Fiche récapitulative
- Public : Tout public - Pays concerné : Mali - Thématiques : culture dogon, interculturalité |
Né en 1976 en pays Dogon, au Mali, Hamidou Dara, après ses études supérieures, devient « guide-conteur ». Il a ainsi pu rencontrer de nombreux touristes souhaitant découvrir la culture dogon dans une région classée patrimoine mondial par l’UNESCO. Habitant aujourd’hui à Vendôme (41) et travaillant dans une bibliothèque, son premier roman émane de sa volonté de partager sa culture dans toute sa complexité.
Carsten ten Brink, Falaise de Bandiagara, 2006, Flickr, CC BY NC ND 2.0
En longeant la falaise de Bandiagara, vous arriverez sûrement au village de Bamba, surtout connu pour sa mare aux poissons sacrés, Antogo. Une fois l’an, une grande fête traditionnelle est organisée autour d‘une frénétique pêche collective. On se bouscule, on se piétine, on s’arrache le poisson, on le garde en bouche quand la nasse est pleine. Mais cette année-là, on repêcha aussi un corps : celui d’un jeune touriste français qui participait à l’événement. Ce voyageur était accompagné du Magnifique, son guide, qui lui aussi fut retrouvé mort. Effroi et émoi envahirent la falaise…
Le capitaine Apanga Ongoïba, l’un des rares Dogon de la police judiciaire malienne, fut rapidement envoyé sur place, accompagné de Macha Hernault, également capitaine de police, mais française – l’Ambassade de France ayant diplomatiquement proposé son « assistance technique ». Le capitaine malien fera face aux silences, aux contes elliptiques et aux tortueux codes Dogon avec tout son flegme, quand la curiosité, l’étonnement, mais aussi l’impatience de son acolyte seront diversement compris. Alors, morts naturelles ou morts provoquées ?
L’ouvrage est d’une incroyable richesse dans sa description du pays dogon et de ses coutumes. L’enquête policière n’est qu’un prétexte pour explorer des thématiques plus complexes ayant trait à l’interculturalité.
En premier lieu, le binôme d’enquêteurs apporte deux visions très antagonistes pour comprendre le monde. Le capitaine Panga est la clé d’accès à deux modes de fonctionnement différents comme le résume très bien cette citation extraite du roman :
« Il était coincé entre deux systèmes d’intelligence du monde : la rationalité européenne qu’elle incarnait, jamais apaisée, fatigante dans sa quête éperdue d’explication et l’animisme holistique des anciens, moulé à partir de siècles d’expériences et d’observations mais aussi, il fallait bien l’admettre, d’une certaine forme d’ignorance « scientifique » ».
Au-delà des personnages, c’est au lecteur de s’adapter à une écriture emplie d’humour, de légendes et de décalages. La réflexion sur la place de la culture et des traditions dans un monde de bouleversements, notamment au Mali, prend toute sa place et donne au lecteur des pistes pour réfléchir sur les antagonismes tels que la modernité et la tradition, la ville et la ruralité, les anciennes et les jeunes générations ou encore l’arrivée de l’islam et les changements que cette religion amène dans les coutumes locales et animistes.
On peut alors se questionner : peut-on cohabiter lorsque nos systèmes de pensées sont diamétralement opposés ? Comment dépasser l’incompréhension et travailler sur un vivre-ensemble respectueux de toutes les individualités ?
Pour en découvrir plus sur les falaises de Bandiagara (pays Dogon), la description réalisée par l’UNESCO offre une vision complémentaire à celle développée dans le roman.
Par Élora Hervé