Ce 1er juillet 2020, la Somalie a fêté comme la plupart des pays africains ses 60 ans d’indépendance. RFI a produit cette année de courtes vidéos avec des dates clés expliquant la marche vers les indépendances de pays africains. Ainsi la radio française est revenue sur l’histoire coloniale de la Somalie : un pays morcelé et dirigé par plusieurs factions connaissant des rivalités d’ordre culturelle et religieuse.
Un pays qui fait face à de nombreuses dissensions
Comme expliqué dans un précédent article, la Somalie connait des dissensions internes intenses sous fond de conflits claniques et religieux. La population a connu de nombreuses guerres civiles entre 1960 et aujourd’hui avec une phase particulièrement meurtrière dans les années 1990 et des attaques terroristes au début des années 2000. La population somali s’étend de Djibouti jusqu’au nord-est du Kenya (sans compter les réfugiés bantouphones de la Somalie installés au Kenya qui sont pour la plupart Swahili).
Les rivalités politiques et un gouvernement autoritaire n’aident pas le pays à retrouver une cohésion sociale. Des organisations sécessionnistes ou terroristes cherchent à obtenir le pouvoir. Le Somaliland au nord, ancienne colonie britannique, veut être indépendant et n’a toujours pas réussi à s’entendre avec la Somalie au sud. Le Puntland souhaite être autonome à l’est.
Ces conflits sont liés en partie à la structure des sociétés en Somalie : des clans se réunissent autour d’éleveurs ou de confréries religieuses. L’ouverture du Canal de Suez et l’arrivée des colons européens au XIXe siècle ont accru des rivalités internes déjà importantes. Le contrôle du passage des marchandises dans le Golfe d’Aden assurerait une manne économique importante à la Somalie mais ses guerres internes empêchent l’épanouissement d’un pays meurtri.
« Scramble for Africa » et partage de la Somalie
C’est à la Conférence de Berlin en 1884-1885 que les impérialismes européens se partagent les territoires du continent africain. Les colonisateurs[1] et les colons[2], s’immiscent dans des discordes pré-existantes entre populations autochtones, parfois les combattent, et font signer des traités de protectorat qui vont mener à la colonisation de tous les pays d’Afrique excepté l’Ethiopie qui ne sera envahie que quelques années par l’Italie.
La Somalie est morcelée : le nord revient à la Couronne Britannique, Djibouti est sous dépendance française et le sud revient aux Italiens. Ces incursions provoquent des divisions au sein même des communautés religieuses : le shaykh [3] Uwais, religieux qui propagea la confrérie Qadiriyya [4] en Afrique orientale, s’est fait assassiner par des partisans de la Salihiyya, une branche néo-soufie puritaine et proto-nationaliste fondée par le surnommé « Mad Mullah » (surnom donné par les Britanniques), Mohammed Abdullah Hassan.
Des divisions religieuses qui sont accompagnées de divisions politiques lors de la prise d’indépendance en 1960. Alors que le Somaliland et la Somalie se rapprochent dans l’espoir de créer une nation unie et indivisible, les séquelles des différentes colonisations (britannique et italienne) sont toujours présentes.
État des lieux des libertés religieuses et culturelles en Somalie
Cette situation, plus que complexe, crée des tensions et des censures à l’encontre des journalistes de la part de l’État. Mais la censure se ressent également sur les réseaux sociaux. De jeunes somaliens évoluant dans un monde virtuel ultra connecté souhaitent parler de sujets tabous comme la liberté religieuse ou la liberté d’expression. Ces derniers font face à des menaces de mort ou sont mis sous surveillance.
La BBC dans un article sur la jeunesse somalienne montre la difficulté que revêt le fait de ne pas suivre la religion d’État qui est l’islam sunnite d’obédience shafiite. D’après les traditions musulmanes, l’islam est arrivé en Somalie lors de l’Hégire. Les premiers migrants musulmans (muhajjirun) fuyant la persécution à la Mecque au VIIe siècle se rendirent dans le royaume du Négus d’Ethiopie (al Habasha). La ville de Zeila au nord de la Somalie aurait été islamisée à la fin du VIIe siècle.
Cette fête d’indépendance est d’autant plus difficile à célébrer pour les populations somaliennes réfugiées au Kenya, en Angleterre ou aux États-Unis. Que ces derniers soient Somali ou Swahili (population bantouphone souvent ciblée par les Shebabs), tous auraient espéré une stabilité dans un pays meurtri qu’ils savent capable de résilience.
Les jeunes en particulier souhaitent que lors de cette fête de l’indépendance les divisions claniques cessent et que les libertés individuelles soient respectées afin que la Somalie puisse ne faire qu’un et avancer.
[1] Agents administratifs pratiquant l’administration indirecte et exploitant les ressources d’une région.
[2] Ici, des Européens s’établissant et spoliant les terres de populations africaines : colonies de peuplement (Afrique du Sud, Algérie et Kenya).
[3] Titre honorifique donné aux érudits ou aux personnes ayant atteint un âge avancé.
[4] Confrérie religieuse fondée par les disciples du mystique soufi Abd al Qadr al Jilani au XIe siècle.