Début mai 2020, le président tanzanien John Magufuli a mis en doute les tests de sérologie du SARS-CoV-2. Bien qu’ayant fermé les établissements scolaires, la Tanzanie n’a vu aucune mesure de restrictions de mobilité sur son sol.
La Tanzanie : un pays multiconfessionnel et dynamique
La Tanzanie est un pays aux confessions multiples et dont la religion tient une place centrale dans le quotidien de ses habitants. John Magufuli disait ainsi au début de l’épidémie d’éviter les « rassemblements non nécessaires » et de continuer à faire marcher l’économie et à se rendre à la mosquée ou à l’église. En plus de remettre en question la véracité de l’épidémie de Covid-19 en ayant fait passer des tests sur une papaye ou encore une chèvre, sa position révèle l’importance que revêt le fait religieux en Tanzanie.
Près de 35% de la population est de confession musulmane. La plus importante confession religieuse représentée dans ce pays est le christianisme (protestantisme, pentecôtisme et catholicisme se côtoyant depuis le XIXe siècle et la venue de colonisateurs européens) et enfin, on y compte des communautés hindouistes ou de religions africaines.
L’histoire des cultes en Tanzanie
Le christianisme a été importé en Tanzanie avec la venue de voyageurs portugais à la fin du XVe siècle. Une flotte menée par Vasco da Gama a contourné le continent africain afin d’atteindre les Indes et de développer le commerce des épices (ils espéraient aussi retrouver le royaume du Prêtre Jean). Les Portugais ont établi sur leur chemin des comptoirs commerciaux et certains voyageurs se sont mariés à des femmes swahili : ce sont les casados [1]. Par la suite, un essoufflement du christianisme a eu lieu dans la région jusqu’à la fin du XIXe siècle où les Allemands puis les Britanniques ont mis en place un protectorat sur le Tanganyika (nom donné à la Tanzanie continentale avant l’union avec l’archipel de Zanzibar en 1964).
L’islam y est présent au moins depuis le VIIIe siècle (découverte de mosquées à Shanga par Mark Horton). Les commerçants de la côte est de l’Afrique se convertissent à l’islam d’obédience shafiite via les réseaux commerciaux développés avec l’Oman, la Perse et les Indes. Les populations côtières se convertissent dès lors et l’islam est toujours présent avec un foyer important au niveau des îles de Zanzibar, Pemba ou encore Kilwa. Avec l’islamisation, ces populations sont dites swahili (de l’arabe sahil, signifiant le rivage, la côte). Bien que sous hégémonie omanaise pendant près de deux siècles (et avec Zanzibar comme capitale du sultanat de Mascate en 1840), les populations swahili restent musulmanes sunnites.
L’hindouisme est amené dans la région par les populations brahmanes (caste de l’hindouisme) mais aussi des Goanais ou des Gujarati qui viennent commercer et prêter de l’argent aux commerçants swahili et arabes. Ces communautés sont toujours présentes et possèdent leurs temples de Dar Es Salam à Dodoma, la capitale de la Tanzanie.
Les mesures de protection dans les lieux de culte des pays voisins
Dans un pays concentrant autant de communautés religieuses, il n’est pas étonnant de voir une réticence à fermer les lieux de culte. Il reste tout de même que la concentration de populations dans ces espaces fermés créerait des foyers épidémiologiques importants. La Tanzanie réussit à s’en sortir avec seulement 500 cas confirmés et une vingtaine de décès. Précisons tout de même que ce sont ici des cas testés, le nouveau coronavirus pourrait toujours circuler et les morts de ces derniers mois pourraient être dus à la maladie.
Les pays voisins comme le Kenya ont décidé de diminuer les offices religieux dans les églises, d’interdire l’utilisation d’eau bénite ou encore de mettre en place des ablutions sèches pour les musulmans avant la prière. Aux Comores, ce sont les mosquées qui ont été fermées depuis le début du mois du Ramadan à la fin du mois d’avril. Ces fermetures ont entraîné des contestations par une large partie de la population qui a bravé l’interdiction de réunion pour la prière du jour de l’Eïd.
La mise en place de mesures de protection dans la région swahili (qui s’étend du sud de Mogadiscio en Somalie à Inhambane au Mozambique) a été difficile à appliquer en raison de la présence de communautés religieuses importantes, influentes et anciennes.
Image de David Stanley, The 14th century Great Mosque on Kilwa Kisiwani Island, Tanzania, is the oldest standing mosque on the East African coast, flickr, 2017.
[1] J.R. Barendse, The Arabian Seas : The Indian Ocean World of the Seventeenth Century, Orient Paperbacks, India, 2005.
Mark Chatwin Horton ; avec des contributions de Helen W. Brown et Nina Mudida: Shanga: The Archaeology of a Muslim Trading Community on the Coast of East Africa, Londres, British Institute in Eastern Africa, 1996.