L’aura de l’Arabie Saoudite semble amoindrie ces derniers temps. En effet, la guerre au Yémen ainsi que les critiques sur la question des droits humains ne cessent de souiller son image à l’égard des démocraties européennes. Aussi, la solution trouvée est le développement du tourisme non religieux qui s’entend comme une tentative de « redorer l’image saoudienne ». En effet, la récente décision de délivrer des visas touristiques le 27 septembre 2019, annoncée en amont depuis près d’un an, s’inscrit dans le sens d’une reconquête du soft-power saoudien. Comme l’a souligné Ahmed Al-Khatib, directeur du tourisme, c’est « un moment historique ». Les touristes pourront notamment découvrir les cinq sites classés au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Le tourisme saoudien est désormais le témoin de l’ouverture du royaume.
Un royaume traditionnellement fermé
Cette décision peut surprendre de la part d’un pays connu pour ses restrictions d’entrée et de circulation sur son territoire. Les autorités saoudiennes ne délivrent notamment pas de visas aux détenteurs de passeports sur lesquels figurent des visas ou des tampons israéliens. En juin 2017, les autorités saoudiennes ont décidé de suspendre jusqu’à nouvel ordre, leurs liaisons terrestres, aériennes et maritimes avec le Qatar.
Longtemps, l’Arabie saoudite n’a émis des visas que pour les travailleurs expatriés et leurs familles. Les pèlerins musulmans en étaient les principaux bénéficiaires.
En outre, les conditions de séjour sont particulièrement encadrées. Toute demande de visa doit être garantie par un répondant (« sponsor ») saoudien ou un expatrié résidant dans le pays. Les étrangers résidant en Arabie saoudite dépendent d’un répondant saoudien et doivent disposer d’une carte de séjour (« iqama »). Il est courant que l’employeur conserve le passeport de l’employé. Celui-ci ne peut quitter le territoire saoudien que si son employeur demande pour lui un visa de sortie. La détention d’un second passeport est interdite. Ainsi, il peut être difficile de quitter le pays en cas de litige avec un particulier ou une entreprise saoudienne.
Pour une politique d’ouverture
Pour autant, le prince héritier Mohammed Ben Salman (« MBS ») a entrepris de lever ces entraves au développement économique. En effet, le tourisme est l’un des principaux axes du programme de réforme « Vision 2030 » qui vise à préparer le pays à une ère post-pétrolière. Aussi, le pays a commencé à délivrer des visas pour les spectateurs de rencontres sportives ou de concerts. Pour autant, les sites sacrés que sont la Mecque et Médine demeurent réservés aux visiteurs musulmans.
En outre, le royaume s’est engagé à assouplir le code vestimentaire pour les femmes étrangères. Elles pourront se promener sans porter l’abaya, la robe traditionnelle obligatoire en public pour les Saoudiennes. Pour autant, les touristes devront porter « des vêtements pudiques ».
… à des fins essentiellement symboliques et économiques
Le non-respect des droits humains, notamment le meurtre en 2018 du journaliste Jamal Khashoggi, nuit à l’image saoudienne. Il s’agit de montrer le visage d’un royaume ouvert sur le monde malgré son système normatif religieux strict. L’actuel gouvernement a, ainsi, insufflé plusieurs réformes libérales qui ont permis l’ouverture de cinémas et l’organisation de concerts ou d’événements sportifs dans le pays.
Le développement du tourisme répond à la nécessité de diversifier (diversification conglomérale) l’économie saoudienne. Récemment, les attaques dévastatrices contre des infrastructures pétrolières saoudiennes par les Houthis ont ébranlé les marchés mondiaux. Au delà de cette conjoncture défavorable, le gouvernement doit faire face à des prix du pétrole assez bas depuis près de quatre ans.
Ainsi, en 2017, le royaume a annoncé un projet de grande ampleur de transformation de sites vierges de la mer Rouge en stations balnéaires de luxe. Le pays possède des sites archéologiques nabatéens, comme la cité de Al-Hijr (nord-ouest), décrite comme une des mieux conservées après celle de Petra en Jordanie. Le royaume nabatéen qui a existé dans les premiers siècles avant et après J.-C. s’étendait du sud de la Syrie à l’Arabie. Ainsi, le tourisme a vocation à représenter 10 % du produit intérieur brut saoudien à l’horizon 2030. Mais, surtout, il a vocation à étendre le soft-power soudien au delà du monde arabe.
Image : « Madain Saleh», Saudi Arabia, by Sammy Six, Flickr CC BY-SA 2.0.