La situation en matière de liberté de la presse se détériore gravement et rapidement au Brésil. Depuis les élections et l’arrivée de Jair Bolsonaro à la tête du pays, journalistes et médias sont régulièrement attaqués. Reporters sans frontières (RSF) a décidé de dresser un bilan trimestriel. Le premier est disponible depuis le 20 avril.
Un président hostile au pluralisme
Dès la campagne présidentielle de 2018, Jair Bolsonaro n’est pas apparu comme un fervent défenseur de la liberté de la presse. Régulièrement, il s’en est pris aux journalistes en général et à plusieurs groupes de médias. Il les accuse de répandre de fausses nouvelles et d’avancer avec une vision du monde opposée à la sienne. Le pluralisme d’opinion n’est pas son principal problème. La campagne avait été extrêmement violente. Jair Bolsonaro lui-même a contribué à instaurer un climat général de défiance et de suspicion. Les commentaires des lecteurs des sites d’information étaient éloquents à cet égard (quel que soit leur bord).
Quel que soit le sujet (le Covid-19, les allégations d’irrégularités dans la Justice ou de mauvais usages de fonds publics), la stratégie est la même. Plutôt que de répondre sur le fond, le président a choisi l’insulte, l’attaque verbale ou en ligne.
« [Jair Bolsonaro cherche à] entretenir durablement la méfiance envers le travail des journalistes, détruire leur crédibilité et construire peu à peu un ennemi commun. Elles visent également un objectif : ne plus avoir à répondre sur le fond des sujets et garder ainsi le contrôle sur le débat public. Lors des trois premiers mois de l’année, RSF a enregistré pas moins de 32 cas d’attaques de la part du président Bolsonaro contre les journalistes et la presse en général. » (Rapport RSF, 20/04/2020)
Des menaces judiciaires et financières mises à exécution
Il fait également tout pour couper les financements des médias qui s’opposent à lui. Le Président, négligeant la liberté de la presse, a appelé les lecteurs à boycotter les annonceurs figurants dans les titres qui lui sont hostiles. C’est par exemple le cas pour la Folha de São Paulo (principal quotidien du pays) ou pour la chaîne de télévision Globo. Il invite les annonceurs à ne soutenir que les médias qui lui sont favorables.
De plus, le journaliste Glenn Greenwald a été inquiété par la Justice. Son crime ? Avoir publié une enquête dénonçant des irrégularités dans le fonctionnement de la justice.
Les femmes tout spécialement ciblées
Les femmes journalistes subissent une double peine. La liberté de la presse n’est pas la seule visée dans leur cas. Plusieurs journalistes d’enquête de renom (Patrícia Campos Mello, Vera Magalhães, entre autres) ont été insultées et harcelées en ligne. Au motif qu’elles diffusaient des enquêtes gênantes pour le Président et ses partisans. Et en tant que femmes. Insultes voire attaques sexistes, allégations de « faveurs sexuelles en échange d’informations » et autres sont légions. C’est toute la dignité de ces femmes qui est également bafouée.
Une audience auprès de la CIDH
Les attaques contre les journalistes ne sont pas le seul fait de partisans fanatiques. La majeure partie des attaques, insultes et menaces émanent directement des institutions. Qu’il s’agisse du Président en personne, de députées ou d’institutions étatiques.
RSF et plusieurs partenaires ont donc obtenu une audience publique organisée par la Commission interaméricaine des droits de l’Homme (CIDH) de l’Organisation des États américains (OEA). Cette audience s’est tenue le 6 mars 2020. Son organisation prouve la préoccupation de cette instance quant à la détérioration de la liberté de la presse au Brésil.
Image : Brasília, 01/08/2019, Conférence de presse du gouvernement brésilien, en présence de Jair Bolsonaro (Présidence de la République fédérale), CC-BY-2.0