Un article paru sur le site de l’Organisation non gouvernementale internationale Human Rights Watch met en cause les autorités tunisiennes qui se saisiraient de la justice pour condamner des blogueurs et autres activistes sans véritable motivation.
Entre censure et autocensure
Ils seraient au moins neuf à avoir été condamnés depuis 2017, notamment pour avoir accusé certains politiciens de « corruption ». Différents cas sont présentés parmi lesquels des individus postent des accusations sur les réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter. Ils se retrouvent alors convoqués par la police ou en garde à vue.
L’un des résultats de cette politique est la censure et l’autocensure de ces acteurs résultant en une atteinte à la liberté d’expression, l’un des fondements de toute société démocratique.
Une législation datant de l’ancien régime
Le directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch, Eric Goldstein, explique comment certaines lois répressives datant de la dictature sont toujours utilisées.
Deux lois sont notamment mises en cause en raison de la nature « vague » du texte mais aussi concernant la durée de la peine qui va jusqu’à deux ans. Il souligne leur incompatibilité vis-à-vis des principes inscrits dans la Constitution de 2014 et d’autres textes ratifiés par l’Etat tunisien. Il s’agit de la loi 128 du Code Pénal qui déclare : « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de cent vingt dinars d’amende, quiconque par discours publics, presse ou tous autres moyens de publicité, impute à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité. ». De même, la loi 86 du Code des Télécommunications déclare : « Est puni d’un emprisonnement de un an à deux ans et d’une amende de cent à mille dinars quiconque sciemment nuit aux tiers ou perturbe leur quiétude à travers les réseaux publics des télécommunications ».
En réponse à cette situation, un groupe d’avocats ont choisi d’unir leurs forces en créant une association appelée « Blogueurs sans chaînes ». Ils proposent de défendre ces individus, parfois sans contrepartie financière.
Entre liberté d’expression et régulation des « fake news »
Ce n’est pas la première fois que la liberté d’expression sur les réseaux sociaux est mise en cause par les autorités tunisiennes dans l’après-révolution. On pense notamment à une affaire qui a été l’objet d’une grande couverture médiatique en 2012. Suite à la publication sur les réseaux sociaux de textes critiquant l’islam, Jabeur Mejri et Ghazi Beji avaient tous les deux étés condamnés à sept ans et demi de prison.
Ces différentes controverses permettent de soulever des questions plus générales concernant la régulation des nouvelles technologies. Ce phénomène touche d’ailleurs la plupart des pays. Suite aux différents débats autour de la mise en place d’une législation pour combattre les « fake news », ces affaires permettent de questionner la frontière entre liberté d’expression et incitation à la haine ou la violence.
Image : DjerbaHood 2018, Djerba, Tunisie by Citizen59 (CC BY-SA 2.0)