Fiche récapitulative
- Public : à partir de la fin du collège - Sujets traités : Djihadisme ; Camps de réfugiés ; Guerre ; Enfance |
Né en 1971 au Maroc, Rachid Benzine est un islamologue et écrivain, une des figures de l’Islam libéral français. Son parcours est traversé par un engagement interreligieux.
Il est chercheur-associé au Fonds Paul Ricoeur, au sein de l’Institut protestant de théologie de Paris. Ses travaux de recherche portent sur l’herméneutique coranique contemporaine, et prônent une exégèse historico-critique et ouverte du Coran.
Ses œuvres de fiction mettent en avant la puissance des récits et des imaginaires. Dans Nour, pourquoi n’ai-je rien vu venir? (2016), il imagine un dialogue épistolaire fictif entre un père universitaire, philosophe et islamologue, et sa fille partie faire le Djihad. La confrontation de leurs profonds désaccords permet de déconstruire l’idéologie de Daesh et sa construction rhétorique.
Fabien, petit garçon de sept ans de Sarcelles, et narrateur de ce récit, aime le football, son instituteur et la poésie, surtout celle de Jacques Prévert. Un jour où il devait lire ses propres poésies devant sa classe, ses parents, nouvellement convertis, l’emmènent à Raqqa, en Syrie, pour y faire le Djhad. Fabien est renommé Farid puis formé par les lionceaux du Califat. Il découvre la vie quotidienne dans l’État islamique, l’embrigadement des enfants, les échos de la guerre et les désillusions de ses parents avant d’échouer dans un camp syrien, où se termine son enfance.
Le narrateur pose un regard enfantin et innocent sur la brutalité de l’État islamique et des camps syriens. Il fait persister son enfance grâce à la poésie et au football. Mais ces remparts subissent jusqu’au bout les assauts du réel, du froid, de la boue et de l’horreur du camp. Ce conflit se joue d’abord dans les imaginaires. Dans celui de Fabien, Prévert l’emporte sur l’enseignement du califat.
Le ton enfantin tranche avec la brutalité de la guerre et des camps syriens. Il nous rappelle que les enfants des djihadistes sont d’abord justement cela, des enfants, confrontés à l’horreur. Il n’y a pas de violence dans le regard du narrateur, hermétique aux idéologies meurtrières de Daesh, mais beaucoup d’incompréhension : “Je comprends pas pourquoi on prend des petits dans la guerre. Et dans ce camp. C’est pas fait pour eux la guerre. C’est pour les grands. Et même les grands. Quand je repense à papa… Je sais que lui non plus ne l’aimait pas cette guerre. C’est cruel une guerre. Et j’ai toujours pas compris pourquoi on se battait”.
Ce roman poignant est un magnifique plaidoyer pour le rapatriement des enfants de djihadistes détenus dans des camps syriens. Il nous oblige à prendre en compte leur vécu dans les débats épineux sur leur sort. Rachid Benzine interpelle la France face à sa responsabilité vis-à-vis de ces enfants doublement victimes, à la fois de leurs parents embrigadés dans le djihadisme, et de l’État qui n’autorise pas leur retour.
Evdokia MOSKVINA, Forbidden children, 2019.
Rachid BENZINE, Les nouveaux penseurs de l’islam, Albin Michel, 2004.
Rachid BENZINE, Le Coran expliqué aux jeunes, Seuil, 2013.
Rachid BENZINE, Christian DELORME, La République, l’Eglise et l’Islam. Une révolution française, Bayard, 2016.
Rachid BENZINE, Nour, pourquoi n’ai-je rien vu venir ?, 2016.
Delphine HORVILLEUR, Rachid BENZINE, Des mille et une façons d’être juif ou musulman, 2017.
Omar Youssef SOULEIMANE, Le petit terroriste, 2018.
“France violated rights of French children detained in Syrian camps”, UN News, 2022.