De l’effervescence religieuse postindépendance à une forme de sécularisation loyaliste « néo-monarchique » : quel avenir pour le pluralisme islamique en Azerbaïdjan ?
Un article écrit par Morgan Caillet dans le cadre du dossier thématique « Trente ans après, le pluralisme dans l’espace postsoviétique »
Introduction
L’éclatement de l’URSS en 1991 a provoqué un profond remaniement identitaire dans l’ensemble des ex-Républiques socialistes soviétiques du Caucase et de l’Asie centrale, auquel n’a pas échappé l’Azerbaïdjan, riche d’une longue histoire multiculturelle, situé au carrefour des mondes européen et asiatique et formant une zone tampon entre le monde turco-iranien au sud et russe au nord. Ce pays largement sécularisé depuis le XIXe siècle, au cours duquel s’est constituée la nation azerbaïdjanaise, s’est ainsi extirpé du bloc soviétique et de sa répression contre toutes les formes d’expression religieuse, au moment de l’échec de la Perestroïka, dans un contexte de conflit territorial avec l’Arménie, qui s’est réactivé en 1988, et de développement économique sans précèdent grâce à ses ressources pétrolières et à la signature en 1994 du « Contrat du siècle » avec un consortium de compagnies occidentales.
La disparition d’un pan entier de la modernité marqué par l’athéisme scientifique et le matérialisme dialectique a inauguré une période de recherche de nouveaux modèles identificatoires et de renouement avec les racines culturelles ancestrales. Cette riche période de restructuration du paysage religieux de l’Azerbaïdjan est ainsi caractérisée par l’opposition d’acteurs se disputant le sens des pratiques et du message coranique et leurs interactions avec une population à 97 % musulmane présentant la singularité à la fois d’être composée de deux tiers de chiites et d’un tiers de sunnites et de souhaiter se réapproprier les idéaux modernes déçus par la chute de l’URSS. Cette zone frontalière a été, parallèlement à l’arrivée de nouveaux courants islamiques étrangers provenant d’Iran, de Turquie et du monde arabe, bousculée par des enjeux internationaux cruciaux. Nous pensons aux événements du 11 septembre 2001 ou aux guerres « contre l’axe du mal » en Irak et en Afghanistan portées par l’idéologie du « choc des civilisations », à la « crise des caricatures » de la fin des années 2000, aux « Printemps arabes » au début des années 2010, et enfin au conflit en Syrie. Ce contexte global a évidemment interagi avec une situation de reconstruction du système politique azerbaïdjanais autour d’un fonctionnement clanique et d’une succession dynastique du pouvoir au sein de la famille Aliev dès 2003.
Après une longue période de survie de l’ « islam populaire » azerbaïdjanais dans la sphère familiale privée et s’organisant autour des lieux saints qui parsèment le pays, et alors que l’on fête les 30 ans de l’indépendance politique, économique et socioculturelle du pays, il est nécessaire de dresser un court bilan de l’évolution des relations entre le politique et le religieux dans ce pays du sud-Caucase en focalisant sur sa religion principale, l’islam, dans la diversité de ses courants, et d’apporter des éléments de compréhension des déterminants et des caractéristiques de la politique de sécularisation des autorités postsoviétiques d’Azerbaïdjan.
I. L’Islam « parallèle » de la période soviétique et ses conséquences en termes de pratique religieuse
À la suite de la formation de la nation laïque azerbaïdjanaise au XIXe siècle, la répression systématique des formes d’expression religieuse qui s’abat sur l’Azerbaïdjan à partir de la fin des années 1920 et durant les années 1930, en vertu d’une vision plus radicale de la religion comme « opium du peuple » [1] et en raison également du changement d’attitude des alliés de l’URSS, au premier rang desquels la Turquie de Mustafa Kemal Atatürk (1881-1938), mène à l’enregistrement des sociétés religieuses auprès du Comité du Peuple ou Narkomat. L’Union des sans-Dieu est créée en 1925 par Lemelian Yaroslasvski (1878-1943) de la commission antireligieuse du Politburo du PCUS. Les cérémonies de Muharrem sont prohibées, les lois coutumières (ou adats) sont interdites et l’alphabet latin est instauré en 1929 afin de lutter contre l’influence du clergé sur la population ainsi que pour la couper de son histoire, de l’Iran et des pays arabes. L’alphabet cyrillique a été mis en place dans un deuxième temps en 1940 afin de lutter contre l’influence turque. Les décrets se multiplient en 1928-1929 : les organisations religieuses ne doivent plus s’occuper que des prières, la littérature religieuse est interdite, ainsi que toute forme de propagande. Les mosquées sont transformées en clubs et musées (de 3 000 en 1917, elles ne sont plus que 17 en 1933). Au-delà, après les répressions du début des années 1920 contre les ennemis de classe » et du début des années 1930 contre les dirigeants d’origine turcophones dans toute la Russie, c’est le début des « purges » contre les tarikats et les intellectuels à partir de 1937 sous l’égide de Mir Djafar Baghirov[2] qui feront perdre la vie à 120 000 personnes dont 30 000 figures du monde intellectuel, littéraire, scientifique et universitaire[3].
Le pari allemand sur la population musulmane durant la Seconde Guerre mondiale, qui passe par la formation militaire de prisonniers de guerre et de militants anticommunistes, afin d’avoir accès au pétrole de la mer Caspienne et de se ménager un pont vers l’Iran et l’Irak, provoque un changement de la politique de l’URSS. En 1942, le Congrès extraordinaire des membres du clergé musulman de l’URSS à Oufa mène à la création de la Direction des Affaires religieuses, qui se subdivise en quatre, dont une pour la Transcaucasie en 1944, avec un siège à Bakou réunissant un sheikh ul-islam et un mufti. Celle-ci est néanmoins devenue un puissant instrument de contrôle du clergé.
Dans les années 1950, la politique de libéralisation de Staline est due à la disparition de l’ancienne génération du clergé formée avant la création de l’URSS : la nouvelle génération est devenue un corps de fonctionnaires membres du PC travaillant en étroite collaboration avec les autorités athéistes. Khrouchtchev a lancé une nouvelle campagne de russification, accompagnée de fermetures de mosquées, de répression contre les croyants et de propagande antireligieuse qui sera poursuivie sous Brejnev dans les années 1960 et 1970. Cette politique s’intensifie à la fin des années 1970 et dans les années 1980 après la guerre contre l’Afghanistan et la Révolution islamique en Iran.
Cette période soviétique est marquée par le développement d’un islam clandestin, en réaction à une politique de répression contre les musulmans conduite avec des représentations typiquement chrétiennes de la religion [4]. D’une part les fermetures de mosquées n’ont pas le même effet que des fermetures d’églises en raison du rôle différent de ces édifices religieux qui peuvent être aisément remplacés, et d’autre part la mise en place d’une direction religieuse pour l’islam qui n’a pas de hiérarchie religieuse, au sens où l’entendent les chrétiens, et dont les communautés agissent de façon indépendante, ne pouvait avoir qu’un effet limité. S’il y a eu une dé-islamisation des russophones et des intellectuels à Bakou principalement, il n’en a rien été dans les districts ruraux et surtout dans les régions à prédominance chiite, plus enclines à résister à la propagande soviétique en raison de leur pratique de la taqiya. Ainsi, les pratiques des cérémonies de Muharrem ont perduré y compris avec la participation des jeunes gens, de même que celle de Gurban Bayram ou de l’anniversaire du prophète, le nombre des femmes mollahs a augmenté, les mariages religieux ont perduré avec des mollahs non enregistrés, ainsi que les mariages avant l’âge légal et les veillées funéraires. Les pratiques de circoncision ont continué, y compris parmi les membres du PC et les athées, tout comme l’interdit alimentaire de consommation du porc. L’interdiction des pèlerinages à l’étranger a conduit à une augmentation des pèlerinages sur les lieux saints de substitution en Azerbaïdjan qui sont devenus centraux dans le développement d’un « islam parallèle » à l’islam officiel représenté par la Direction des Affaires spirituelles, ainsi que l’a bien décrit Alexandre Bennigsen [5]. Cependant, cet « islam parallèle » présentait des caractéristiques un peu différentes en Azerbaïdjan en raison de la domination du chiisme et du rôle très marginal des tarikats soufies. Il s’agissait plutôt d’une privatisation de la religion dont la survie était assurée par les lieux saints plus ou moins informels, les 500 pirs, répartis dans l’ensemble du pays, et des mollakhanas au nombre de 1000.
La Perestroïka de Gorbatchev intervient dans le contexte du conflit résurgent du Haut-Karabakh à partir des premières manifestations revendicatives arméniennes en 1988 suivies de l’autoproclamation de l’indépendance en décembre 1991 par les autorités arméniennes de la région qui mènent à une guerre ouverte au début de l’année 1992, quelques mois après que le Soviet suprême d’Azerbaïdjan a voté l’indépendance du pays le 30 août 1991 et refusé d’intégrer l’organisation militaire de la CEI, contrairement à l’Arménie. Le cessez-le-feu de 1994 permet aux forces arméniennes d’occuper jusqu’en 2021 entre 16 et 20 % du territoire azerbaïdjanais comprenant les districts entourant le Haut-Karabakh, et cause la fuite de 620 000 déplacés internes azéris en Azerbaïdjan. À la faveur des troubles politiques de cette période, Heydar Aliev, qui a fait sa carrière au KGB, ancien premier secrétaire du PC d’Azerbaïdjan, ancien membre du Politburo du PCUS [6], et maître du Nakhitchevan, est élu président de la République le 3 septembre 1993, succédant à Aboulfaz Eltchibey, du Front populaire, élu en juin 1992. L’indépendance azerbaïdjanaise, loin de constituer une date charnière en termes de renouveau islamique, a agi comme un accélérateur de dynamiques bridées jusque-là, mais bel et bien à l’œuvre de façon clandestine avant la chute du bloc soviétique, la Révolution islamique iranienne et la guerre d’Afghanistan ayant déjà semé les graines du renouveau religieux dès 1979. Une restructuration du paysage religieux s’est effectuée sous l’influence de mouvements issus de l’étranger que se sont réappropriés la population partiellement dé-islamisée et fortement sécularisée de l’Azerbaïdjan contemporain qui fonde aussi, à cette époque, de grands espoirs sur un rapprochement avec le monde occidental.
II. La vitalité religieuse postsoviétique et la restructuration du paysage religieux
L’ouverture des frontières, la reprise des communications et les nouvelles facilités de circulation avec les pays musulmans voisins créent un grand appel d’air et un vent de liberté religieuse à l’indépendance du pays qui va permettre le développement d’un grand nombre de courants islamiques étrangers politisés ou non et qui se sont engouffrés dans cette brèche, qu’ils soient chiites ou sunnites. Ceux-ci ont considérablement influencé une population en situation d’autodétermination religieuse [7], en recherche de repères culturels, et fortement attachée à sa vie quotidienne séculière forgée progressivement depuis le début du XIXe siècle. L’opposition d’acteurs se disputant le sens des pratiques et du message coranique a permis la reconstruction d’un islam spécifique en germe qui veut aussi se réapproprier les idéaux modernes déçus par la chute du communisme.
La population azerbaïdjanaise de 9,9 millions d’habitants comprend 97 % de musulmans, dont 67 % de chiites et 31 % de sunnites. Il y aurait 1 500 communautés religieuses selon le Comité d’État au Travail avec les Organisations Religieuses (CETOR)[8] dont seulement 909 seraient enregistrées et parmi elles 807 islamiques. Le pays comprend 2 250 mosquées, dont 132 dans la capitale, Bakou. Selon L’Institute for Peace and Democracy (IPD), 800 mosquées seulement seraient fréquentées par les croyants et 50 supplémentaires lors des grands événements religieux tandis que 1 450 seraient actuellement fermées en l’absence de permis officiel. Historiquement, la plupart des écoles théologiques et juridiques musulmanes ou mazhab sont présentes en Azerbaïdjan. La grande majorité des chiites appartiennent au principal courant lié au culte des imams (ou Imamiyya) et sont appelés les Imamites qui suivent l’école djafarite. La majorité des sunnites adhèrent à l’école juridique hanafite, tandis qu’une minorité adhère à l’école chafiite, ces deux écoles étant les plus libérales. La majorité des chiites réside dans les régions du sud à proximité de l‘Iran et de la Turquie ainsi qu’au centre du pays et dans la péninsule d’Apchéron où se trouve Bakou. La majorité des sunnites réside dans les régions du nord près de la Russie, mais un grand nombre vit en fait dans la capitale et les régions centrales. D’autres minorités religieuses sont également présentes dans le pays ; orthodoxes, protestantes, catholiques, doukhobores et molokhanes, oudines, bahaïs, juives, hindoues et athées.
Les courants chiites qui renaissent au début des années 1990 peuvent être distingués entre les courants politisés pro-iraniens, qui ont rapidement attiré la méfiance des autorités séculières indépendantes de l’Azerbaïdjan, et les courants chiites indépendants. L’indépendance azerbaïdjanaise a eu pour conséquence l’apparition sur la scène politique d’un certain nombre d’organisations politico-religieuses proches de l’Iran voisin et portées à la fois par une volonté de renouer avec les origines culturelles non nationales perses du peuple d’Azerbaïdjan, et par une lutte contre les inégalités socio-économiques structurelles causées par le jeu politicien clanique du pays. Il faut mentionner Le Parti islamique d’Azerbaïdjan, fondé le 2 septembre 1991 par Hadji Alikram Aliev, basé idéologiquement sur le Coran et les paroles du prophète Mahomet qu’il met en avant dans le cadre de la construction d’un Azerbaïdjan indépendant, s’appuie sur une base populaire très forte autour de Närdaran dans la péninsule d’Apchéron aux environs de Bakou, qui possède un des pirs les plus respectés par les chiites d’Azerbaïdjan. Ce mouvement apparaît dans un contexte de promotion de la théocratie par l’Ayatollah Khomeiny, marquée par l’idéologie du « pouvoir du faqih » et du « gouvernement islamique ».
Les structures indépendantes du chiisme en Azerbaïdjan se retrouvent dans une critique unanime du Bureau des musulmans du Caucase (BMC)[9] et n’entretiennent pas de liens politiques directs avec le régime iranien. Pour autant, il est important de distinguer les acteurs impliqués dans les droits humains et la liberté religieuse de ceux qui participent de la « renaissance chiite » en cherchant à réhabiliter la hiérarchie spirituelle légitime dans l’ensemble du monde chiite : Hadji Ilgar Ibrahimoglu, imam de la mosquée Djouma de la vieille ville de Bakou jouit d’une popularité nationale avec plus de 3 000 croyants présents à ses sermons du vendredi à la mosquée. La communauté de cette mosquée promeut une réforme de l’islam et s ’est lancée dans des campagnes anti-alcool et anti-drogue, a promu les transfusions sanguines durant la période d’Ashoura à la place du shahsey-vahsey, a soutenu les orphelins, a même créé un centre de résolution des litiges ou « Maison de Sagesse » et a lancé un programme de « Dialogue des civilisations ». En 2000, elle a créé le Centre de Défense de la Liberté de Conscience et de Religion (DEVAMM[10]), une association de défense des Droits de l’Homme et première organisation de plaidoyer religieux en Azerbaïdjan. La communauté défend le droit des femmes à porter le voile à l’école et sur les photos d’identité. Son soutien des Droits de l’Homme et son investissement sur internet en font le mouvement religieux le plus reconnu du pays, considéré comme modéré et utilisant les valeurs européennes pour parvenir à ses fins.
On peut aussi mentionner la communauté de la mosquée Meshadi Dadash ou le Mouvement de l’Unité des musulmans (MUM) qui représente un des derniers soubresauts en date du renouveau islamique azerbaïdjanais. Cette renaissance chiite ne peut être abordée sans souligner le rôle des représentants du marja-i-taqlid en Azerbaïdjan. Dans les années 1990, parmi les milliers de jeunes gens partis étudier dans les centres religieux chiites en Iran et dans d’autres pays musulmans, certains sont restés pour recevoir des connaissances approfondies dans les universités théologiques chiites ou khouzeyye ilmiyya où sont formés les disciples du marja i’taklid qu’on appelle les mujtahids. Si les deux précédents imams ne représentent aucune menace pour le sheikh ul-islam Allashükür Pashazade du BMC, car ils ne disposent d’aucun haut statut religieux selon le dogme chiite, ce n’est pas le cas d’un nombre réduit de Hujjat ul-islam wa-l-muslimin qui participent de la renaissance chiite dans le pays et particulièrement de sa hiérarchie spirituelle suprême. Ces différentes personnalités présentent la particularité d’avoir, au regard du monde chiite, un titre plus important que le sheikh ul-islam à la tête du BMC et de défier de façon croissante son autorité.
Les courants religieux sunnites qui se développent à l’indépendance de l’Azerbaïdjan peuvent être distingués entre les courants pro-turcs empreints d’une forte dimension soufie et les courants salafistes importés des pays arabes du Golfe. Le succès des influences islamiques turques s’explique par des intérêts convergents de politiques énergétiques régionales autour de l’axe Turquie-Géorgie-Azerbaïdjan, le conflit du Karabakh contre les Arméniens et la construction d’un ennemi commun, ainsi que pour des raisons linguistiques et ethniques ou l’opportunité d’ouverture sur l’Occident qu’offre la Turquie. Elle s’explique aussi par un refus de la société azerbaïdjanaise fortement sécularisée d’un rapprochement avec l’Iran qui soutient par ailleurs les Arméniens par peur d’un irrédentisme azerbaïdjanais sur les régions azéries du nord-iranien, et en raison d’un conflit géopolitique persistant concernant le statut de la mer Caspienne déterminant la manne financière pétrolière des deux pays. La coopération de l’État azerbaïdjanais avec la Direction des Affaires religieuses de Turquie ou Diyanet a conduit à la construction de vingt-quatre mosquées et comprend également la formation du clergé et le financement de la scolarité dans les lycées et universités islamiques de Turquie. En 1992, la Faculté islamique turque, renommée plus tard Faculté de Théologie, est mise en place à l’Université d’État de Bakou. Les confréries soufies ou tarikats participent de la diffusion du modèle islamique turc par des canaux non officiels. Les premiers à apparaître en Azerbaïdjan post-soviétique sont les prédicateurs de la Naqshbandiyya à partir du Daghestan où elle est très répandue et de la Turquie. Cette confrérie est très populaire au sein des minorités ethniques du nord du pays qui ont des liens forts avec leurs familles au Daghestan et en Tchétchénie et qui perçoivent l’action des autorités en matière religieuse comme des persécutions ethniques. Dans la première moitié des années 1990, apparaissent aussi la Qadiriyya et la Mawlawiyya puis la Suleymaniyya, apparue en 2000. Inspiré du mouvement de Saït Nursi et perçu longtemps comme le symbole de l’islam turc en Azerbaïdjan, les fethulladjis, ce mouvement néo-confrérique nourdjou désignant les disciples du mouvement crée par Fethullah Gülen, s’implante dans le pays à partir de 1992 et l’arrivée au pouvoir de Abulfaz Eltchibey qui leur permet de mettre en place un certain nombre d’entreprises et d’entités commerciales dont les bénéfices sont reversés dans les activités de propagande. Ces dernières sont pérennisées à l’arrivée au pouvoir d’Aliev en 1993 qui autorise les premières ouvertures d’internats et d’écoles dans le pays. Leur présence est symbolisée par un grand réseau de librairies et de papeterie, ou d’institutions éducatives comme l’Université Caucase ou divers lycées privés turcs aussi bien dans la capitale que dans les villes de province. Le mouvement güleniste promeut à la fois le nationalisme turc, l’économie de marché et les idées démocratiques tout en essayant de combiner modernité et Islam en refusant d’accorder à la religion le statut de modèle étatique comme en Iran et dans les pays arabes. La diffusion des idées gülenistes passe par l’exemplarité du corps enseignant (ou temsil). L’instruction religieuse ne se fait qu’en dehors de l’école dans le cadre de réunions privées donnant lieu à la lecture de la Risale i-Nur.
Le courant salafiste ou wahhabite apparaît en Azerbaïdjan à la fin des années 1970 et au début des années 1980, à la faveur de la Révolution iranienne et de la guerre d’Afghanistan qui ont marqué la « renaissance islamique[11] » et répandu entre autres l’idéologie de Al-Wahhab dans le nord-Caucase, en Tchétchénie et au Daghestan d’abord, où elle a bénéficié d’une grande popularité avant de se faire connaître en Azerbaïdjan, principalement au sein des ethnies sunnites du nord du pays, chez les Lezghis, Avars et Tshakurs et de se diffuser autour de la mosquée Abou Bakr qui devient vite le centre salafiste d’Azerbaïdjan et regroupe plus de 3 000 croyants pour le namaz en comptant ceux effectuant le rituel dans les rues adjacentes et jusqu’à 8 000 croyants le vendredi et 12 000 lors des fêtes religieuses, ce qui représente un record historique pour le pays[12].. Ce mouvement obtient d’abord un franc succès auprès des habitants russophones de Bakou, élites déclassées et stigmatisées à la suite de la chute du bloc soviétique, attirées par un mouvement élitiste souhaitant dépasser l’opposition entre sunnites et chiites et déplacer l’intérêt populaire pour le turquisme vers l’islamisme[13]. Cette population ainsi que les minorités ethniques du nord du pays forment le cœur de ce mouvement totalement déraciné de la tradition musulmane du pays et qu’on peut qualifier de « religion sans culture[14] » et dont on peut relever, en cela, le caractère typiquement post-moderne. Avec le déclenchement de la seconde guerre de Tchétchénie en 1999 et l’augmentation des combattants azerbaïdjanais salafistes, le mouvement se scinde en deux tendances : une purement religieuse et quiétiste et une politico-militaire qui se répartit le pays en zones d’influence[15]. Au début des années 2000, le contexte de répression contre le port de la barbe et de pantalons courts, l’utilisation croissante du réseau internet ainsi que le contexte de confrontation avec l’Occident après les événements du 11 septembre[16], ont conduit à l’apparition de croyants plus radicaux s’investissant dans les opérations militaires au Caucase nord comme au Moyen-Orient, à la croissance des discussions autour du jihad et des relations avec les autorités qui ont abouti à une confrontation accrue deux tendances de cette mouvance salafiste : la ligne de Gamet Suleymanov[17] regroupant la grande majorité des croyants (40 à 50 000 personnes), refusant le jihad armé et appelant à l’obéissance au souverain, taxé en cela de « madkhalisme » par ses opposants très minoritaires (6 à 7000 personnes), divisés en jama’at subordonnées à leurs émirs, jugeant le jihad armé obligatoire et souhaitant l’instauration d’un État islamique régi par la charia, et cessant de fréquenter la mosquée Abou Bakr, taxés, eux, en retour de « takfirisme » puis de « kharidjisme ». Leur opposition mènera à un attentat contre la mosquée Abou Bakr en juillet 2008[18] et la fermeture subséquente de cette dernière, maintenue à ce jour.
De la Perestroïka de Gorbatchev à la succession de Heidar Aliev, l’Azerbaïdjan a ainsi connu une période de grand renouveau religieux caractérisé par une grande diversité des courants islamiques étrangers offerts à une population en situation d’autodétermination confessionnelle et partiellement dé-islamisée, qui avait peu de connaissances religieuses et qui avait développé un islam qualifié selon les chercheurs et les interlocuteurs de « parallèle », de « populaire », de « privatisé » ou de « religion des pirs[19] ». Fortement attachée à la sécularisation de l’État depuis le XIXe siècle qui a vu se construire la nation azerbaïdjanaise, cette nouvelle liberté a permis en quelque sorte de « rétablir la balance » après 70 ans passés au sein du bloc soviétique. Cette riche période d’épanouissement religieux et de redécouverte du patrimoine culturel est marquée par une lutte de l’État naissant contre des tendances islamistes marginales sous le régime de Aliev père. Cette utte qui a néanmoins commencé à présenter les caractéristiques d’une instrumentalisation à des fins d’instauration d’une transmission clanique et familiale du pouvoir avant son décès en 2003, a permis d’observer avec optimisme une vitalité réformatrice et modernisatrice de l’islam national. À côté d’une tendance salafiste largement dominée par une pratique quiétiste loyale à l’État et correspondant à un vif désir de renouer avec les racines arabes de l’islam, des courants indépendants du chiisme opposés au régime iranien s’investissaient dans la défense de la liberté religieuse et le dialogue interreligieux en lien avec les ambassades et les ONG occidentales, et la « civilisation » de pratiques anciennes de l’Ashoura, tandis que le courant nourdjou turc s’appuyait sur l’exemplarité de son corps professoral et sur un puissant réseau d’affaires international pour proposer un islam compatible avec les schèmes de pensée capitalistes déferlant sur le monde après la chute du bloc soviétique. La population cultivait en toute liberté un islam populaire autour des pèlerinages aux nombreux pirs du pays, dont un grand nombre d’origine pré-islamique, pratique qui semblait devoir néanmoins se désencastrer progressivement du champ religieux sous l’influence des précédents mouvements. Une classe de marja i-taqlid non uniquement formée en Iran émergeait dans le pays et pouvait potentiellement amener à une hiérarchie du clergé chiite plus légitime que celle du BMC, vieille institution héritée du règne de Catherine II et totalement décrédibilisée par les croyants et critiquée pour ses pratiques de corruption. Une forme de « protestantisme musulman » à l’image de celui appelé de ses vœux par Mirza Fathali Akhundov [20], se faisait même jour, sans menacer le moins du monde le pouvoir en place, porté par des intellectuels musulmans à l’image de Nariman Qasimoglu.
La transmission familiale de pouvoir en 2003 soutenue par les Occidentaux, et la disparition subséquente des forces politiques séculières à la suite du 11 septembre et des guerres en Afghanistan et en Irak, alors que s’enlisaient les négociations avec l’Arménie au sujet du Karabakh occupé et que la population ne voyait toujours pas les retombées de l’enrichissement du pays grâce à la rente pétrolière, a constitué une date charnière de la période post-soviétique de l’Azerbaïdjan en ce qui concerne la situation religieuse.
III. La sécularisation azerbaïdjanaise sous le régime « néo-monarchique » de la famille Aliev
Le 20 août 1992, le Parlement adopte les 29 articles de la « loi sur la Liberté religieuse », sous Aboulfaz Eltchibey, premier président en exercice à prêter serment sur le Coran, qui établit la séparation de la religion et de l’État et l’égalité des citoyens, quelle que soit leur appartenance religieuse tout en garantissant l’établissement de communautés religieuses. Pour la première fois depuis deux cents ans, le clergé ne reçoit ni salaires ni financement de l’État. Après la prise de pouvoir d’Heydar Aliev à l’été 1993, qui tente d’afficher son affiliation à l’islam, en attirant les hommes d’affaires nourdjous turcs et les fonds d’aide arabes pour les réfugiés du Karabakh, en réalisant le petit pèlerinage (ou umra) l’année suivante avec son fils ou en prêtant serment sur le Coran comme Eltchibey avant lui, sa politique a progressivement été marquée par un contrôle plus strict des communautés et des interférences dans les affaires religieuses en fonction du contexte tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays et ce, à partir de la signature des grands contrats pétroliers et de l’entrée en scène des États-Unis et des institutions européennes.
La structuration institutionnelle étatique de l’islam et l’évolution de la « loi sur la Liberté religieuse »
Le Bureau des musulmans du Caucase (BMC) a ainsi été mis étroitement sous tutelle, en partie du fait de l’appartenance de son chef, le sheikh ul-islam Allahshükür Pashazade, au clan de Lankoran dans le sud du pays peuplé majoritairement par l’ethnie Talysh, alors que Aliev fonctionne essentiellement avec le clan du Nakhitchevan et celui des Armenistanis issu du khanat historique du Karabakh [21]. En 1998, Pashazade est élu président à vie du BMC lors de son 10e congrès[22] tout en démontrant sa fidélité au chef de l’État. La même année et jusqu’à la fin de l’année 1997, cinq amendements à la « loi sur la liberté religieuse » se sont ainsi traduits par l’interdiction pour des citoyens étrangers de mener des activités religieuses, l’obligation pour les communautés musulmanes de se référer au BMC, désormais placé sous l’autorité du cabinet des ministres, pour la certification des membres du clergé. De cette époque date la très haute importance de l’enregistrement des communautés religieuses en Azerbaïdjan, qui doivent désormais soumettre leur charte et n’auront plus aucun moyen de contester légalement ni le refus d’enregistrement ni leur révocation. Entre 1996 et 1998, de 216 organisations religieuses, dont 178 musulmanes, le chiffre passe à 120 organisations religieuses officiellement enregistrées, presque toutes musulmanes. Ces mesures ont été accentuées par la mise en place, par le décret présidentiel n°512 du 21 juin 2001[23], du Comité d’État au Travail avec les Organisations Religieuses (CETOR) et qui a la charge exclusive du contrôle, de l’enregistrement et de l’interdiction des organisations religieuses, ce qui inaugure une période de confrontation avec le BMC, notamment en ce qui concerne les dons des fidèles, la gestion des quotas de pèlerins pour le hadj, la gestion des fonds provenant des pays arabes, ou encore le rappel des étudiants dans les institutions islamiques étrangères en 2002[24]. La mise en place du CETOR correspond à l’échec de l’État à prendre le contrôle total de la situation du fait de la persistance des organisations religieuses en dehors de tout enregistrement, l’arrivée continue de missionnaires par le biais d’organisations humanitaires légales et le contournement de l’enregistrement par voie de corruption[25]. De même, l’audit des activités des institutions éducatives religieuses et la volonté des autorités de certifier les mollahs se sont heurtés à l’insuffisance numérique de clercs formés par l’Université islamique de Bakou créée en 1989, ce qui a provoqué de nombreux départs à l’étranger et le développement de madrasas non officielles. Cette politique est liée à une nécessité d’endiguement du flot de courants étrangers souhaitant imposer leur lecture coranique.
La succession de Heydar Aliev par son fils Ilham Aliev en octobre 2003 a inauguré le début d’une période de suppression de toute forme de dissidence de la part des partis politiques séculiers pro-occidentaux en Azerbaïdjan, un temps réunis dans le mouvement Azadliq (« Liberté »), et qui ont quasiment été réduits à néant à partir de 2006. Ce vide a été occupé progressivement par d’autres forces politiques principalement religieuses rejointes par des opposants ordinaires déçus par les valeurs occidentales, du fait du soutien des pays clients pétroliers au régime Aliev qui se refuse à résoudre le problème de l’exclusion de la majorité de la population des revenus de la rente pétrolière, comme de l’échec des négociations sur le conflit du Karabakh et la perception subséquente d’un Occident ami de l’Arménie chrétienne[26]. On commence à assister à un véritable culte de Heidar Aliev, des mosquées étant baptisées à son nom, et des salles mémorielles en son honneur étant installées dans les mosquées, ce qui constitue un véritable blasphème pour la plupart des croyants. En 2006, à la suite de nouveaux amendements, le BMC devenu une organisation publique enregistrée elle-même auprès du CETOR, ce qui contribue à la décrédibiliser encore plus aux yeux des croyants, a été malgré tout doté du statut d’instance religieuse musulmane suprême et du rôle de valider en premier lieu les demandes d’enregistrement par le CETOR qu’elles peuvent refuser pour « troubles à l’ordre public », demandes qui sont encore complexifiées. À partir de 2011, la liberté des organisations religieuses est ainsi entravée par de nouveaux amendements. De plus, le clergé devient un corps de fonctionnaires d’État qui doit payer des impôts. Le 16 janvier 2018, le CETOR avec le ministère de l’Intérieur, le Procureur général et les services de sécurité de l’État adoptent le « Plan d’Action contre l’Extrémisme Religieux », et le 1er mai 2018 le CETOR annonce que le clergé islamique, soit 1 600 leaders religieux recevront désormais des salaires en tant que salariés de l’État. Pour répondre à la pénurie de clercs, le décret présidentiel du 9 février 2018 crée l’Institut de Théologie sous l’autorité du CETOR à laquelle est intégrée l’ancienne faculté de théologie de l’Université de Bakou. La littérature religieuse fait l’objet d’un contrôle strict à partir de 2009. Au sein du CETOR est créé un département spécial de l’expertise religieuse. Un « Fond des Valeurs Morales » subordonné au CETOR est mis en place afin de gérer les fonds reçus des croyants ou les salaires du clergé par exemple. De nombreuses mosquées sont fermées à partir de l’année 2009, à tel point que le terme de « phobie des mosquées » revient dans le discours quotidien et qu’un centre de protection des mosquées de Bakou est créé en réaction de la société civile en septembre 2009. En effet, entre 2008 et 2012, trois mosquées sont détruites et onze sont fermées. Au printemps 2018 est mise en place la vidéosurveillance des mosquées dans 53 d’entre elles. Concernant l’interdiction du port du hijab sur les photos d’identité et les écoles, les contestations populaires depuis 1998 mènent à la création d’un « comité de protection du hijab et des « prisonniers hijab ». Une polémique a aussi agité la société azerbaïdjanaise concernant les interdictions successives entre 2007 et 2009 concernant l’interdiction de l’utilisation d’amplificateurs pour l’azan dans les mosquées, pratique pourtant persistante. Ainsi, l’ensemble des interlocuteurs interrogés font état d’une situation où le CETOR prévaut désormais totalement sur le BMC et où toute compétition entre les deux entités a définitivement disparu. Le BMC apparaît comme une institution fantoche donnant un crédit islamique à une politique de contrôle total sans aucune indépendance possible dans la sphère religieuse. De même que l’intervention active et renforcée de l’État dans ce domaine porte des coups importants à la stricte séparation de l’État et de la religion garantie par la Constitution.
Les répressions contre les communautés religieuses
La lutte contre le mouvement salafiste sunnite a commencé dès la fin des années 1990 dans un contexte d’attention croissante des services de sécurité pour les groupes islamiques radicaux liés aux pays arabes. À la suite de l’expulsion de nombreux citoyens arabes et l’interdiction de nombreuses organisations humanitaires et fonds arabes, la lutte s’est s’accélérée avec la seconde guerre de Tchétchénie en 1999 par une répression des réfugiés tchétchènes[27] sans pour autant parvenir à réduire le nombre d’adeptes. La répression des autorités prend la forme d’une lutte contre l’apparence des salafistes[28] et d’une campagne médiatique contre le leader quiétiste de la mosquée Abou Bakr, Gamet Suleymanov, tout en repoussant l’enregistrement officiel de la communauté par le BMC, ce qui a pour effet une revalorisation de l’image de son leader ainsi qu’un regain d’intérêt pour le salafisme, comme le prouve à cette époque l’émergence de disciples dans les régions sud et de la péninsule d’Apchéron traditionnellement chiites[29]. À la faveur de la confrontation entre la ligne modérée et les tendances radicales, et à la suite de l’attentat perpétré contre la mosquée Abou Bakr, celle-ci sera fermée, et les réseaux salafistes y compris la ligne modérée quiétiste et fidèle à l’État évolua désormais de façon souterraine et ce, afin de se concilier la faveur des Occidentaux. Les activistes de la ligne dure se retrouvent dans les guerres d’Afghanistan et de Syrie créant même des groupes exclusivement azerbaïdjanais[30].
Le PIA est progressivement démantelé à partir de 2011, alors que son leader Hadji Movsum Samada, s’appuyant sur la jeunesse et les réseaux sociaux ainsi qu’un réseau de cellules régionales, s’oppose plus régulièrement aux autorités et aux partis d’opposition pro-occidentaux. Comme le souligne Arif Yunusov, la différence de cette vague d’arrestation qui a touché une trentaine d’activistes dans tout le pays, avec celle de 1997 est que ces responsables politiques ont cette fois accédé au rang de martyrs, qu’ils ont continué leurs manifestations sans autorisation et qu’ils ont toujours pu compter sur un nombre conséquent de participants « ce qui était inimaginable quatorze ans plus tôt[31] ». À la suite de ce démantèlement, le Centre culturel iranien est fermé tandis que le Comité Imdad a dû mettre fin à ses activités en Azerbaïdjan. De même, plusieurs membres du Hezbollah sont arrêtés en 2009 pour la préparation d’actes terroristes contre l’Ambassade d’Israël à Bakou. La répression des autorités contre des mouvements islamistes menaçant la sécularisation de l’État azerbaïdjanais, et qui trouve bien entendu un écho favorable auprès des pays occidentaux, s’étend néanmoins à des mouvements séculiers divers et à des tendances modérées de l’islam. La lutte contre Hadji Ilgar Ibrahimoglu date de 2003 alors qu’il appelle à voter contre Ilham Aliev, candidat à la succession de son père aux élections présidentielles et qu’il soutient le bloc « Notre Azerbaïdjan » et son candidat Issa Gambar du parti Moussavat. De même, dans la foulée de l’arrestation du leader du PIA en janvier 2011, tous les Hujjat ul-islam ont été arrêtés successivement les mois suivants et condamnés à de lourdes peines de prison. Le MUM fait aussi l’objet d’un démantèlement en 2017. Enfin concernant les fethulladjis, les premières arrestations de disciples nourdjous ont eu lieu dès 2007 et ont repris en 2010-2011 après un court répit dû au lobby important dans les sphères du pouvoir, sur fond de campagne médiatique pan-turque et anti-nourdjous auquel s’adjoint le BMC et ce, afin de satisfaire les demandes de son allié turc et de son président Recep Tayyip Erdogan. La répression s’est intensifiée à partir de 2014-2015 avec la fermeture de 11 lycées et l’arrestation et le renvoi de partisans puis à partir de 2017 contre de simples professeurs.
Cette politique incarne la perdurance de méthodes soviétiques pratiquées par des élites communistes qui ont pris les couleurs du nationalisme, mais qui ont néanmoins parfaitement conservé les anciennes méthodes éprouvées de l’ère précédente. On aura ainsi noté le jeu de division utilisé par le pouvoir dans son combat contre la tendance salafiste montante dans les années 2000 puis contre la tendance chiite des années 2010 dans un deuxième temps[32].
L’imposition par le haut d’un islam national loyaliste et le retour de l’islam à la clandestinité
Nous pouvons désormais dire qu’il y a eu une récupération de la plupart des niveaux de l’islam décrit par Motika[33] par la hiérarchie officielle, c’est-à-dire l’État, tandis que les acteurs et mouvements qui n’ont pas été récupérés sont désormais contraints d’évoluer dans la clandestinité. La seule clé de lecture d’une telle répression s’abattant aussi bien sur les mouvements radicaux salafistes ou le PIA que sur le mouvement salafiste quiétiste affichant sa loyauté à l’État, ou un ensemble de mouvements religieux séculiers pro-occidentaux soutenant l’opposition ou opposés aux alliés internationaux du pouvoir en place, est la mise en place à marche forcée d’un islam loyaliste à la « néo-monarchie[34] » de la famille Aliev. L’État azerbaïdjanais cherche ainsi à promouvoir un islam national dit « civilisé », « standardisé » ou « un islam azerbaïdjanais unifié » avec le concours de Allahshükür Pashazade, en imposant par le haut un islam œcuménique en tentant d’effacer les différences entre chiites et sunnites, comme on peut le constater dans la mise en scène des « prières de l’unité » ce qui est présenté comme une tradition spécifique du pays. Alors que, si chiites et sunnites partageaient bien une même mosquée durant la période soviétique, ils priaient à des moments différents. Il s’agit aussi d’une politique qui valorise les pirs en tant que patrimoine national qui représente aussi une manne financière non négligeable[35], pour lesquels s’investissent des « entrepreneurs islamiques[36] » et qui n’agrège aucune forme d’opposition politique. C’est également un islam qui illustre la personnalisation du pouvoir et la glorification de la famille Aliev avec des espaces consacrés à la commémoration du père du président dans les mosquées et avec des édifices religieux baptisés à leur nom.
Dans le même temps, cet islam est aussi instrumentalisé à l’international à des fins de légitimation du pouvoir et de perpétuation dynastique. Alors que Heydar Aliev avait fait appel aux écoles nourdjous de la mouvance de Fethullah Gülen au moment de l’indépendance, ceux-ci ont été progressivement chassés du pays par son fils, surtout à partir de 2010 afin de se ménager l’allié turc[37] dans le cadre du conflit du Karabakh et de préserver le mot d’ordre « Une nation, deux États » impropre historiquement et qui n’est qu’un slogan politique, puisque la société turque n’est pas un modèle pour l’Azerbaïdjan ; de même, le virage pris par l’actuel gouvernement turc vis-à-vis de l’islam reste globalement un sujet de méfiance assez largement partagé. La recherche d’alliances internationales dans le monde islamique a conduit Ilham Aliev à intensifier la communication avec l’Organisation de la Conférence islamique (OCI)[38] dont le pays est devenu membre dès le mois de décembre 1991, ce qui a donné lieu à l’établissement du Forum de la Jeunesse de l’OIC à Bakou en 2004 et, de façon ironique, à l’attribution du titre de « capitale de la culture islamique » en 2009 et l’organisation d’une centaine d’événements à Bakou l’année même de la campagne de fermeture des mosquées dans le pays. Le pouvoir s’est lancé depuis cette époque, dans un numéro d’équilibriste, avec d’un côté un discours agressif de dénonciation de l’islamophobie présumée des Occidentaux en exploitant la « crise des caricatures » et d’autres événements afin de rallier le monde islamique dans sa lutte contre l’Arménie chrétienne mais aussi de cimenter progressivement, à l’intérieur du pays, sunnites et chiites contre un ennemi commun, tout en détournant les accusations portées contre son régime en matière de Droits de l’Homme, et d’un autre côté en se présentant aux pays européens et aux États-Unis comme un modèle de gestion de la diversité culturelle et religieuse et l’unique rempart contre le radicalisme islamique. Cette position justifie ainsi une répression féroce contre les forces d’opposition séculières intérieures ou de simples révoltes individuelles, comme le révèle le « cas Gandja »[39] par exemple.
L’utilisation de cette « carte islamique » est particulièrement flagrante actuellement après la seconde guerre du Karabakh. L’utilisation du discours religieux et les gestes attachés[40] dans le contexte actuel de conflit du Karabakh n’ont pas pour objet de galvaniser un peuple déjà acquis à la cause de la reconquête de ses territoires perdus, ce qui aurait, de surcroît, peu d’effet sur une population fortement sécularisée, mais d’accentuer sa mainmise sur l’islam à l’intérieur du pays et notamment de récupérer la rhétorique religieuse aux dépens des activistes islamistes chiites qui utilisaient l’échec des négociations autour du Karabakh pour manifester leur opposition[41]. Et cette politique et ce discours parfois très belliciste sont pleinement déployés sans inquiétude aucune quant aux éventuelles réactions des pays occidentaux avec lesquels les relations géopolitiques d’affaires en matière de fourniture énergétique sont sécurisées. Les minorités religieuses sont aussi instrumentalisées de manière à présenter au monde un modèle d’exemplarité en matière de gestion du pluralisme culturel[42].
Ainsi, tous ces éléments concourent au retour dans la clandestinité d’un certain nombre de mouvements religieux et politico-religieux qui se sont progressivement rendus invisibles. La dynamique de croissance de la religiosité en Azerbaïdjan n’est pas altérée par la politique étatique et continue de façon souterraine. On assiste, par exemple, au développement des pèlerinages chiites à l’étranger en Iran vers Meshad ou en Irak vers Nadjaf où se trouve la tombe d’Ali, ou Kerbala où est enterré le troisième imam chiite Husseyn, au détriment du hadj soumis à des quotas, onéreux et dont l’organisation est monopolisée par le BMC. Longtemps interdits durant la période soviétique, ces pèlerinages, rendus difficiles sur les sites irakiens en raison de la situation sécuritaire, ont connu une fréquentation accrue[43] à partir de 2006, notamment à Kerbala, lieu particulièrement fréquenté à l’occasion de l’Arbaïn. Cette fréquentation est également due à la promotion qui en est faite par l’Iran surtout depuis 2016[44] ce qui ne manque pas d’attirer l’attention des autorités azerbaïdjanaises qui cherchent désormais à limiter ces pratiques prétextant la lutte contre l’islam politique[45]. Ainsi, les risques de coloration islamiste de la radicalisation citoyenne en cours ne doivent pas être sous-estimés. Sous l’effet de la politique répressive des autorités vis-à-vis d’une frange croissante de la population qui, actuellement portée par l’ivresse d’une victoire historique de reconquête de ses territoires perdus et du recouvrement de sa souveraineté territoriale, et qui n’en est pas plus dupe quant à leurs retombées en termes de liberté d’expression et de niveau de vie, l’islam est devenu une troisième force politique depuis la fin des années 2000, aux côtés des forces politiques classiques, prorusse ou prooccidentale, qui organisent la vie politique de façon binaire dans l’ensemble des républiques sud-caucasiennes, force politique qui est désormais en train de poursuivre son chemin de façon souterraine. Depuis que Ilham Aliev est parvenu à confisquer et à monopoliser le discours nationaliste[46] qui s’est transformé en ce qui peut être qualifié d’« aliévisme », une partie croissante de la nation azerbaïdjanaise trouve refuge dans le message islamique, ressource de sens et véritable potentiel de cohésion sociale, même si on doit rappeler que la sphère islamiste reste divisée et numériquement faible au regard d’une société fortement sécularisée.
Conclusion : un nouvel « Islam parallèle » en Azerbaïdjan ?
L’Azerbaïdjan, riche d’une histoire multiculturelle pluriséculaire, et qui a toujours su intégrer les influences culturelles au carrefour desquelles il se trouve, a connu une exceptionnelle période d’effervescence religieuse à sa sortie du bloc soviétique au début des années 1990, après avoir vu la religion durement réprimée durant 70 ans, période pendant laquelle s’était développé un « islam parallèle » privatisé au sein de l’institution familiale et s’exprimant autour du culte populaire des lieux saints ou pirs très répandus dans l’ensemble du pays. Cette pratique est alors progressivement remise en cause par la jeunesse azerbaïdjanaise des années 2000 qui accède à une offre très diversifiée sur le marché concurrentiel de « l’économie des biens symboliques » de la période post-indépendance l’amenant à une connaissance accrue du Coran et de l’islam et accentuant par-là, quoique de façon superficielle, des conflits latents entre chiites et sunnites, endormis depuis le XVIIIe siècle et que le pouvoir russe avait tenté ponctuellement de réactiver à son profit. On assiste pendant cette période à une profusion de courants étrangers tentant de prendre l’ascendant sur l’évolution islamique du pays, dont certains mouvements politico-religieux mettant en danger le caractère séculier de l’État azerbaïdjanais forgé au XIXe siècle, mais aussi un grand nombre de courants réformateurs et modernisateurs. Si une structuration étatique en matière de gestion du fait religieux était nécessaire pour se préserver des intrusions étrangères et canaliser des énergies perturbatrices pour une jeune république indépendante, elle a rapidement connu des dérives visant simplement la consolidation du pouvoir en place, l’élimination de toute forme d’opposition, et la perpétuation de la dynastie Aliev, à l’image de la lutte contre toutes les formes d’opposition et de liberté d’expression dans le pays.
Le contexte international de « guerre contre l’axe du mal » des États-Unis et l’alliance avec les Occidentaux, nécessaire à la sécurisation des échanges commerciaux pétroliers, qui ont permis en 2003 une succession dynastique du régime Aliev s’apparentant à une forme de « néo-monarchie » régie par un jeu politique clanique écrasant toute forme d’opposition séculière pro-occidentale à partir de 2006, ainsi que l’enlisement des négociations au sujet du conflit du Haut-Karabakh avec l’Arménie ont ainsi constitué une autre date charnière dans la restructuration du paysage religieux de l’Azerbaïdjan. Le vide laissé par les forces d’opposition classiques séculières et pro-occidentales et la déception vis-à-vis des espoirs fondés par la population quant à un rapprochement avec les Occidentaux a laissé la place à l’émergence d’une troisième force dans le pays porté par des valeurs islamiques et qui a fait l’objet d’une répression impitoyable, prétexte à l’extension de la lutte auprès des courants modérés simplement opposés au pouvoir en place, auprès des acteurs remettant en cause par leur simple existence la structuration institutionnelle de la gestion du religieux décidé par le pouvoir ou ceux jugés indésirables aux yeux des alliés internationaux. La rhétorique islamique du pouvoir a évolué progressivement afin de se ménager des alliés musulmans dans sa lutte contre l’Arménie chrétienne pour recouvrer l’intégrité territoriale du pays tout en unissant chiites et sunnites contre un ennemi commun, l’Occident jugé islamophobe, et auprès duquel elle se présente néanmoins comme l’ultime rempart contre le radicalisme islamique, sans compter l’instrumentalisation des minorités ethniques afin de mieux se prévaloir d’une gestion idéale du multiculturalisme et du pluralisme religieux.
Cette dynamique a pour conséquence depuis une dizaine d’années un retour progressif à la clandestinité de l’islam et de sa pratique et une dissimulation des forces radicales agissant désormais de façon souterraine. À défaut d’arbitrer la diversité religieuse du pays, le pouvoir en place a choisi de l’imposer par le haut afin de mieux assurer sa perpétuation : méthodes de répression éprouvées durant la période soviétique, interventions intempestives et presque obsessionnelles dans la sphère religieuse d’un islam national loyaliste marqué par la valorisation des pirs, l’effacement artificiel des différences entre chiites et sunnites et une dimension importante de culte de la famille régnante.
Un nombre croissant de croyants exclus du partage des ressources pétrolières et privés de la possibilité d’adhésion à des forces politiques séculières et pro-occidentales à son image, est désormais contraint de vivre sa foi, comme au temps de l’URSS, de façon semi-clandestine au sein de la famille et pourra être progressivement tenté par les forces de l’islam politisé qui risquent de faire leur retour, d’une manière ou d’une autre, comme un « effet boomerang » dès que l’occasion se présentera et que le contexte géopolitique le permettra. L’ouverture des frontières, les nouveaux moyens de communication et la globalisation du religieux ne permettent plus d’enfermer l’islam aussi facilement et durablement que du temps des modèles politiques soviétiques du gouvernement actuel. L’ivresse de la victoire de la seconde guerre du Karabakh qui va porter le peuple quelques années ne doit pas dissimuler le jeu d’équilibriste dangereux que joue Ilham Aliev entre les partenaires aussi bien des pays musulmans que des pays occidentaux. L’Azerbaïdjan ne doit plus compter que sur le retour des forces politiques d’opposition classique séculières et pro-occidentales et sur une consolidation démocratique pour éviter une possible radicalisation et une binarisation progressive du jeu politique intérieur entre des forces islamistes souterraines soutenues par l’étranger et une force « néo-monarchique » des pétrodollars de la famille Aliev.
Notes
[1] La citation originelle de Karl Marx beaucoup moins anticléricale que telle qu’elle a été présentée ultérieurement et récupérée par le régime soviétique est la suivante : « la religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple ».
[2]Mir Djafar baghirov (1896-1956), premier secrétaire du parti de 1933 à 1953, originaire de Qouba, est un proche de Laurenti Béria (1899-1953) et un pur produit de la “korenizatsia” (ou “indigénisation”) et exécuteur zélé de l’épuration qui éliminera presque tous les cadres instruits de l’Azerbaïdjan.
[3]Antoine Constant, L’Azerbaïdjan, Karthala, Paris, 2002.
[4]Arif Yunusov, Islam in Azerbaïjan, Ibid.
[5] Bennigsen Alexandre, Les musulmans oubliés, l’Islam en Union soviétique, Paris, Payot, 1981.
[6]Il en devient membre de plein droit en 1982 et il est le premier musulman à occuper un tel poste.
[7] Morgan Caillet, Transmission des pratiques et des connaissances islamiques en Azerbaïdjan et restructuration du paysage religieux, sous la direction de Camille Tarot, UFR de Sociologie, Université de Caen, 2006.
[8]Le Comité d’État au Travail avec les Organisations Religieuses (CETOR) est créé le 21 juin 2001 par le décret présidentiel n°512 de Heydar Aliev et dirigé au départ par Rafiq Aliev. Il est instauré sur la base du Conseil aux affaires religieuses du cabinet des ministres d’Azerbaïdjan et va peu à peu supplanter le Bureau des musulmans du Caucase de Allahshükür Pashazade.
[9] Le Bureau des musulmans du Caucase (BMC) est une institution héritée du règne de
Catherine II au XIXème siècle, la Direction spirituelle des Musulmans du Caucase, et qui a
perduré jusqu’à maintenant
sous des formes et des appellations différentes, visant à contrôler politiquement le clergé et
impose la politique islamique de la région.
[10] Le sigle DEVAMM correspond à son appellation en langue azérie : Dini etiqad va vidjdan
azadliqlarinin mudafia markazi.
[11] “As-sahva al-islamiyya “en arabe.
[12] Yunusov Arif, The islamic factor in Azerbaijan, Ibid, p 77.
[13] Altaï Geyushov et Kanan Rovshanoglu, A brief history of salafism in Azerbaïjan, Bakou
Research Institute, 2018.
[14] Olivier Roy, La sainte ignorance, Le Seuil, 2012, 384p.
[15] Selon Arif Yunusov, Abou Muslim conduit les salafistes du nord-est (Qouba, Khachmaz et
Goussar); Motassim cux du centre du pays (de Gandja à la frontière géorgienne); Al-Talib au
Nakhitchevan; et Nasreddin à Bakou et dans la péninsule d’Apchéron.
[16] Altaï Geyushov et Kanan Rovshanoglu, A brief history of salafism in Azerbaïjan, Ibid.
[17] Gamet Suleymanov, né en 1970, effectue ses études à l’Université de Khartoum au Soudan
et devient le premier Azerbaïdjanais à être diplômé de l’Université islamique de Médine en
Arabie Saoudite en 1998 avant de devenir imam de la mosquée Abou Bakr, centre salafiste
de l’Azerbaïdjan.
[18] Faisant deux morts et onze blessés dont Suleymanov lui-même, cet attentat cause la mort
de Mollachiyev en septembre au Daghestan dans la traque engagée contre son groupe par
l’État avec le soutien des services de sécurité russes et des arrestations de masse conduiront
à des condamnations diverses en octobre 2009.
[19] Entretien avec Nariman Qasimoglu en date du 23/09/2021. Nariman Qasimoglu est un
universitaire orientaliste azerbaïdjanais et traducteur du Coran en langue azéri. Il a été
autrefois porte-parole du Front populaire d’Azerbaïdjan et directeur du Centre pour la
Religion et la Démocratie.
[20]Mirza Fath Ali Akhundov (1812-1878), traducteur, professeur de russe et de persan, fonctionnaire impérial issu d’une famille de religieux, introduit le genre théâtral en Azerbaïdjan sous forme de comédies stigmatisant l’obscurantisme de la petite noblesse terrienne et le parasitisme des mollahs. Il critique ouvertement les mœurs et la justice féodale de la société traditionnelle et il est le précurseur d’un modèle de société sécularisée et de la littérature d’expression turcophone tout en se reconnaissant une appartenance au monde perse. Il est une référence éminente du nationalisme azerbaïdjanais.
[21] Pour de plus amples renseignements sur la politique clanique azerbaïdjanaise, lire Viatcheslav Avioutskii, Les clans en Azerbaïdjan, Le courrier des Pays de l’Est, 2007/5, n°1063, p.67-79.
[22]Il est réélu président à vie lors du 11ème congrès du 29 juillet 2003.
[23]Tous les textes officiels relatifs à la politique religieuse des autorités azerbaïdjanaises sont consultables à l’adresse suivante : https://scwra.gov.az/az/view/pages/302.
[24] Bayram Balci, Le renouveau islamique en Azerbaïdjan entre dynamiques internes et influences extérieures, Les Études du CERI – Sciences Po, n°138, octobre 2007 ; Arif Yunusov, The islamic factor in Azerbaidjan, Institute for Peace and Democracy, Adiloglu, Bakou, 2013.
[25] Arif Yunusov, The islamic factor in Azerbaijan, Ibid.
[26]Svante E.Cornell, The politization of islam in Azerbaijan, Silk Road paper, 2006.
[27] Sur les 12 000 Tchétchènes réfugiés vivant dans le pays avant 1999, qui étaient loin
d’appartenir tous à la mouvance salafiste, il n’en restait plus que 2500 en 2007.
[28]Certains sont arrêtés et rasés de force par exemple.
[29]Arif Yunusov, The islamic factor in Azerbaijan, Ibid.
[30] Après 2012, on dénombre 300 Azéris en Afghanistan et Pakistan et 1000 en Syrie dont 300
sont morts, 109 envoyés en justice et 310 privés de leur nationalité. Il faut y ajouter 300
femmes et enfants toujours en Syrie actuellement et 20 enfants et quelques femmes revenus
en Azerbaïdjan. 10 femmes ont été capturées à Telafer en Irak et y font de la prison à vie.
[31]Yunusov Ariv, The islamic factor in Azerbaijan, Ibid, p 37.
[32]En novembre 1999, Heydar Aliev gracie et libère les activistes du PIA dans l’espoir que leur influence fasse contrepoids au développement d’un salafisme radical dans le pays.
[33] Raoul Motika, Islam in post-soviet Azerbaijan, Archives de sciences sociales des religions,
n°115, EHESS, juillet-septembre 2001.
[34]Il n’est pas inutile de rappeler que la femme d’Ilham Aliev a été nommée première vice-présidente de la République en 2017.
[35]Par le biais des offrandes des croyants dans les ihsan kutusu ou « boite à charité » mais aussi d’une exploitation croissante de ces lieux à des fins touristiques.
[36] Bayram Balci, Le renouveau islamique en Azerbaïdjan entre dynamiques internes et influences extérieures, Ibid.
[37]En 2010, Fethullah Gülen condamne les actions d’Erdogan notamment l’envoi de la « Flottille de la Paix » au large de Gaza. Opposé à la violence et à l’insubordination à l’autorité, il appelle ses disciples à rester à l’écart de ces initiatives et de n’apporter une aide aux habitants qu’avec l’accord des autorités israéliennes. Cette prise de position l’a exposé à la répression d’Erdogan et à l’opposition des forces pro-islamistes turques et du Moyen-Orient. Par ailleurs, la tentative de coup d’État du 15 au 16 juillet 2016 contre Erdogan a fait l’objet d’une accusation de l’État contre Fethullah Gülen.
[38]L’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) a pris le nom d’Organisation de la Coopération Islamique en 2011.
[39]En juillet 2018, Yunus Safarov ouvre le feu sur le maire de Gandja Elmar Valiyev connu pour son attitude tyrannique et ses décisions arbitraires contre lesquelles l’État n’est jamais intervenu. Devant le soutien populaire dont il bénéficie, l’État va s’engager dans une répression sanglante contre les croyants et le MUM, qui n’entretient pourtant aucun lien avec l’affaire, en prétextant une lutte contre le radicalisme islamique et une tentative de « coup d’État ».
[40]On aura noté les visites de mosquées des villes libérées, les déclarations selon lesquelles le premier appel à la prière est délivré après 27 ans d’occupation, les remerciements à Allah pour la victoire militaire aussi bien que les lancements de reconstruction de mosquées comme à Shousha.
[41]Altaï Geyushov, The Azerbaijani Government’s Islamic Rhetoric during the Six-Week War in Karabakh, Baku Research Institute, février 2021.
[42] La couverture médiatique azerbaïdjanaise des lendemains de la seconde guerre du Karabakh a largement mis en avantle combat des soldats de confession juive contre les Arméniens sur fond de commerce d’armement avec Israël, et la minorité oudine sert utilement le pouvoir en place à revendiquer de nombreux édifices religieux en rappelant l’ancienneté du christianisme dans le pays.
[43]En 2017, les sources pro-gouvernementales azerbaïdjanaises parlaient de 30 000 pèlerins venus d’Azerbaïdjan pour l’Arbaïn à Kerbala.
[44]À la suite de la tragédie de la Mecque en 2015, catastrophe la plus meurtrière du Hajj, et la mort de 769 à plus de 2 000 personnes (l’Iran parle de 4 500 morts dont 10 % d’Iraniens) et à la subséquente aggravation des relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran qui a mené au refus saoudien d’attribution de visas aux Iraniens, l’Iran s’est lancé dans une promotion du pèlerinage de l’Arbaïn comme alternative au Hajj.
[45]Kanan Rovshanoglu, Azerbaijani Shi’is and the Arbaeen pilgrimage, Baku Research Center, avril 2018
[46]Altaï Geyushov, A brief description of Azerbaijani Nationalism from its inception to today, Baku Research Center, septembre 2021.
Mosquée Bibi-Eybat, Baku, Azerbaïdjan, Ludvig14, CC BY-SA 4.0