu son exaspération face à la multiplication des révisions constitutionnelles. Le développement du banditisme trouve son terreau dans l’affaiblissement du pouvoir étatique et les attentats de Ouagadougou en 2016 consacrent la mise en place d’un climat d’insécurité dans le pays.
Reconnaissance de l’efficacité des Koglweogo face à la défection des structures étatiques
Déjà existantes depuis des décennies au Burkina Faso, les structures communautaires de sécurité ont pris de la visibilité et de l’importance lorsque l’État burkinabé s’est avéré incapable de garantir celle de sa population. Samedi 13 octobre 2018, l’association Action pour la Sécurité Humaine en Afrique (ASHA, créée en 2016) a présenté un rapport d’enquête sur la perception de ces groupes de sécurité par les populations locales.
Les résultats de cette enquête, qui compile les réponses de 826 personnes interrogées, illustrent la désertion des structures de protection étatiques. Les actions des Koglweogo sont, à une courte majorité, approuvées par la population (53 % des répondants sont « absolument d’accord »). La raison majeure de leur assentiment est la crainte du grand banditisme et l’action visible des Koglweogo sur ce dernier.
Les groupes de sécurité communautaires sont appréciés pour leur proximité avec la population et leur rapidité d’action. Issus de communautés qu’ils protègent, les éléments des Koglweogo connaissent la géographie des terrains sur lesquels ils opèrent. Surtout, ils adhèrent aux valeurs culturelles propres à chacun des villages ou des régions et perpétuent un héritage traditionnel apprécié.
Violation des Droits humains et dérives
Néanmoins, non-reconnus légalement, ces groupes ne bénéficient pas d’un quelconque pouvoir judiciaire. Les Koglweogo exercent pourtant la justice localement, parfois en usant de sanctions physiques. Ce dernier point pose problème : les actions de représailles sont parfois entreprises sur des individus, sans qu’une condamnation officielle ne reconnaisse la culpabilité ou l’innocence de la personne mise en cause.
De nombreux exemples d’actions menées par les Koglweogo, décriées par les populations, affluent dans les médias burkinabés. Atteintes aux droits humains, pratique des enlèvements ou encore de la torture jettent une ombre sur le bien-fondé de ces groupes. Le rapport de l’ASHA pointe ces dérives, qu’une partie de la population oppose au maintien, tel quel, de ces groupes de sécurité.
Ainsi, 37 % des interrogés sont « d’accord en partie » avec les actions des Koglweogo et les 10 % restants se sont exprimés « catégoriquement contre ». Les sévices corporels figurent en première position parmi les pratiques reprochées aux groupes. Elles sont la raison pour laquelle de nombreuses associations de défense des Droits Humains demandent la dissolution pure et simple de ces structures. Des dynamiques de racket et d’amendes exorbitantes sont également dénoncées.
Risques d’escalade intra et intercommunautaires à l’Ouest du pays
Si le gouvernement burkinabé est conscient de l’existence et des actions de ces groupes qui ne respectent que peu les procédures judiciaires nationales, une réponse ferme tarde. L’État burkinabé propose peu d’actions, excepté l’appel à un encadrement des activités des Koglweogo. Pourtant, des plaintes sérieuses se font entendre, individuelles ou collectives.
Dans l’Ouest du pays, des communautés de chasseurs traditionnels, les Dozos, ont plusieurs fois interpellé les autorités burkinabés à ce propos. Annonçant s’exprimer pour toute la région, Aly Konaté, président de l’Union Nationale des Dozos du Burkina, refuse vigoureusement la présence de ces groupes de sécurité. Les relations ne vont pas en s’améliorant : des ultimatums sont régulièrement lancés aux différents Kogleweogo, afin qu’ils quittent le territoire des Dozos.
Le 12 septembre dernier, à Karrangasso-Vigué, commune rurale de l’Ouest du Burkina Faso, la période des mises en garde a pris fin. Trois personnes ont trouvé la mort dans des affrontements entre la population locale et un groupe de Koglweogo.
Image : Chasseurs traditionnels Dozos en tenues d’apparats, by Neverdie225 – CC BY-SA 4.0.