Le 11 octobre 2018, Reuters et l’AFP signalent l’exécution de 17 personnes décrites comme des islamistes coupables de plusieurs attentats qui ont frappé les Coptes en 2016 et 2017. 19 autres personnes auraient été condamnées à la prison à perpétuité. Ces attentats, rappelons-le, sont ceux du Caire en décembre 2016 et de Tanta et Alexandrie en avril 2017 : ils sont la cause de 74 morts au total et avaient été revendiqués par l’Etat Islamique.
Un procès hâtif pour rester le « président protecteur des Chrétiens d’Egypte »
Amnesty International a dénoncé un « procès injuste ». Il faut en effet remarquer que ces condamnations ont été prononcées à l’issu d’un jugement par le tribunal militaire d’Alexandrie sans aucun respect des droits à la défense des accusés. En effet, si l’on peut comprendre que les familles des victimes aient salué le jugement, il faut surtout voir dans celui-ci la continuité de la stratégie copte du régime Sissi dès sa prise de pouvoir. Il avait multiplié les déclarations en faveur de l’amélioration de la situation de cette minorité chrétienne, en sachant notamment que la période des Frères Musulmans au pouvoir avait été un cauchemar pour elle.
Le prêtre copte orthodoxe Makary Younan avait ainsi qualifié Sissi d’« envoyé du ciel pour une Egypte plus égalitaire ». C’est donc une communauté qui, face à l’intégrisme religieux de Mohammed Morsi et des Frères Musulmans, a soutenu l’intervention de l’armée menée par Sissi en 2014 pour prendre le pouvoir. Ce dernier avait alors, dès janvier 2015, assisté à une messe de Noël copte. Il a ensuite fait passer, dès 2016, une loi proposant la première définition juridique du terme « église » en Egypte censée faciliter la construction d’édifices religieux pour les coptes. Cela reste une stratégie puisque chaque gouverneur d’une province égyptienne a toujours le droit de refuser sans raison la construction d’un tel édifice. Les procès du 11 octobre s’inscrivent donc dans cette dynamique de légitimation du pouvoir autoritaire laïcisant de Sissi.
Les Coptes, une minorité non négligeable en Egypte
Apparaître légitime auprès des Coptes était un enjeu pour ce régime égyptien qui se présente comme l’unificateur de la vaste population du pays. Les Coptes représentent tout de même 10 % de cette population. Leur grande majorité appartient à l’Eglise copte orthodoxe même si, au XIXème siècle, furent fondées les Eglises coptes catholique et évangélique. Le christianisme est une religion historique en Egypte puisqu’il y fut introduit dès 60 après Jésus-Christ. A l’arrivée des arabes au VIIème siècle c’était donc une terre chrétienne.
Des Omeyyades aux Ottomans, les Coptes ont perpétué leurs traditions en Egypte jusqu’à gagner une certaine importance politique sous Mehmet Ali (1805-1848). En 1874 apparaît le Majlis al-milli, un conseil de Coptes laïcs pour défendre leur communauté. Ils prendront part à la révolution qui aboutit en 1922 à l’indépendance du pays. Ce ne fut qu’en 1971 que fut dissout le Majlis al-milli, sous Nasser, mais leur vraie peur proviendra des revendications des Frères Musulmans dans les années 1980 après que le Président Sadate ait choisi de s’appuyer sur eux pour combattre les mouvements de gauche.
Image : L’église copte grecque orthodoxe Saint-Marc dans le vieux Caire, par Aude. Wikicommons CC BY – SA 2.0