Mi-août 2020, des djihadistes ont pris le port gazier et la ville de Mocímboa da Praia, une des deux principales villes du nord de la Province du Cabo Delgado déjà vidée de ses habitants depuis début juillet. L’État mozambicain, qui ne reconnaît la présence de djihadistes que depuis avril 2020, en appelle à l’aide de la Communauté de développement d’Afrique Australe (SADC). Par ailleurs, la police et les militaires cherchent visiblement à intimider les journalistes sur le terrain. Un journaliste est d’ailleurs porté disparu depuis plusieurs mois. Il convient de revenir sur l’histoire du Cabo Delgado et de sa population.
Conflit religieux : une grille d’analyse simple, mais fausse
D’après certains cadres du Front de Libération du Mozambique (Frelimo), le conflit est uniquement alimenté par une ingérence extérieure, sur fond de guerre commerciale pour les hydrocarbures. Pour d’autres, notamment l’évêque catholique de Pemba, la cause est sociale et politique. Dans tous les cas, pour la quasi-totalité des observateurs (journalistes, responsables religieux, universitaires), la religion est l’arbre qui cache la forêt.
Les faits actuellement établis sont les suivants :
- Les chrétiens sont largement majoritaires dans le pays et 18 % de la population au moins serait musulmane. Le Cabo Delgado concentre une grande partie des musulmans du pays.
- Les insurgés sont de confession musulmane et parlent les langues locales du Cabo Delgado (KiMwani, langue des Mwani, et Swahili, langue commune).
- Les leaders de ces groupes appartiennent au moins pour une partie à une secte installée au Cabo Delgado depuis 2014, dont le fondateur est un imam rigoriste kényan (éliminé en 2012 au Kenya).
- L’islam mozambicain, longtemps soufi, est pourtant traversé de tensions depuis les années 1990 entre soufis et sunnites parfois rigoristes.
- Il est établi que les djihadistes mozambicains se financent par des réseaux transnationaux de trafic de drogues (qui transitent par le Cabo Delgado). Une partie au moins des groupes est à présent rattachée à Daesh.
- Le Mozambique est l’un des pays les plus pauvres au monde et le Cabo Delgado est l’une de ses provinces les plus pauvres. Les perspectives brillent par leur absence.
- Au Cabo Delgado, les chrétiens sont pour une bonne partie des Makondé favorables au Frelimo (parti au pouvoir). Les musulmans sont très souvent des Mwani et soutiennent l’opposition : la Résistance Nationale Mozambicaine (Renamo).
- Les Makondé sont globalement mieux insérés socialement et économiquement, tandis que les Mwani sont plus pauvres et ont moins de débouchés professionnels.
- Les tensions sociales s’exacerbent depuis une vingtaine d’années.
- Dans les années 2000, de gigantesques gisements d’hydrocarbures ont été découverts au large du Cabo Delgado. Total, un des exploitants, a confirmé le début de son activité en juillet 2020. La population n’a pourtant pas bénéficié des revenus lié à ces installations.
- L’histoire du Cabo Delgado (et du Mozambique) a pour partie été confisquée, au profit d’un récit national construit par le Frelimo après l’indépendance (en 1975).
L’anthropologie au service de la nuance
Dans sa thèse de doctorat (2010), Ana Margarida Sousa Santos retrace l’histoire du Cabo Delgado pour mieux appréhender des émeutes ayant eu lieu à Mocímboa da Praia en 2005. Elle s’intéresse aux multiples dimensions qui forment une société : ethnies, religions, modes de vie, classes sociales, emplois, histoire, géographie urbaine ou rurale, ressources, politique… [1]
Le Cabo Delgado est un immense territoire, situé à l’extrême-nord du Mozambique, à 2800 km de la capitale, Maputo. De nos jours, le fleuve Rovuma marque la frontière avec la Tanzanie. Au centre-ouest se dresse un plateau difficile d’accès, le plateau de Mueda. Vers l’Est, proche de la côte, s’étendent des terres agricoles. Aujourd’hui, les deux principales ethnies y sont les Makondé et les Mwani. D’autres ethnies sont également présentes (Yao, Makua), ainsi que des étrangers (Tanzaniens, Somaliens…). Les Mwani et les Makua sont musulmans. Les Makondé sont chrétiens, très majoritairement catholiques (certains sont évangéliques).
Malgré les tentatives radicales des premiers gouvernants marxistes, qui voulaient faire naître « l’Homme mozambicain », l’ethnicité joue encore un grand rôle dans l’identité des citoyens. Ce qui n’empêche pas un réel sentiment d’appartenance collective à une nation mozambicaine.
Au Cabo Delgado, appartenance religieuse et ethnique sont étroitement liées. L’intégration économique et la classe sociale sont également très conditionnées par l’ethnicité. L’histoire du Cabo Delgado explique cet état de fait. Les expériences se croisent, sans se ressembler.
Makondé et Mwani, deux identités et deux territoires
Les Makondé sont restés globalement isolés jusqu’au début du XXe siècle. Ils vivaient sur le plateau de Mueda, très difficilement accessible. Si des échanges ont toujours existé avec d’autres ethnies, notamment les Yao et les Makua, on ne peut pas dire qu’il y ait eu une vie commune. Dans les récits mêmes des anciens et d’après certains anthropologues, les Makondé sont un groupe divers. Il regrouperait des membres de diverses ethnies ayant fui les famines, les guerres incessantes entre clans et surtout les razzias d’esclaves [2]. Leur identité, longtemps limitée à celle de clans familiaux, a pris la forme d’une identité proprement ethnique vers la fin du XIXe siècle. Ils étaient animistes, jusqu’à l’arrivée des missions catholiques au XXe siècle.
Les Mwani, dont le nom signifie « vivant sur la côte », commercent depuis le VIIIe siècle avec l’espace swahili (qui remonte le long de la côte jusqu’à la Corne de l’Afrique). Ils revendaient ivoire, rubis, armes, esclaves. Depuis leurs premiers contacts avec les Arabes, puis les Perses, ils sont musulmans. Leur identité est ancienne : un lieu géographique (la côte), une religion, et un mode de vie (pêche et commerce).
Colonisation portugaise
L’histoire du Cabo Delgado est influencée par la politique européenne. Les Portugais étaient présents sur les côtes de nombreux pays depuis le XVe siècle. En réponse à la Conférence de Berlin (1884-85) et à l’expansionnisme européen, le Portugal occupe réellement « ses » territoires africains. Les autorités confient alors des responsabilités aux Mwani (dans l’armée ou dans l’administration). Elles n’essayent pas de les convertir. À l’inverse, les Makondé sont christianisés, mais également considérés comme un peuple sauvage, rétif et violent. Ils sont employés dans les plus durs travaux agricoles et de construction d’infrastructures, quand ils ne sont pas soumis au travail forcé pour rembourser un impôt non-payé. Beaucoup de Makondé fuient en Tanzanie voisine, d’où ils reviennent enrichis, montant des coopératives et répandant des idées indépendantistes. Les Makondé créent ainsi des structures économiques et sociales qui forment par la suite le squelette de la lutte armée contre le Portugal.
Guerre d’indépendance
De 1964 à 1974, le Frelimo combat l’armée portugaise pour l’indépendance du pays, dans une violente guerre de maquis. À l’époque, le Portugal vivait sous la dictature de Salazar, l’Estado Novo. La majeure partie des combats se déroule au Cabo Delgado, le Frelimo occupant globalement le plateau de Mueda, les Portugais la côte. Les Makondé, de gré ou de force, participent massivement à la lutte. Certains Makondé, cependant, en désaccord avec l’orientation marxiste-léniniste du Frelimo, sont exclus du mouvement et emprisonnés. Les Mwani vivent dans les villes tenues par les Portugais. Jusqu’en 1968, un certain nombre aide à distance la cause du Frelimo, jusqu’à la répression violente des opposants par la police politique de la dictature (PIDE). Quasiment aucun Mwani ne participe physiquement aux combats.
Indépendance et « Homme nouveau »
Le 25 avril 1974, un coup d’État militaire pendant la Révolution des Oeillets fait tomber la dictature au Portugal. Un an plus tard, le nouveau gouvernement octroie l’indépendance à toutes les colonies portugaises, dont le Mozambique.
Le Frelimo accède au pouvoir et récompense exclusivement les anciens combattants. La mémoire de la guerre est confisquée : seul le récit officiel de la lutte armée fait foi. Le vécu des prisonniers politiques, des Mwani (ou autres non-combattants) ou des réfugiés ayant fui les combats est occulté.
Par ailleurs, le Frelimo met en place une politique marxiste-léniniste radicale. Son but est de faire naître « l’Homme nouveau mozambicain ». Les chefs traditionnels sont dépossédés de leur pouvoir au profit de jeunes ayant participé à la lutte armée (souvent makondé). Les religions sont réprimées, la polygamie est interdite. Les villages sont remplacés par des bourgs ou villes planifiés dans lesquels sont accessibles écoles, administration et centres de santé. Les terres sont redistribuées par l’administration (et non plus par les ethnies « propriétaires » des terres, car arrivées les premières).
Au Cabo Delgado, dans les bourgs et villes, les nouveaux habitants se répartissent par quartiers, aujourd’hui encore bien identifiables. Les populations ne se mélangent donc pas, mais vivent face à face, cristallisant leurs identités et leurs différences.
Guerre civile
La politique du Frelimo soulève immédiatement des oppositions, qui sont reprises par un nouveau parti réclamant le multipartisme, le libéralisme, l’État social, la liberté de culte et le respect des autorités traditionnelles. La Renamo et le Frelimo s’affrontent dans une guerre civile très meurtrière de 1976 à 1992. Depuis 1992, les élections, souvent irrégulières et contestées ont toujours été gagnées par le Frelimo. Des tensions, voire des combats, continuent d’empoisonner régulièrement le quotidien des Mozambicains et la vie politique et économique du pays.
Insertion sociale et statut économique
La politique favorisant les anciens combattants a eu des conséquences profondes. Rapidement, les Mwani se retrouvent écartés du pouvoir (à tous les échelons, des chefs de quartier aux instances nationales). Les Makondé ayant combattu reçoivent une rente d’anciens combattants, qui leur assure un revenu fixe. Les emplois dans l’administration et dans l’armée sont attribués en priorité aux anciens combattants.
Les Mwani, autrefois estimés par les Portugais, se voient rapidement déclassés, tandis que les Makondé connaissent une ascension sociale réelle. Pour autant, le Mozambique (et plus encore le Cabo Delgado) reste un pays extrêmement pauvre. Les promesses de développement ne se concrétisent pas, les infrastructures restent minimes, le développement économique embryonnaire. Et ce, même après le passage au néo-libéralisme dans les années 1990.
Aujourd’hui, les Makondé sont dans l’ensemble plus scolarisés que les Mwani et sont plus nombreux à accéder à des postes dans la santé, l’enseignement, l’administration, l’armée (on notera que ces services de l’État ont été les premiers attaqués par les djihadistes). Ces postes sont stables et le salaire garanti. Beaucoup de Makondé possèdent également des petits commerces ou sont restés agriculteurs. Les Mwani vivent toujours de la mer (pêche, fabrication d’embarcations, commerce) ou d’emplois dans des petits commerces. Ils complètent leurs revenus par une agriculture vivrière. Leurs revenus sont beaucoup plus instables.
Signes ostensibles de richesse
Un facteur visible de différenciation des classes sociales est la présence de toits en tôle ondulée sur les maisons, un matériau coûteux (mais aussi la taille des maisons ou l’espacement des rues). En pratique, on les retrouve quasiment exclusivement chez des Makondé anciens combattants ou membres proéminents du Frelimo. Or, comme dit plus haut, lors de la constitution des villes, les clans ou ethnies se sont regroupés par quartiers. Il y a donc aujourd’hui, dans une ville comme Mocímboa da Praia (prise par les djihadistes), des quartiers « aisés » et des quartiers pauvres, des quartiers makondé ou mwani, des quartiers chrétiens ou musulmans.
Le facteur générationnel
La différence de réussite sociale est plus marquée chez les générations ayant connu l’indépendance (l’actuel Président, Filipe Nyusi, est d’ailleurs un Makondé). Face au manque de développement généralisé du pays, les jeunes générations sont, dans les faits, aussi démunies les unes que les autres. Les jeunes, toutes ethnies confondues, ont beaucoup de mal à s’insérer économiquement et socialement. Depuis le début des années 2000, Mocímboa da Praia a ainsi vu la criminalité augmenter. Lors d’un vol chez des Makondé « aisés », par exemple, il n’est pas rare que le voleur soit un jeune de la famille.
Opinions politiques
Chez les Makondé, le soutien au Frelimo est sans faille, encore de nos jours et même chez les jeunes. Le Frelimo est le seul parti légitime au Mozambique et cette position n’est pas négociable. Ils soutiennent le Frelimo en bloc. Cela fait en pratique partie de l’identité.
Chez les Mwani, la chose se discute. Une majorité de Mwani vote pour la Renamo, cependant les Mwani expriment volontiers leur position domaine par domaine. À Mocímboa da Praia, où les chrétiens représentent environ 30 % de la population, les élections sont toujours très contestées et le soutien à la Renamo est réel. Pourtant, jamais la Renamo n’est arrivée en tête, même dans des élections locales. À Mueda, grande ville sur le plateau, à majorité makondé, le Frelimo est toujours élu à une écrasante majorité (95 % en 2019).
En 2005, les élections municipales ont donné lieu à plusieurs comptages des voix et à une victoire sur le fil du Frelimo. Victoire contestée par la Renamo, dont les partisans mwani ont manifesté pacifiquement pendant des mois. Le jour de l’investiture du maire, des émeutes ont éclaté, faisant plusieurs victimes et causant la destruction de nombreuses maisons, toutes appartenant à des notables makondé du Frelimo. Ce ne sont pas les seules émeutes à avoir éclaté depuis les années 2000.
Tension sur les terres et pression démographique
L’histoire du Cabo Delgado, notamment la lutte pour l’indépendance et la guerre civile, a aussi eu pour effet de redistribuer la répartition géographique des populations. Une grande partie des Makondé vit aujourd’hui dans les bourgs le long des grandes routes du Cabo Delgado, et partage souvent le territoire avec les Makua. Beaucoup vivent aussi sur la côte, notamment dans Mocímboa da Praia et son district. Là, ils sont sur les terres historiques des Mwani.
Au départ, les arrivants n’ont pas été mal accueillis. Aujourd’hui encore, la situation est claire pour les Makondé comme pour les Mwani : les Mwani sont les « propriétaires » de ces terres, les Makondé sont leurs « hôtes ». Ces hôtes, traditionnellement agriculteurs, ont donc demandé des terres à cultiver, qui leur ont été accordées. Les Mwani complètent cependant leurs revenus avec une petite agriculture. Avec la croissance des villes, la répartition et la disponibilité des terres a commencé à poser problème.
Par ailleurs, face à la réussite visible de certains Makondé et à leurs familles plus nombreuses, beaucoup de Mwani ont progressivement vu leurs hôtes comme des envahisseurs hostiles.
La relocalisation des populations a été accompagnée d’une déconstruction des figures traditionnelles d’autorité et d’une nouvelle répartition des ressources, mais pas par un développement ni une intégration sociale équitables. En particulier, la population « propriétaire » est aussi celle qui s’est sentie la plus mise de côté.
Nouvelles identités…
Autrefois, on ne naissait pas makondé, on le devenait (y compris après avoir été capturé chez un autre clan). Les rites d’initiation, les scarifications du visage et l’insertion de labrets dans les lèvres faisaient partie de cette appartenance au clan. De nos jours, aucun jeune makondé ne porte ni scarification ni labret. Les rites d’initiation existent toujours, mais ont été adaptés pour être compatibles avec la foi chrétienne. Pour se montrer makondé, d’autres signes ont été inventés : l’habillement, le port du chapelet autour du cou, le prénom chrétien, l’appartenance politique (pro-Frelimo).
…et religion
Dans une ville comme Mocímboa où se mélangent chrétiens et musulmans, les chrétiens ont installé de plus en plus de croix dans les quartiers où ils étaient majoritaires. Pour le Jubilé de l’an 2000, une grande croix a même été installée à l’entrée de la ville. Les Makondé chrétiens n’y constituent pourtant que 30 % de la population. Cette croix-là a particulièrement offensé les Mwani, car Mocímboa da Praia est sur « leurs » terres.
Les Makondé portent très souvent un chapelet autour du cou. En retour, les hommes mwani ont commencé à sortir dans la rue avec leur couvre-chef de prière. De même, les femmes mwani, qui utilisaient leur capulana (vêtement en tissu traditionnel coloré) pour se couvrir la tête, ont commencé à utiliser le hijab à partir de 2007. À la même période, les hommes ont commencé à porter la jalabiya (un habit égyptien et soudanais) et dans les courant des années 2000, les Mwani ont fait installer des haut-parleurs pour l’appel à la prière.
Les différences religieuses impliquent également des habitudes alimentaires différentes, qui sont parfois dénigrées de part et d’autre. Par ailleurs, les Mwani sont souvent choqués de constater que les Makondé, censés être chrétiens, pratiquent ouvertement la polygamie. Il est à noter que la différence religieuse n’interdit pas les mariages entre communautés, bien que cela soit rare. La plupart du temps, c’est la femme makondé qui se convertit à l’islam, ce qui ne pose en général pas de problème.
Évolution de l’islam
Il faut enfin signaler que l’islam mozambicain était traditionnellement soufi. Cependant depuis les années 1980-90, cependant, des imams formés dans des écoles wahhabites du Golfe, puis en Somalie ou en Égypte ont fait leur apparition. Ils apportaient une vision de l’islam plus rigoriste, allant jusqu’à humilier publiquement les autorités soufies. Certains prédicateurs ont également implanté un islam plus politique et revendicateur. La formation de certains jeunes du Cabo Delgado par des courants kényans extrémistes a été encouragée par quelques figures mwani. Pour autant, la vision radicale et politique de l’islam n’est pas majoritaire parmi les Mozambicains musulmans.
Conclusion
Tout au long de l’histoire du Cabo Delgado, le facteur religieux n’a jamais été déterminant. Ni dans l’identification des populations à un groupe ni dans le traitement qui leur était réservé par les pouvoirs en place. De plus, l’identité des Mwani s’est définie bien avant celle des Makondé. Il est cependant vrai que l’appartenance religieuse est un critère facile à conceptualiser et à utiliser d’autant qu’il recoupe aujourd’hui largement l’appartenance ethnique, la classe sociale ou encore le type d’emploi.
On notera également que les premières cibles des djihadistes ont été des bâtiments administratifs, des casernes militaires ou encore des écoles et des professionnels de santé. Ils s’en sont également pris aux cultures. Les attaques d’églises n’interviennent que plus tard.
Notes :
[1] Pour l’essentiel, cet article résume la thèse d’anthropologie de Ana Margarida Sousa Santos (History, Memory and Violence: Changing Patterns of Group Relationship in Mocímboa Da Praia, Mozambique, Oxford University, 2010). Ces travaux dressaient pour la première fois un tableau historique des relations entre populations au Cabo Delgado, sur la base de sources historiques et de deux enquêtes de terrain. Les informations de la thèse sont complétées par des données électorales plus récentes et par le point de vue d’autres universitaires spécialistes du Mozambique : Francisco Almeida dos Santos (pseudonyme) et Joseph Hanlon, ainsi que par des articles de presse récents.
Cet article entend rendre compte de la complexité des éléments sociaux en jeu et de l’importance de l’histoire du Cabo Delgado. Cependant, par sa nature synthétique, plusieurs questions n’y sont pas traitées, notamment les rivalités politiques internes au Frelimo, les courants de l’islam dans le pays ou encore les enjeux économiques (licites ou illicites).
[2] Le commerce des esclaves, par les Arabes notamment, a en effet perduré dans la région du VIIIe siècle au début du XXe siècle. Au XIXe siècle, les Portugais ont rejoint ce commerce, avant de l’interdire en 1856 (et de couper définitivement tous les réseaux commerciaux au tournant du XXe siècle). Cet élément de l’histoire est encore bien présent dans les récits.
Image : Pont sur le fleuve Lúrio, frontière du Cabo Delgado, auteur : F. Mira , CC-BY-2.0