Le défilé des écoles de samba de Rio de Janeiro a été un déluge de critiques à l’encontre du chef de l’État, Jair Bolsonaro. En ville, l’attention était portée sur la sécurité des femmes. Deux façons différentes de promouvoir le respect de l’humain dans la société brésilienne.
Tous les points sensibles exposés en musique et en couleur
Le défilé, événement clé du Carnaval à Rio, a permis de mettre tous les sujets qui fâchent sur la table. Chaque école avait choisi un thème. Au premier plan, il y a eu le défilé à forte connotation religieuse et politique de la Mangueira. Une autre école a choisi l’écologie, dénonçant la catastrophe humaine et environnementale de la ruée vers l’or en Amazonie. Portela a choisi de rendre hommage aux Tupinamba, l’un des peuples indígenas en lutte contre l’administration Bolsonaro. Sans oublier l’école Grande Rio, qui célébrait les cultes afro-brésiliens, le respect et la tolérance religieuse, dans un pays où celles-ci s’effritent.
Le carnaval 2020 fut aussi l’occasion de dénoncer les violences policières. Celles-ci ont fait au moins cinq victimes par jour dans le pays en 2019, en particulier dans les favelas. La lutte contre la criminalité cible les plus pauvres et surtout les jeunes noirs. C’était notamment le message d’un char montrant des hélicoptères raser une favela en lançant des drapeaux blancs, ou encore une représentation d’un Christ des favelas réprimé par la police anti-émeute. L’école de São Clemente a quant à elle épinglé les fausses informations dont le Président est friand. La samba est un art des classes populaires, celles-là mêmes qui se sentent écrasées par la politique de Jair Bolsonaro et du Congrès brésilien. Elles le lui ont bien rendu.
Les femmes mobilisées pour leur sécurité
Historiquement, le carnaval a d’abord été une fête des classes aisées et masculines. Les hommes descendaient dans la rue, les femmes participaient depuis leurs fenêtres ou accompagnées d’un homme. Au fil du XXe siècle, le festival s’est popularisé et féminisé. Pour autant l’image courante restait celle-ci : les femmes « bien » restaient chez elles. Les femmes qui défilaient étaient considérées comme « disponibles ». De fait, le carnaval est associé à une levée de nombreuses restrictions, à une forme de liberté, y compris sexuelle.
Longtemps, les femmes qui participaient aux blocos (des défilés de groupe dans les rues des différentes villes) se sentaient vulnérables. Entre baisers exigés, contacts non désirés et viols, le carnaval n’était pas un lieu sûr. Et une partie de ces comportements était considérée comme tolérable dans l’ambiance de « folie » du carnaval. Puis, une prise de conscience a eu lieu.
Depuis 2017, les agressions à caractère sexuelles sont passibles de 1 à 5 ans de prison. Auparavant, l’agresseur n’encourait qu’une amende. Des groupes de « femmes libres » (mulheres rodadas) se sont constitués. Elles ont milité pour qu’hommes et femmes connaissent la loi, incité les victimes ou témoins à porter plainte. Plusieurs groupes ont également distribué des tatouages « Non, c’est non » ou encore des sifflets aux femmes qui entendaient participer au carnaval. Leur mot d’ordre : consentement et respect. D’après les premières observations, la mobilisation semble avoir payé.
Image : Le bloco Me Esquece (Rio, 2014) ; auteur Rodrigo Soldon Souza ; CC-BY-2.0