Après sa large victoire aux élections de juillet 2018 avec son parti Morena, Andrés Manuel Lopez Obrador (surnommé AMLO) a officiellement pris ses fonctions en tant que 65ème président de la République au Mexique le 1er décembre 2018.
Au-delà du changement historique sur le plan politique (du fait de la défaite des partis traditionnels), la cérémonie d’investiture a marqué les esprits en raison de la place accordée aux communautés indigènes. C’est en effet la première fois que les communautés indigènes et afro-mexicaines du pays sont si étroitement associées à la passation de pouvoir.
Le président a reçu le « Bâton de commandement »
Après son investiture devant le Congrès mexicain, AMLO, qui a annoncé son intention de vendre l’avion présidentiel, est monté dans sa Volkswagen Jetta pour rejoindre la place centrale du Zócalo où étaient réunies plusieurs milliers de personnes en provenance des 68 communautés indigènes du pays. Le président, qui cultive une image d’homme simple, a participé à un rituel de purification. Durant la bénédiction, il s’est agenouillé lors d’un moment particulièrement émouvant pour de nombreux spectateurs. Il a enfin reçu le « bâton de commandement » (el bastón de mando) de la part de la Gubernatura Nacional Indígena (GNI), une organisation représentant près de 10 millions d’indigènes à travers le pays. Dans la tradition des peuples indigènes, il s’agit de la plus haute distinction qu’il est possible d’accorder à une autorité.
Les communautés indigènes au Mexique : entre marginalisation et discriminations
Les communautés indigènes du Mexique représentent les populations originelles du pays. A l’image de Benito Juarez, d’origine zapotèque, de nombreux indigènes ont marqué l’histoire politique du pays. Pourtant, ces populations sont aujourd’hui quasi invisibles sur la scène politico-économique et dans les médias nationaux. Elles souffrent d’un racisme latent et d’une exclusion sociale. Aussi, la cérémonie au Zócalo a été l’occasion de réaffirmer la volonté d’être davantage prises en considération lors de la conception et la mise en œuvre des politiques publiques concernant leurs territoires.
Le Mexique a signé de nombreux instruments internationaux de protection des droits des communautés indigènes
La diplomatie mexicaine défend traditionnellement, de façon active, l’adoption au niveau international de textes de protection des communautés indigènes. Aujourd’hui, le pays est lié par des obligations fortes posées par plusieurs instruments juridiques :
- La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965 ;
- La Convention 169 de l’Organisation internationale du travail portant sur les peuples indigènes de 1989 ;
- La Déclaration de l’Assemblée générale de l’ONU sur les droits des peuples indigènes de 2007 ;
- La Déclaration américaine des droits des peuples indigènes adoptée dans le cadre de l’Organisation des États d’Amérique de 2016.
Ces différents textes reconnaissent des droits individuels et collectifs aux communautés indigènes. Ils invitent le Mexique à renforcer ses politiques de développement à destination des populations indigènes, tant sur le plan économique que culturel et social.
AMLO promet un « changement de régime politique » et une « transformation pacifique »
Dans son allocution d’investiture, le président s’est engagé à mettre un terme à l’oppression que subissent les communautés indigènes grâce à la hausse des dépenses publiques. Ainsi, tous les dispositifs gouvernementaux devront les cibler en priorité. En matière d’éducation, il a annoncé un programme de bourses de 800 pesos par mois (35 euros) pour les élèves modestes du secondaire. Cette bourse s’élèvera à 2 400 pesos par mois (100 euros) pour les étudiants du supérieur. Par ailleurs, AMLO souhaite inscrire dans la Constitution, à son article 3, « un droit à l’éducation gratuite ». Enfin, le président souhaite aller vers une sécurité sociale plus robuste et une revalorisation des retraites.
Le lancement d’un « train maya » pour relancer le tourisme
AMLO a annoncé la création d’un train renforçant l’accès à la péninsule du Yucatán. Ce projet illustre ses ambitions en matière d’investissements publics. En passant par cinq Etats (Tabasco, Chiapas, Campeche, Yucatán et Quintana Roo), ces infrastructures permettraient de promouvoir la culture et le patrimoine maya de cette région à l’est du pays. Les ONG soulignent toutefois la nécessité de mettre en place le projet avec le consentement des communautés indigènes concernées dans le respect des procédures de consultation, conformément aux obligations internationales.
Un président mis au défi de tenir ses engagements
AMLO a fait de nombreuses promesses, que cela soit en matière de lutte contre la corruption, sur la problématique de l’insécurité ou pour l’intégration sociale des populations indigènes. Néanmoins, celui qui a invité Nicolas Maduro à sa passation de pouvoir est parfois qualifié de « populiste » par ses détracteurs. Face à l’espérance suscitée par son élection, le nouveau président, qui s’est engagé à ne pas « mentir, voler ou trahir » le peuple, sera rapidement interrogé sur sa capacité à transformer en profondeur le pays.
Image : Reunión con el Presidente Electo y equipos de trabajo, by Presidencia de la Republica Mexicana. Flickr CC BY 2.0