Au lendemain de la révolution égyptienne de 2011, quelques festivals de théâtre ont éclos. Aujourd’hui, au regard de la pesante répression du régime, très peu subsistent. Parmi eux, Lazem Masrah ou encore D-CAF. Entre moyens d’expression artistique et outils de résistance culturelle et politique, comment s’organisent ces festivals et quels sont leurs objectifs ?
Une longue tradition de festivals contrôlés par l’Etat
Depuis les années 1980, l’Egypte ne déroge pas à la règle des « politiques culturelles grandiloquentes » des régimes arabes. A ce titre, plusieurs festivals de réelle ampleur sont organisés régulièrement. Parmi les plus connus, le Festival international de théâtre expérimental du Caire, créé en 1988 par Farouk Hosni, célèbre ministre de la culture de Hosni Mubarak, ou encore le Festival des palais de la culture créé plus tôt, en 1970.
Destinés à assurer un rayonnement politique à l’Egypte avant tout, ces événements sont traditionnellement organisés en grande pompe. Ils mobilisent des troupes venues de nombreux pays, et de grands noms du théâtre. Cependant, les programmations ne parviennent pas à toucher le public intellectuel, révulsé par le manque de liberté d’expression et donc de qualité artistique, ainsi que par le caractère de mise en scène qu’a la remise des prix.
La progressive organisation d’une résistance culturelle
Comme pour beaucoup de sujets politiques, il y a un avant et un après « révolution de 2011 » dans l’organisation de festivals de théâtre dissidents en Egypte. Ainsi, dès les années 1990, certaines tentatives d’organisation de festivals indépendants comme la Free Theater encounter sont contrées par le régime à travers la censure et le blocage des financements.
Une brèche apparaît avec la révolution, quand les appareils de censure du régime cessent de fonctionner. De nombreux projets artistiques fleurissent alors dans le pays et principalement au Caire : Tahrir Monologues organise des performances de rue, Al Fan Midan également, mais aussi dès 2012 Lazem Masrah. La rue est mobilisée pour rassembler des jeunes avides d’ouverture, et les faire débattre sur des sujets sociaux ou politiques. Elle est un espace de choix pour les organisateurs, car il n’existe que peu de salles de spectacle en Egypte, et celles du régime sont inaccessibles. Le projet de Lazem Masrah est, dès le début, de participer à l’inscription du théâtre dans la nouvelle société égyptienne.
Le théâtre et la contre-révolution égyptienne
Les festivals de théâtre n’échappent pas au durcissement du régime égyptien à partir de juillet 2013, quand Abdel Fattah al-Sissi démet le président Mohamed Morsi, frère musulman, de ses fonctions et qu’il prend le pouvoir. Si beaucoup d’organisateurs de festivals renoncent par peur pour leur sécurité, la plupart s’éteignent face aux difficultés administratives qu’ils rencontrent, notamment en ce qui concerne les financements. Le décret 1238 de 2018 dispose ainsi que les programmations doivent faire l’objet d’une autorisation du Ministère de la culture avant d’être publiées. Cela explique que cette année, Lazem Masrah a du s’organiser pour ne pas publier sa programmation.
Image : Théâtre romain d’Alexandrie, by Codex. Wikicommons CC BY-SA 3.0.