Le 19 novembre 2020, un homme noir âgé de 40 ans a été battu à mort dans un supermarché de Porto Alegre. Ce nouveau cas d’homicide (au Brésil, un jeune noir est tué toutes les 23 minutes) a déclenché la colère d’une partie de la population, alors que le 20 novembre marque la Journée de la conscience noire (Dia da Consciência Negra) dans certaines villes du Brésil.
Les faits
Le 19 novembre au soir, João Alberto Silveira Freitas se trouve dans un supermarché Carrefour, à Porto Alegre (au sud du Brésil). Il aurait menacé une employée. Deux vigiles, blancs, de 24 et 30 ans le font sortir du magasin, avant de le passer à tabac. La scène a été reprise par une dizaine de témoins et par les caméras de surveillance. Un vigile tient l’homme, pendant que l’autre le roue de coups, avant de s’agenouiller sur son dos pendant quatre minutes. Arrivé sur place, le SAMU n’a pas réussi à réanimer l’homme, qui est mort d’asphyxie d’après l’autopsie. Des témoins ont par ailleurs affirmé que d’autres employés auraient tenté de les empêcher de filmer et de secourir la victime. Les deux vigiles ont été arrêtés en flagrant délit et immédiatement écroués.
Carrefour Brésil a déclaré être choqué par les images diffusées et s’opposer à toute forme de racisme au sein de ses équipes. Le groupe a également décidé de renforcer la formation de son personnel et de ses sous-traitants. Il a par ailleurs rompu le contrat avec la société de sécurité qui employait les vigiles.
Colère lors de la Journée de la conscience noire
Ce dernier cas de violence extrême contre un Brésilien noir a ravivé le souvenir de la mort de George Floyd, aux États-Unis. Or, le 20 novembre est célébrée au Brésil la Journée de la conscience noire. Cette journée rend hommage à Zumbi dos Palmares, chef militaire noir d’un royaume autonome d’esclaves insurgés (Quilombo dos Palmares), décapité par les troupes portugaises le 20 novembre 1695. Elle vise à faire mémoire de l’esclavage qu’ont subi les Noirs au Brésil jusqu’en 1888, ainsi que de la lutte abolitionniste. C’est aussi une manière de poursuivre la lutte pour l’égalité, qui n’est pas acquise.
La manifestation, dans sa globalité, a rassemblé relativement peu de monde. Des groupes de quelques milliers, dans des villes de plusieurs millions d’habitants (22 millions à São Paulo). En colère, les manifestants scandaient « Les vies noires comptent » ou « Stop au génocide des Noirs ».
Violences en marge des manifestations
À la fin ou en parallèle des manifestations, des groupes de quelques dizaines de personnes s’en sont pris directement à des supermarchés Carrefour. La colère s’est parfois muée en violence. Certaines actions consistaient à manifester sur les stationnements. Les manifestants demandaient aux clients de boycotter le groupe. D’autres actions ont été violentes. Dans au moins deux supermarchés (le magasin où ont eu lieu les faits et un magasin de São Paulo), les manifestants ont brisé les portes d’entrée, puis renversé les rayonnages et mis le feu à des produits. Aucune victime n’a été signalée parmi les employés.
Au sommet de l’État, on relativise le problème
D’après le vice-président, Hamilton Mourão, il n’y a pas de racisme au Brésil, contrairement à ce qui existe aux États-Unis. Il y a, en revanche, un énorme problème d’inégalités. Ces inégalités structurelles expliqueraient le manque d’ascension sociale des Brésiliens noirs.
Le président Jair Bolsonaro, de son côté, a déclaré être « daltonien » quant aux couleurs de peau. « Il y a des hommes bons et des hommes mauvais », c’est tout. La mort de João Alberto Silveira Freitas serait donc un simple crime, comme il y en a malheureusement beaucoup au Brésil, où la violence est endémique. Pour Jair Bolsonaro et son vice-président, ceux qui veulent « importer » la notion de racisme au Brésil divisent le pays.
En revanche, de nombreuses autres personnalités (politiques ou autres), dont le président du Sénat, ont pris une position opposée. Elles estiment que la réaction des vigiles est la preuve d’un racisme structurel. Divers observateurs et internautes notent également que Carrefour a déjà été accusée de racisme. De manière plus générale, l’entreprise a été accusée de pratiques portant atteinte à la dignité de ses employés. Le problème ne se poserait d’ailleurs pas que chez cette enseigne. De nombreuses multinationales seraient concernées.
Image : Manifestation de femmes noires et indígenas, à São Paulo, 2017 (auteur : Parti des travailleurs brésilien) CC-BY-2.0