A l’occasion d’une rencontre à la Conférence des évêques de France, ce mercredi 23 janvier, l’Observatoire Pharos a réuni de nombreux acteurs pour essayer de répondre à la question « Quel rôle joue la société civile centrafricaine dans le relèvement du pays et comment encourager le travail commun ? ». Les intervenants, IUV association francophone pour la justice et la démocratie, le Secours catholique et l’Alliance des évangéliques de Centrafrique ainsi que l’Observatoire Pharos, ont évoqué le travail au sein de la société civile et avec celle-ci.
Voici un compte-rendu des différentes interventions.
La société civile centrafricaine face à la crise politique et sécuritaire
Arsène Kawa, représentant de l’Observatoire Pharos, a pu dessiner un tableau de la société centrafricaine. Il explique que la société civile est multiple et se compose des organisations syndicales, de défense des droits humains, de lutte contre les VBG, d’association de victimes (plaidoyer pour une prise en compte des victimes pour la justice et la réparation), d’associations de soutien aux victimes, d’organisations féministes qui ont notamment soutenu la loi sur la parité, d’organisations qui militent pour la paix, d’organisations de jeunesse dont le poids est relatif, de mouvements de la diaspora et celles qui militent pour le développement durable. La pluralité d’associations est bien réelle.
Les partenariats sont aujourd’hui vivement encouragés. Il semble d’ailleurs que la société civile occupe une place plus importante que l’État dans la société. Pour l’avenir, il semble majeur de les inclure dans le processus transitionnel pour participer davantage aux décisions. La société civile doit devenir un organe durable pour une coopération plus innovante, participative et efficace.
Quels besoins et quelles attentes de la part des organisations de la société civile ?
Jean-Arnold de Clermont, Président de l’Observatoire Pharos, estime que la situation actuelle peut se comparer à une tentative de séparation du pays par des acteurs qui veulent profiter de la crise. Le constat du rapport « Justice et priorité aux victimes » se résume en quatre mots. Ces mots proviennent de ce que les personnes interrogées ont pu vivre. Elles implorent de ne pas négliger le devoir de mémoire car elles ont souvent le sentiment d’être seules, livrées à une situation sans État (abandon) alors qu’elles témoignent justement de cette confiance dans le gouvernement pour restaurer la justice et œuvrer tous ensemble à la réconciliation. Cette démarche de réconciliation ne semble pas possible sans les trois étapes précédentes de reconnaissance et d’écoute puis de justice. L’objectif de l’Observatoire, après avoir enquêté, est désormais de témoigner et informer sur ce que vit la société civile.
Louise Rapebach, chargée de partenariats Centrafrique avec le Secours catholique, a souhaité mettre en avant deux initiatives de la société civile pour répondre à la question de ses besoins et ses attentes. Bien que la société reste peut développée, le cadre familial est au cœur de la vie quotidienne. L’Eglise reste également fortement ancrée dans les collectivités par sa proximité avec les populations et se retrouve être un lieu de refuge spontané lors des crises.
- Les constats de Caritas RCA sont assez ternis. L’organisation s’appuie sur le local et a construit un maillage à plusieurs échelons. Dans une situation sanitaire et sécuritaire difficile (peur du kidnapping sur les chemins qui mènent aux hôpitaux), ils répondent aux urgences. Si en 2016 il y avait de l’espoir, celui-ci s’est affaibli. L’aide n’arrive parfois qu’une fois par mois car les routes peuvent être extrêmement dangereuses.
- Le réseau Justice et paix apporte réconciliation et appui aux victimes. L’écoute est une première étape dans leurs actions et ils ont ainsi récolté environ 6 000 dossiers de Centrafricains à présenter à la justice. Leur sensibilisation au droit se fait via les radios communautaires.
Louise Rapebach s’est alors interrogée sur les raison des attaques quasi systématique envers les églises. Est-ce un témoin qui dérange ou bien le représentant d’un ordre institutionnel rejeté ?
Les femmes, victimes et actrices du relèvement
Magalie Besse, directrice de l’Institut universitaire Varenne, a évoqué la place que les femmes peuvent avoir dans la mise en oeuvre des mécanismes de justice transitionnelle. La participation des femmes dans la société se fait ressentir surtout dans l’assistance aux femmes victimes des violences basées sur le genre (VBG). S’appuyer sur la société civile et ne pas créer de construction ex-nihilo sont les conditions d’une action pérenne. Plusieurs défis sont à relever dans les projets de développement actuels, les services sont concurrents par manque de coordination et les projets restent très courts car soumis aux ONGs internationales, sans ancrage sur le terrain. L’écart entre le ressenti des populations et ce qui est mis en place est grand.
Les femmes ne sont pas seulement des victimes, elles sont actrices de paix, il faut donc leur accorder une place spécifique et les laisser participer au mécanisme de reconstruction. Il faudrait former les femmes pour être à tous les niveaux (juges, policières, etc.) et donner confiance. Ce sont des mesures spécifiques qu’il faut penser si nous souhaitons qu’elles participent aux actions de relèvement (accessibilité des transports, de la langue et prise en charge des enfants notamment).
Les acteurs religieux, des acteurs écoutés, dont la parole peut calmer ou aggraver la crise
François Ndeckere-Ziangba, représentant de l’alliance des évangéliques de Centrafrique a rappelé les étapes de formation de la Plateforme des confessions religieuses. C’est à un moment où l’Etat était absent que les trois fondateurs de cette plateforme se sont réunis avec l’objectif de déconstruire l’idée d’un conflit interreligieux. Les actions de médiation entre des groupes antagonistes semblent fonctionner car la parole religieuse est respectée. Ces dialogues ont pu recréer la cohésion sociale ébranlée par la crise, bien que cela ne soit pas encore terminé.
L’institution qui a été créée pour être temporaire s’est pérennisée et doit s’adapter pour répondre aux impératifs. C’est un acteur de la réconciliation nationale pour prévenir les violences et défendre les intérêts des victimes à l’application de la justice. Le refus de l’impunité est très clair pour eux. François Ndeckere-Ziangba a ajouté qu’il faut une meilleure coopération dans les programmes de médiation, de cohésion sociale et de réhabilitation. Ainsi, les ONGs devraient collaborer avec les religieux pour un transfert de connaissance.
L’Observatoire Pharos remercie vivement toutes les personnes qui sont venues à la conférence, pour soutenir les actions et réagir aux différentes interventions. Il apparaît que beaucoup se soucient du peu de médiatisation de la crise, cet oubli ayant été qualifié de crime contre l’humanité. Il apparaît également que, dans ce conflit, les intérêts à poursuivre les dissensions semblent plus forts que ceux cherchant à y mettre fin. Toutefois, l’espoir vis-à-vis de la société civile a été souligné puisque les projets locaux ont un fort impact lorsque les Centrafricains sont véritablement associés en tant que partenaires et non seulement comme bénéficiaires.
Cette rencontre a eu lieu dans le cadre des rencontre du Cycle Afrique organisé par l’Observatoire Pharos. Prochainement une rencontre consacrée à la RDC, toutes les informations en vous inscrivant à l’info-lettre de l’Observatoire Pharos.