A l’approche des élections de mi-mandat du six novembre, certains chrétiens américains pratiquants appelaient à voter pour les Démocrates. Traditionnellement, cette part de l’électorat est chasse gardée des Républicains, parti de la droite américaine auquel est affilié le Président Donald Trump. Pour ces élections destinées à renouveler une partie du Sénat et la totalité de la Chambre des Représentants, les sondages avaient annoncé des résultats très serrés, ce qui s’est confirmé puisque de nombreux Etats continuent à recompter les votes. En effet, deux ans après la victoire choc de Donald Trump aux élections présidentielles, le chef d’Etat américain divise toujours les foules et la communauté chrétienne n’est pas épargnée.
Des chrétiens déçus du bilan de mi-mandat du Président Trump
En conseillant aux chrétiens de faire virer le Congrès dans le camp démocrate, la campagne Vote Common Good, ainsi qu’un certain nombre d’organisations chrétiennes progressistes, ont brisé la tradition. Même si le Président Donald Trump bénéficie toujours du soutien de nombreux leaders évangélistes, ces groupes alternatifs se disent fortement déçus de l’attitude et des politiques implémentées par le chef d’Etat et son gouvernement. « Nous avons une obligation morale et une obligation religieuse d’offrir une voix différente. Notre foi nous oblige à nous faire entendre » juge Doug Pagitt, directeur exécutif de Vote Common Good. Malgré le fait que près de 86 % des chrétiens évangélistes blancs aient voté pour les Républicains aux élections de 2016, il estime que près de 20 % de cet électorat serait prêt à changer de vote cette année. En effet, le changement de ton de la rhétorique trumpienne, de même que certaines mesures polémiques comme la séparation d’enfants immigrés de leurs parents, vont à l’encontre des valeurs religieuses de cette communauté. Pour Doug Pagitt, « ils sont généralement silencieux, et la plupart se sentent seuls et isolés. Nous voulons être à leurs côtés, les regarder dans les yeux et leur dire que leur foi les appellent à faire quelque chose de différent dans l’isoloir cette fois ».
Cette campagne fait suite au manifeste Reclaiming Jesus, qui a émergé en Mai 2018 de la voix d’une douzaine de leaders religieux. Ce mouvement rejetait alors certaines marques de fabrique de l’ère trumpienne, telles que la résurgence du discours suprématiste blanc, les abus sexuels, les attaques contre les migrants et les réfugiés, ou encore la réduction de programme de soutien aux plus démunis en faveur d’une baisse des taxes pour les plus riches. Pour l’évêque anglican Michael Curry, signataire du manifeste, « les représentants de la chrétienté ont adhéré à des agendas politiques qui, bien souvent, ne reflètent pas les enseignements de Jésus de Nazareth ». Le manifeste a vu le jour en même temps qu’un mouvement inspiré de l’héritage de Martin Luther King, Poor People’s Campaign, qui exige l’abrogation des réductions d’impôt pour les plus fortunés.
Les évangélistes conservateurs possèdent les moyens financiers pour se faire entendre
Pour le pasteur vétéran et activiste fondateur de Red Letter Christians, Tony Campolo, les évangélistes avaient déjà une réputation conservatrice avant l’arrivée de Donald Trump sur la scène politique. Mais aujourd’hui, cela ne cesse d’empirer avec le soutien d’un certain nombre de leaders religieux : « C’est effrayant. Cela sous-entend presque une tentative de transformer l’Amérique en théocratie. Et nous avons peur car c’est tout simplement l’opposé de ce que devrait être l’Amérique ». Le mouvement Red Letter Christians n’est pas parvenu à galvaniser les foules, faute de fonds. Mais, comme le fait remarquer Campolo, les évangélistes conservateurs ont non seulement les moyens financiers, mais également la maîtrise des micros, ce qui leur a permis jusqu’alors de faire passer le républicanisme comme la norme de cette communauté religieuse. Les campagnes chrétiennes républicaines restent très importantes et déploient de grands moyens. En abordant des sujets aussi sensibles que l’avortement, ils parviennent à maintenir une large part de l’électorat républicain.
Cependant, malgré les inquiétudes de certains chrétiens progressistes, il reste de l’espoir pour la voie démocrate : « La démocratie va tenir, mais elle ne tiendra pas sur pilote automatique. Elle tiendra parce que des gens de bonne volonté et avec de la décence humaine se rassembleront et diront que nous n’allons pas détruire ce pays, nous allons le reconstruire meilleur » dit Michael Curry, lui-même d’origine afro-américaine. « J’ai vu ce pays au plus bas, et j’ai vu ce pays au plus haut. Je sais qu’il a la capacité de se reconstruire et d’aller de l’avant, et je suis persuadé qu’il le fera ».
Image : Gage Skidmore – Donald Trump speaking with supporters at a campaign rally at the Prescott Valley Event Center in Prescott Valley, Arizona. Wikicommons CC BY-SA 2.0.