Le premier tour des élections municipales au Brésil a eu lieu le 15 novembre 2020. Le second tour avait lieu le 29. Ce sont 5 568 villes qui renouvelaient leur conseil municipal, dont 18 des 26 capitales d’États.
Un paysage politique dominé par la droite conservatrice
Lors des élections de 2016, un courant de « dégagisme » avait fortement affaibli le Parti des Travailleurs (PT). En pleine tourmente à cause de nombreux scandales de corruption, le parti avait perdu la moitié des postes de maires qu’il occupait alors.
Après plusieurs années au pouvoir, la droite conservatrice, voire l’extrême droite incarnée au niveau fédéral par le président de la République Jair Bolsonaro, était plus contestée que jamais par les opposants. Elle est notamment accusée de ne rien faire contre les inégalités sociales et raciales. Pour autant, le chef de l’État jouissait encore de 37 % d’avis favorables, malgré sa gestion contestable de la crise de la covid-19 et le peu de cas qu’il fait des inégalités raciales dans le pays.
Investir la politique pour impulser un changement de l’intérieur
À la fin de l’année 2020, il s’agissait de proposer activement une alternative. Dans le sillage des manifestations « Black Lives Matter » de l’été 2020, ce sont les Brésiliens noirs ou métis qui se sont particulièrement mobilisés. À l’occasion de ces élections municipales, ils étaient désormais plus nombreux que les candidats blancs.
Ils n’entendaient pas porter que les questions raciales. Leur but était de démontrer leurs compétences en matière de politiques publiques ou d’économie.
Les militants ont gagné une bataille en août 2020. Le Tribunal électoral a obligé les partis à donner autant de temps d’antenne aux candidats noirs qu’aux candidats blancs. Tout n’était pas gagné pour autant. D’une part, la décision concernait la répartition entre tous les candidats noirs et tous les candidats blancs. Au niveau individuel, les parts d’antenne n’étaient pas forcément équitables. D’autre part, dans une population qui se dit à 56 % noire, seuls 35 % des candidats en tête de liste étaient noirs.
Enfin, d’après Raphael Tsavkko Garci, de même que toutes les femmes en position de pouvoir ne se disent pas « féministes », tous les candidats noirs ne mettront pas forcément la priorité sur la lutte contre les inégalités. Une partie au moins de ces candidatures pouvait n’être qu’une sorte de « maquillage » pour les partis de droite conservatrice ou d’extrême droite.
Les politiques locales recoupaient les problèmes nationaux
Dans une ville comme São Paulo, les élections municipales se sont jouées en partie sur des questions locales. Celles-ci recoupaient cependant les problèmes nationaux, notamment les inégalités raciales. En effet, les grands thèmes de la campagne étaient la construction de logements décents (pour pallier la crise du logement), la gestion des favelas, les infrastructures numériques, la réhabilitation des friches, la création d’espaces verts. À l’heure de l’épidémie de covid-19, ces questions sont plus actuelles que jamais. Or, comment traiter la question du logement ou de l’accès aux cours en ligne sans parler d’inégalités sociales et raciales ? En cela, les candidatures nombreuses de personnes se revendiquant comme noires étaient porteuses d’espoir.
Pour un débat serein : la lutte contre la désinformation
Le Tribunal électoral a également mis en place des mesures de lutte contre les fausses informations. Il a ainsi lancé le hashtag #Euvotosemfake (#Jevotesansfakenews), qui a été repris par la Conférence des évêques (catholiques) du Brésil. Ces derniers ont encouragé leurs fidèles à vérifier les informations et à dénoncer les canulars.
Résultats : déroute pour Jair Bolsonaro, échec de la gauche, plus de diversité
Lorsque les résultats du second tour des élections municipales sont tombés, le constat s’est imposé. La droite et le centre droit ont été largement plébiscités. À l’inverse, l’écrasante majorité des candidats soutenus par Jair Bolsonaro a perdu. Même Marcelo Crivella, à Rio de Janeiro, soutenu par certaines Églises évangéliques puissantes, a été sorti. La déroute infligée par les électeurs était évidente. À gauche aussi, l’échec était palpable. Même dans la région Nord-Est, historiquement bastion du PT, le candidat de la gauche a été battu. Le parti n’a remporté l’élection dans aucune des capitales.
Cependant, dans de nombreuses mairies, des conseillers municipaux ou maires porteurs de diversité ont été élus. C’est notamment le cas à Curitiba, qui a élu sa première conseillère noire. Porto Alegre est passé de deux à cinq conseillers municipaux noirs (quatre femmes, un homme).
De plus, par rapport à 2016, le pourcentage de femmes élues au conseil municipal a progressé, passant de 13,5 % à 16 %. Les maires seront à 12,2 % des femmes (contre 11,6 % en 2016). Il faut aussi noter le succès d’autres élus activement portés par les militants LGBT. Si certains parmi tous ces nouveaux élus veulent spécifiquement faire avancer des causes liées à leur identité, d’autres souhaitent avant tout montrer qu’on peut être femme, noir ou LGBT et porter la voix de ses concitoyens sur des sujets comme la sécurité, l’éducation ou encore l’environnement.
Image : Manifestation contre Jair Bolsonaro, S. Paulo, 07/06/2020 (auteur : Rodrik Martins) CC-BY-4.0