Pour les chrétiens comme pour les juifs, les fêtes pascales ont été fortement modifiées cette année, en raison de la crise du Covid-19. Lors de sa bénédiction « à la ville et au monde », le Pape François n’a cependant pas oublié les autres crises. Il a notamment prié pour les populations du Cabo Delgado et d’autres régions en crise humanitaire.
La province, où la crise a commencé en 2017, est déjà déconseillée aux visiteurs depuis 2018. Le Pape s’est rendu au Mozambique en 2019. Il avait appelé au dialogue entre les religions, à la réconciliation et à la redistribution des richesses pour le bien commun.
Après les champs et les autorités, une église attaquée
Les populations du Cabo Delgado ont encore souffert une attaque de groupes djihadistes. La nature de la menace s’est encore élargie par rapport à la semaine précédente. À une époque, l’évêque de Pemba (capitale provinciale) expliquait que les populations chrétiennes du Cabo Delgado commençaient à se sentir menacées. Les chrétiens sont minoritaires, dans une province à large majorité musulmane. Les craintes de l’évêque n’ont pas tardé à se concrétiser. Une nouvelle attaque a eu lieu à partir du lundi 6 avril dans plusieurs localités situées le long d’une même route.
À Meangueleua (Muidumbe), d’abord, les assaillants auraient pris quelques habitants en otage et incendié une église. Il n’y a pas eu de victime. Les attaquants, qui parlent les langues locales, ont appelé la population à se convertir et à les rejoindre, disant ne cibler que les autorités et leurs représentants. Ils précisent vouloir installer l’État islamique dans la région, avec ou sans l’aval des populations, et que ceux qui collaboreront avec les militaires seront tués.
Plus tard, les djihadistes ont rallié Muatide, où ils auraient tiré des coups de feu en l’air. Dans les villages de la localité de Mueda (à 41 km de Muidumbe), ils auraient détruit plusieurs maisons.
Quand religion, ethnie et classe sociale se mélangent
Les populations du Cabo Delgado sont majoritairement musulmanes. La présence de l’islam dans la région est très ancienne. À Sofala, notamment, il existait tout un réseau commercial pour l’or, les rubis et les esclaves. Celui-ci couvrait la corne de l’Afrique et la péninsule arabique, bien avant l’arrivée des Portugais qui colonisèrent le Mozambique.
Aujourd’hui, trois ethnies principales vivent au Cabo Delgado. Deux sont musulmanes (Makua et Mwani), une est chrétienne. Les populations chrétiennes (Makonde) vivent principalement dans l’intérieur de la province, les Makua et les Mwani sont principalement sur la côte (là où sont exploités les hydrocarbures). Par ailleurs, la plupart des postes à responsabilité dans l’armée sont occupés par des chrétiens, qui ont donc aussi un meilleur niveau de vie.
La guerre d’indépendance, puis la guerre civile et le retour à la paix ont mis en confrontation différents courants de l’islam. Les deux principaux, le soufisme et le wahhabisme, ont été tour à tour plus influents. Et soutenus par les deux principaux partis rivaux. Aujourd’hui, la crise est donc le résultat explosif d’un mélange entre courants musulmans concurrents, divisions ethno-sociales, inégalités sociales, État inexistant, catastrophes naturelles et redistribution des richesses inéquitable. Une grande partie des attaques a eu lieu sur les côtes. Cependant, les incursions dans l’intérieur de la province sont également nombreuses.
Les populations du Cabo Delgado sont donc toutes touchées. Reste à savoir si les djihadistes auront la même attitude avec toutes les ethnies. En effet « s’en prendre aux militaires » et « s’en prendre aux chrétiens/Makonde » sont ici deux menaces proches.
Image : Cathédrale de Pemba, Mozambique (2009, Rosino) – CC-BY-2.0