Un peu plus d’un an après la révocation du statut constitutionnel autonome du Jammu-et-Cachemire, les tensions sont toujours vives dans cette région de l’Inde à majorité musulmane. La mainmise du Gouvernement central sur la région étouffe les libertés individuelles de la population qui subit toujours de fortes restrictions. L’assassinat de l’avocat et activiste cachemiri, Babar Qadri le 24 septembre 2020, apparaît comme le symbole des violences dans cette région de l’Inde.
La mainmise du gouvernement central sur les libertés individuelles
Le 5 août 2019, les autorités indiennes révoquaient le statut autonome du Jammu-et-Cachemire, divisant l’État en deux « Territoires de l’Union », sous contrôle du Gouvernement fédéral. Depuis, la population cachemirie subit de plein fouet la politique de répression des minorités religieuses en Inde du gouvernement Narendra Modi, notamment à l’encontre des fidèles musulmans.
En effet, les cachemiris vivent au rythme des nombreuses restrictions imposées par les autorités indiennes pour tenter d’étouffer les revendications d’autonomie de la population : restriction de la liberté d’expression, suspension des services de télécommunication, interdiction des réunions publiques, détentions arbitraires, et la liste est longue. Une violation des libertés individuelles que le Gouvernement indien justifie au nom de la lutte contre le « terrorisme ».
Si les restrictions ont été assouplies pendant un temps, l’accès à internet demeure limité, les journalistes sont toujours sous la menace de poursuites judiciaires en cas de publication de contenus « anti-nationaux » et au moins 400 personnes sont toujours détenues sans chef d’inculpation, en vertu de la loi sur la sécurité publique qui autorise la détention sans procès pendant deux ans.
De surcroît, des ordonnances imposent ponctuellement la fermeture des écoles ou restreignent temporairement la liberté de circulation (fermeture de routes, couvre-feux…) des habitants. En témoigne, l’ordonnance du 3 août 2020 qui avait pour objectif d’empêcher la tenue de manifestations violentes marquant la première année depuis la révocation de l’autonomie cachemirie.
Les conséquences pour la population sont nombreuses : l’économie locale s’est effondrée et l’accès aux services sanitaires est largement mis à mal tout comme l’accès à l’éducation. Cette situation n’a fait que s’aggraver du fait de la crise sanitaire liée à l’épidémie de la Covid-19.
Un climat de perpétuelles violences
La vie de la population est d’autant plus entravée que le Jammu-et-Cachemire est le théâtre perpétuel de violences, en premier lieu desquelles, celles provoquées par la répression des autorités contre les bastions séparatistes cachemiris.
En outre, le meurtre de Babar Qadri, retrouvé mort le 24 septembre dernier à son domicile, jette la lumière sur les pressions que subissent les défenseurs de l’autonomie du Cachemire ces derniers mois. Toutefois, la mort de l’avocat est le premier assassinat d’une des figures du militantisme cachemiri depuis la mort de Shujaat Bukhari, rédacteur en chef d’un journal local, il y a deux ans. Babar Qadri était connu pour ses prises de positions virulentes, notamment à la télévision indienne, contre la mainmise croissante du Gouvernement central sur la région du Cachemire.
Un contexte peu propice au travail des ONG
C’est dans ce climat particulièrement tendu que la branche indienne de l’ONG Amnesty International a annoncé, le 29 septembre dernier, la suspension de ses activités en Inde suite au gel de ses comptes, invoquant un véritable harcèlement de la part de l’administration indienne. Selon les dirigeants d’Amnesty International, une véritable « chasse aux sorcières » serait à l’œuvre contre les organisations non gouvernementales, en raison de leur dénonciation des situations de violation des droits humains en Inde, notamment à l’encontre des minorités religieuses et particulièrement dans la région du Jammu-et-Cachemire.
En août dernier, lors de l’anniversaire de la révocation du statut autonome du Cachemire, Amnesty International avait notamment appelé à relâcher les leaders politiques, journalistes et activistes détenus depuis des mois sans inculpation.
Photo de Mubashir Hassan sur Flickr