Alors que les championnats du monde d’athlétisme battent leur plein à Doha, où les températures extrêmes suscitent nombre de débats sur les performances diminuées des sportifs, une autre situation critique soulève des inquiétudes. Il s’agit de celle des centaines de milliers de migrants travaillant sur les chantiers qataris, en particulier dans les infrastructures destinées à accueillir la Coupe du monde de football 2022. Dans une enquête publiée le 2 octobre, The Guardian alerte sur le manque de dispositions prises par l’émirat pour prémunir les ouvriers du stress dû à la chaleur, qui s’avère parfois mortel.
Des risques sanitaires aggravés par le réchauffement climatique
A l’approche de la compétition sportive, les migrants – en provenance du Népal, de l’Inde, du Bangladesh et du Pakistan pour l’essentiel – ont afflué vers le petit émirat. Il compte aujourd’hui près de 2 millions d’étrangers pour une population totale estimée à 2,6 millions d’habitants. Ces travailleurs affectés à la construction des stades, des routes et des hôtels sont directement exposés à des conditions extrêmement dangereuses. En effet, ainsi que le montre l’enquête, les températures élevées menacent directement le système cardiovasculaire. Précisément, une température excédant 28 degrés est globalement reconnue comme imposant un stress thermique sur le corps humain. Or, le thermomètre affiche plus de 40 degrés au Qatar. Les travailleurs sont sujets à des allergies cutanées, des maux de tête, une vision altérée, des étourdissements, des difficultés à respirer, voire des crises cardiaques. Par ailleurs, il est attendu que ces risques sanitaires soient aggravés par le réchauffement climatique, dont les effets demeurent largement négligés.
Les autorités qataries dans le déni
Pourtant, malgré des manifestations évidentes de faiblesse et des décès causés par une chaleur suffocante, les autorités qataries continuent de minimiser l’ampleur de la situation. Ils imputent la plupart des accidents mortels à des « raisons naturelles ». Néanmoins, les études montrent des corrélations évidentes entre ceux-ci et la hausse des températures, alors que les ouvriers sont généralement recrutés dans leur pays d’origine sur des critères de bonne santé. Dans des conditions normales, ces hommes, souvent âgés de 25 à 35 ans, sont très faiblement exposés au risque de crise cardiaque, ce qui tend à prouver que les 571 décès enregistrés entre 2009 et 2017 sont effectivement causés par les conditions climatiques extrêmes. De telles tragédies pourraient être évitées par une assistance médicale immédiate, mais elle est souvent refusée par les employeurs qui ne distribuent pas de cartes de santé qataries et dénient l’accès aux soins.
L’émergence de mesures de protection encore largement insuffisantes
Face à des violations des droits fondamentaux de plus en plus pointées du doigt, le Qatar s’est vu dans l’obligation d’implémenter certaines mesures, d’autant plus que l’émirat fait face à un blocus qui ne lui permet pas de s’exposer à davantage d’ostracisme. Ainsi, en septembre 2019, il a aboli, au moins légalement, le système de la kafala qui permettait aux « parrains » d’entraver la liberté de mouvement des employés. De plus, le travail manuel d’extérieur est désormais interdit entre 11h30 et 15h, de la mi-juin jusqu’au mois d’août. Cependant, l’enquête illustre l’insuffisance de ces restrictions puisque les températures durant le reste de l’année, en particulier entre juin et septembre, sont si élevées que le risque de stress dû à la chaleur persiste, y compris en-dehors des horaires préservés. De même, les dispositions prises sur les chantiers sont lacunaires. Alors que des panneaux extérieurs rappellent l’importance de s’hydrater, des travailleurs confient ne pas avoir accès à l’eau potable.
Les Mondiaux d’athlétisme sont actuellement l’occasion de faire la lumière sur ces conditions déplorables. Le gouvernement qatari pourrait être poussé, à l’avenir, à se montrer plus ferme à l’égard des patrons peu scrupuleux.
Image : Migrant workers in West Bay Doha, by Alex Sergeev. Wikimedia CC BY-SA 3.0