Durant le flux migratoire massif de 2015, certains pays européens se sont distingués par leurs politiques d’ouverture. En particulier, la Suède a attiré beaucoup d’attention en étant le deuxième pays d’accueil des migrants. En 2015, la Suède a accueilli 160 000 demandeurs d’asile pour une population d’environ 10 millions d’habitants.
Un pays de migration
La Suède a une histoire à double sens avec la migration. Entre les années 1850 et les années 1930, 1,5 million de personnes ont quitté la Suède. Après 1945, des travailleurs immigrés venant d’Italie, de Grèce et de Turquie se sont installés en Suède. Les conflits en ex-Yougoslavie des années 1990 ont également amené une vague d’immigration avec plus de 100 000 bosniaques. Aujourd’hui, une personne sur six vivant en Suède est née à l’étranger.
Si la Suède est désormais connue pour son accueil, les chiffres ont fortement augmenté ces dernières années. Le nombre de Syriens installés en Suède est passé de 20 758 en 2010 à 185 991 en 2018 d’après le Bureau Suédois de Statistiques. Le nombre d’Afghans a également fortement augmenté : de 14 420 en 2010 à 51 979 en 2018. A part la Syrie et l’Afghanistan, l’Erythrée et la Somalie sont aussi deux pays d’origine qui ont enregistré une hausse de ressortissants. La population d’origine somalienne est passée de plus de 37 000 à plus de 68 000 individus. Dans le même laps de temps, la population d’origine érythréenne a été multipliée par quatre pour atteindre plus de 42 000 individus.
Ainsi, ces nouvelles tendances dans la population suédoise changent la dynamique de cette dernière. Depuis 1950, la première minorité en Suède est la minorité finlandaise pour des raisons historiques et géographiques. La minorité finlandaise diminue depuis les années 1980 après avoir atteint un pic de 251 342 individus. En 2010, les Finlandais demeuraient la première minorité du pays mais, en 2018, elle se classe deuxième avec ses 147 883 individus.
Les défis à l’intégration
La question de l’intégration est primordiale. En 2013, des émeutes dans la banlieue de Stockholm ont mis en avant ce défi. Le contexte d’augmentation des inégalités entre riches et pauvres a fortement contribué aux violences. L’intégration d’immigrés à la société suédoise dépend également fortement des qualifications et de l’éducation des migrants. En effet, le marché du travail suédois est spécifiquement plus apte à intégrer les travailleurs hautement qualifiés. Le travail étant clé à l’intégration, les migrants non qualifiés font face à un défi des plus importants.
Dorénavant, la politique d’intégration suédoise cherche à intégrer les nouveaux arrivants plus rapidement. Cette intégration par le travail a pour but le respect de l’éducation et de l’expérience du migrant. Le gouvernement investit fortement dans les « fast track » et une harmonisation des conditions d’entrée pour les nouveaux arrivants. De plus, le gouvernement compense financièrement les municipalités pour l’accueil de réfugiés et de réfugiés mineurs non-accompagnés.
Afin de faciliter l’intégration, le pays a mis en place depuis le milieu des années 1960 des cours de suédois. En effet, la maîtrise de la langue nationale est une condition importante afin d’intégrer le marché du travail en Suède. Ces cours de suédois pour immigrants (SFI) sont gratuits et visent les immigrés adultes. En 2017, le nombre d’élèves prenant part aux SFI a atteint 163 175, une hausse de 8,7 % par rapport à 2016. Cependant, le temps d’attente avant de commencer le cours est de minimum trois mois dans les grandes villes.
Agir contre la discrimination
Le respect et la mise en place de droits égaux est également un but principal de la politique d’intégration suédoise. Des amendements à l’Acte sur la Discrimination sont rentrés en vigueur en 2017. Les employeurs doivent désormais prendre des mesures actives pour empêcher et contrer tout type de discrimination. Auparavant, seuls trois types de discrimination autorisaient la mise en place de mesures actives.
Dans le même temps, le gouvernement suédois suit une politique d’expulsion. Celle-ci s’est durcie après l’attentat à Stockholm d’avril 2017. Derrière l’attaque se trouve un migrant ouzbèk. Son statut de réfugié avait été refusé à deux reprises, et il devait être expulsé du territoire. Ainsi, les expulsions touchent principalement les migrants d’origine afghane dont le statut de réfugié a été refusé. Elles se sont multipliées en 2018 et se poursuivent en 2019, malgré les manifestations. En novembre 2018, les autorités suédoises ont décidé de poursuivre l’activiste Elin Ersson, faisant la une des médias internationaux. En février 2019, elle a été condamnée à payer 3 000 kroner (285 €) pour avoir tenté d’arrêter l’expulsion d’un migrant afghan.
Les débats s’immiscent en politique
La Suède poursuit une politique d’immigration dûe à ses besoins sur le marché du travail. En effet, « un tiers [des migrants syriens arrivant en Suède] sont allés à l’université. Ce sont des docteurs, des ingénieurs, des infirmiers(ères), des personnes dont nous avons besoin dans l’économie suédoise. Nous avons besoin d’eux maintenant, mais nous aurons encore plus besoin d’eux dans le futur. » Le ministre de la Justice et de la Migration, Morgan Johansson, justifiait ainsi la politique suédoise en 2015.
Cependant, le débat fait désormais partie de la vie politique du pays. Ces dernières années, le parti anti-immigration des Démocrates Suédois a fortement grandi, entrant au Parlement en 2010. Lors des dernières élections législatives de septembre 2018, le parti est arrivé en troisième position. S’en est suivi une crise pour la formation du nouveau gouvernement qui a pris fin en janvier 2019. Au niveau régional, le parti est arrivé en tête des deux tiers des municipalités en Skåne. Skåne, situé à l’extrême sud du pays, proche du Danemark, héberge Malmö. Troisième ville du pays, elle est composée à plus de 45 % d’individus d’origines étrangères. La hausse des activités criminelles à Malmö a contribué au gain de voix des Démocrates Suédois.
Image : Refugees from Syria to Sweden 08 by Frankie Fougathin, CC BY-SA 4.0