Le 18 décembre 2013, des heurts ont éclaté dans la ville de Ghardaïa, située à 600 kilomètres au sud d’Alger, au cœur de la vallée du Mzab qui figure sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité, alors que des citoyens protestaient et réclamaient un logement social. Des pillages s’en sont suivis, ce qui a déclenché, dès le lendemain, une grève de protestation contre l’insécurité. Quelques jours après, alors qu’une patrouille de police avait été attaquée à l’arme blanche par des personnes cagoulées, les premiers affrontements entre Mozabites, berbères musulmans de rite ibadite et Chaambis, arabes musulmans de rite sunnite malékite ont commencé.
Les deux mois de troubles ont été à l’origine de 4 morts, 300 blessés, près de 400 familles sans abris, une grève de 14 jours, des enfants sans école et de nombreuses poursuites judiciaires.
Concernant les raisons de ces violentes altercations, de nombreuses hypothèses ont été avancées. Certains avancent la théorie du complot, de l’ingérence d’ONG internationales, d’une main mise étrangère arabe des pays du Golfe pour imposer le courant wahhabite dans une région où le Front islamique du salut (FIS) n’avait récolté aucune voix dans les années 1990, ou encore de parties étant à l’intérieur du pays.
D’autres envisagent la thèse de la mafia de la drogue et celle du foncier ne serait pas à exclure. Les villes nouvelles, en majorité arabes, s’étendent autour de Ghardaïa et les mozabites se sentiraient en danger.
Enfin, ceux qui considèrent qu’il ne s’agit pas d’un conflit ethnique ou confessionnel, mettent en avant la défaillance de l’Etat. En effet, certaines vidéos mises en ligne montrent des manifestants arabes se protégeant derrière des policiers, ce qui constituerait une preuve, selon leurs adversaires, d’un parti pris des forces de l’ordre.
Selon le premier ministre Abdelmalek Sellal qui s’est rendu à Ghardaïa début janvier 2014 pour célébrer le Mawlid Ennabaoui (naissance du prophète Mahomet), il n’y aurait aucun problème entre ibadites et malékites. Il a rencontré des représentants des deux communautés.
Pourtant, au delà des « rentrez chez vous » adressés aux mozabites, le mausolée de Ammi Saïd (cheikh de Ghardaïa de 1450 à 1432) a été détruit, des tombes ibadites ont été profanées et l’office pour la protection de la vallée du Mzab (OPVM) a été incendié, ce qui a causé la destruction de 60% des archives qui s’y trouvaient et par là, la destruction de la mémoire architecturale du Mzab.
Selon Mohamed Sadek, un jeune universitaire dont les paroles ont été rapportées par Mourad Allal, dans son article « La vie reprend ses droits » paru le 25 février 2014 dans l’Econews, « durant des années, des prêches injurieux à l’égard des ibadites ont été diffusés dans les mosquées du courant malékite de Ghardaïa. »
En 2009, une lettre adressée au Président de la République et aux plus hauts responsables de l’Etat, signée par plus de 4000 personnes, demandait l’officialisation du rite ibadite et la nécessité de le préserver en lui accordant un cadre juridique. En effet, le rite ibadite n’est pas enseigné dans les établissements scolaires publics et les écoles privées ne reçoivent pas de réelles subventions.
A l’issue de ces événements, de nouvelles organisations ont émergé comme la Coordination de la Société civile pour la Renaissance du Malékite et une Coordination de Suivi mozabite, l’Assemblée des Jeunes Malékites et le Mouvement des Jeunes Mozabites Libres.