Des portraits de Simone Veil vandalisés par des croix gammées, le mot « Juden » peint sur la vitrine d’une boulangerie, un arbre commémorant la mort d’un adolescent juif scié : ces événements illustrent les chiffres confirmés par le gouvernement ce mardi 12 février. Les actes antisémites ont augmenté de 74 % en 2018, soit 541 contre 311 en 2017. Ce taux fluctue d’année en année, mais celui observé l’an passé est particulièrement élevé. Les chrétiens ne sont pas épargnés. En deux semaines, neuf églises ont été profanées et/ou vandalisées. Ces événements ne sont pas anodins et témoignent d’un climat de haine et de violence en France.
Les relents antisémites en France
Les racines de l’antisémitisme sont diverses, et ont évolué de l’antisémitisme entre le dix-neuvième siècle en Allemagne, à l’extrême droite du XXème siècle, ainsi qu’au racisme biologique nazi et fasciste. Les années 1960 marquent la montée d’un antisémitisme lié aux échauffourées en Palestine, et se nourrit depuis quelques années de l’islamisme radical. L’antisémitisme se manifeste par vagues dans des moments de crise. Le mouvement des « gilets jaunes » en est l’expression la plus frappante.
Par ailleurs, selon Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement, certains membres de ce mouvement seraient à blâmer pour le vandalisme de ces lieux de culte et autres symboles de mémoire. L’homme de lettres et philosophe Alain Finkielkraut a également été la cible d’injures. Il semble cependant bon de rappeler que cette hausse des crimes de haine, notamment antisémites, précède le mouvement. Rien ne prouve une quelconque corrélation entre ces événements et les protestations de ces dernières semaines. Néanmoins, l’IFOP estime à 44 % le nombre de « gilets jaunes » épousant les thèses complotistes appuyant un sionisme mondial. Pour rappel, le sionisme est un mouvement politique et religieux, visant à l’établissement puis à la consolidation d’un État juif en Palestine. La crise sociale en France, depuis l’émergence du mouvement aurait encouragé ces actes. Seulement, imaginer que cette haine de longue date s’éteindra une fois que les protestations s’apaiseront semble utopique.
Des tentatives de lutte peu satisfaisantes : de l’urgence d’une prise de conscience nationale
Pour Frédéric Potier, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, cette hausse s’explique par une résurgence des propos haineux sur la toile. Edouard Philippe, premier ministre, avait pourtant dévoilé son plan antiracisme et antisémitisme l’an passé basé sur la lutte coordonnée contre la haine raciale sur internet au niveau européen.
Francis Kalifat, président du Conseil Représentatif des Institutions juives de France, estime que ce plan est inadéquat et alerte sur l’affaiblissement démocratique du pays. Il appelle à une prise de conscience de la population et du gouvernement face à cette banalisation de la haine antisémite en France. Ce sentiment s’accompagne du fait que les actes racistes et xénophobes ont baissé de 4.2 %, avec un taux d’agression des musulmans le plus bas depuis 2010.
Aussi, la population juive française, représentant par ailleurs moins d’un pour cent de la population totale, tire la sonnette d’alarme depuis quelques années déjà. Certains fuient même l’insécurité et déménagent, parfois hors du pays. La mort l’an dernier de Mireille Knoll, survivante de l’holocauste de 85 ans, avait par ailleurs choqué la communauté juive et le pays tout entier. Cependant, un sentiment de découragement gagne certains Français. « Je pense que maman ne serait pas surprise de ce qu’il se passe car elle avait assez peu d’illusions sur l’antisémitisme » témoigne, au plateau de RTL, Jean Veil, fils de Simone Veil dont le portrait, réalisé par l’artiste C215, a été vandalisé.
D’autres mesures ont été abordées dernièrement, dont la pénalisation de l’anti-sionisme. Le président Emmanuel Macron considère cependant que ce projet de loi poserait « d’autres problèmes » – notamment la question de la critique du gouvernement israélien en lui-même – et appelle à « faire république, c’est-à-dire être ensemble. (…) Faire république, c’est éduquer, former. »
Des actes de haine non limités à la communauté juive
Selon le ministère de l’Intérieur, l’Église catholique détient le record d’atteintes aux lieux de culte en 2017 : 878 sur les 978 actes recensés, soit deux dégradations par jour. Entre fin janvier et début février, 9 églises ont été vandalisées ou profanées. Dans plusieurs d’entre elles, comme à Dijon, les hosties (représentant le corps du Christ pour les croyants) ont été jetées au sol. À Nîmes, ces dernières ont été mêlées à des excréments pour dessiner une croix sur le mur de l’église. Encore, un individu a tenté de mettre le feu à la cathédrale Saint-Alain de Lavaur, dans le Tarn. La dégradation d’un lieu de culte n’est pas un acte anodin. Profaner une église revient à s’en prendre à l’Eglise toute entière.
Aussi, le manque de couverture médiatique de ces événements mène à l’accusation d’une certaine hiérarchisation de la gravité de ces actes de violence, qui doivent, au même titre que les autres, être dénoncés et combattus. Ariel Goldmann, Président du Fonds social juif unifié, a par ailleurs condamné ces profanations « scandaleuses » en rappelant sa « solidarité envers l’Eglise catholique ». Une fois encore, au delà de l’adoption urgente de mesures politiques visant à lutter contre les crimes haineux, l’union et la solidarité des représentants des religions en France semble devoir être l’un des piliers majeurs du processus d’apaisement des relations.
Image : Plaque du jardin Ilan-Halimi, dans le 12e arrondissement de Paris, by Poulpy, Wikipedia Commons.