Des articles parus sur Maroc Hebdo – un média indépendant réunissant des spécialistes et des journalistes marocains – présentent le patrimoine juif mis en valeur par le Roi Mohammed VI. Le Roi cherche à montrer que le Maroc est un pays ouvert et tolérant, qui a toujours eu des liens importants avec le judaïsme, minorité installée dans le Royaume depuis le Vème siècle avant J-C.
La dimension religieuse au Maroc est particulière étant donné qu’il s’agit d’une monarchie de droit divin. C’est donc un pays non laïc, placé sous l’autorité d’un Roi, qui est le commandeur des croyants et gardien des lieux sacrés. Il est respecté et même adoré par une grande majorité des Marocains. Il est impossible de le contredire tant à un niveau politique que religieux. Le Roi Mohammed VI, veut donner au Maroc l’image d’un pays tolérant prônant un islam modéré qui permet à la minorité juive d’être bien intégrée dans un pays ouvert aux autres religions. On peut donc être juif et marocain. Le préambule de la loi suprême marocaine précise dans ce sens que « l’identité nationale, une et indivisible, est forgée par la convergence de ses multiples composantes et « enrichie de ses affluents africains, andalous, hébraïques et méditerranéens ». Un héritage assumé, préservé et sauvegardé à travers toutes les vicissitudes de l’Histoire [1].
Les juifs marocains: plus de deux millénaires d’histoire
Les premiers juifs seraient arrivés au Maroc au Vème siècle av. J-C. Un certain métissage est apparu avec les échanges avec les communautés berbères, qui a entrainé une « judaïsation des Berbères » et réciproquement une « berbérisation des juifs ». Aujourd‘hui, il y a encore une diaspora juive au Maroc, et si le judaïsme est une religion tolérée dans le Royaume, on relève encore des discriminations vis à vis des quartiers juifs de certaines villes. Au milieu du siècle dernier, ils étaient 300.000 répartis dans tout le pays. Aujourd’hui le nombre de juifs marocains se situe entre 2.000 et 4.000 personnes, 90% habitant dans la ville de Casablanca. Il n’en reste également plus qu’une centaine à Fès alors qu’ils étaient entre 25.000 et 30.000 dans les années 1940. Ils sont nombreux à être partis vivre en Israël ou en France [2].
Le patrimoine culturel juif marocain
En novembre 2018, la ville de Debdou (dans la province Taourirt) a rendu hommage au patrimoine culturel juif-marocain. Cet événement a permit de montrer la richesse de celui-ci et est érigé comme un exemple de la coexistence de la population juive avec les musulmans. Les juifs marocains habitant dans cette ville ont été chassés d’Espagne il y a environ 2000 ans, et ont trouvé une terre d’accueil dans cette ville connue pour ces échanges commerciaux, mais également comme lieu de pèlerinage qui renferme en ces murs deux cimetières juifs. Cet événement a également permis de promouvoir le tourisme culturel et fait connaître cette région aux Marocains. Ils pouvaient ainsi assister à certaines soirées artistiques et découvrir des chansons qui fusionnent l’arabe et l’hébreu [3].
La ville de Fès possède également un patrimoine juif important. En avril 2019, le Roi Mohammed VI a lancé la construction d’un musée de la culture juive dans « le cadre du programme complémentaire de mise en valeur de la médina ». Ce nouveau musée de la culture juive s’ajoutera aux deux autres consacrés au judaïsme dans la ville de Casablanca (Musée du Judaïsme marocain et El Mellah). Ces musées sont uniques étant donné qu’il n’en existe aucun autre dans le monde arabe. Il existe également quatre synagogues dans la ville de Fès, dont deux sont particulièrement importantes : « Aben Danan » et « Slat El Fassiyine ». Cette dernière a été restaurée alors qu’elle avait été abandonnée après l’exode de 1967. Entre 2011 et 2013, elle a été inaugurée par Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement islamique. La restauration de ces lieux de culte est également stratégique étant donné que 60.000 juifs reviennent chaque année visiter les synagogues de Fès [4].
Une spécificité : le statut hébraïque marocain
Au Maroc, le code de la famille applique des principes religieux islamiques. Ainsi, un acte de mariage de droit marocain doit être établi par un « adoul », un notaire religieux qui vérifie que le mariage a eu lieu conformément aux principes du Coran. Parmi ceux-ci, si un non-musulman épouse un musulman, le mariage ne peut être établi (en droit marocain) que si le non-musulman se convertit à l’Islam.
Or, pour les Juifs marocains, le droit de la famille est exceptionnellement régi par la loi hébraïque. Un juif marocain peut donc épouser un musulman, sans pour autant être obligé de se convertir à l’Islam. Il n’y a donc pas à faire valider son mariage par un adoul. Il existe même dans les tribunaux des chambres hébraïques qui sont compétentes pour régler les litiges familiaux entre juifs marocains.
On peut donc observer que le judaïsme est parfaitement reconnu au Maroc. Il y a eu une grande communauté juive au Royaume mais avec l’islamisation du régime politique, de nombreux juifs sont partis après l’indépendance. Les villages se sont vidés et la minorité juive se cache quelquefois car il existe encore des cas de discrimination. Cependant, le Roi Mohammed VI, montre que le pays est ouvert et que cette ouverture n’existe nulle part ailleurs dans le monde arabe. Les églises chrétiennes sont également présentes, comme les synagogues. Les chrétiens sont donc aussi représentés mais il est impossible d’être chrétien marocain, de fait, pour des raisons légales et culturelles. Il est très difficile à un chrétien d’accéder à la nationalité marocaine sauf exception faite de très rares cas de naturalisation par décision royale. On observe donc un paradoxe intéressant : le Maroc est un pays modéré dans la pratique de l’islam mais il est gouverné par un Commandeur des croyants. Celui-ci est fortement respecté pour son ouverture aux autres religions.
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[1] SEHIMI Mustapha, Maroc Hebdo, n° 1301, « Le judaïsme au Maroc : une histoire millénaire », 02 mai 2019 : https://www.maroc-hebdo.press.ma/judaisme-maroc-histoire-millenaire
[3] AMOURAG Aïssa, Maroc Hebdo, n°1277, « Debdou célèbre le patrimoine juif marocain », novembre 2018, https://www.maroc-hebdo.press.ma/debdou-celebre-patrimoine-juif-marocain
[4] Anonyme, Maroc Hebdo, n°1299, « Le patrimoine juif bien vivant à Fès », avril 2019.
[5] Anonyme, La Vie éco, Actes hébraïques : « comment les juifs du Maroc gèrent leur statut personnel », 2 février 2015, https://www.lavieeco.com/economie/actes-hebraiques-comment-les-juifs-du-maroc-gerent-leur-statut-personnel-32781/