Roraima : les orpailleurs expulsés des terres yanomami
Les orpailleurs, dont l’activité s’est fortement accrue sous la présidence de Jair Bolsonaro, sont maintenant délogés pas l’armée et par les services de l’État. Ces activités illégales menacent l’intégrité du territoire Yanomami, tribu vivant dans la forêt vierge à la frontière entre le Brésil et le Venezuela. Mis en danger par la soif incontrôlée de minerais précieux, ce peuple autochtone subit une crise humanitaire jamais vue jusque-là.
Inaction des autorités compétentes sous Jair Bolsonaro
L’ancien président du Brésil est connu pour ses positions hostiles aux peuples indígenas. Lors de son élection, il avait déclaré que pas un centimètre carré de territoire ne serait réservé aux indígenas. Ce faisant, le président s’opposait à la Constitution brésilienne, qui réserve des territoires à ces peuples natifs du continent. Malgré l’interdiction de l’exploitation (notamment minière ou agricole) des terres indígenas, l’orpaillage illégal et la déforestation ont dévasté l’Amazonie ces dernières années. L’ancien président n’a rien fait pour endiguer le problème, puisqu’il était lui-même partisan des orpailleurs et de l’agronégoce. Il a d’ailleurs placé des personnalités proches de ses positions à la tête de la FUNAI (Fondation nationale des peuples indigènes) et de l’IBAMA (Institut brésilien de l’environnement et des ressources durables). L’action de ces institutions était donc entravée à la source.
Situation critique dans le Roraima, en terre yanomami
Ces dernières années, le peuple Yanomami a tiré plusieurs fois la sonnette d’alarme. Ses terres s’étendent dans l’État du Roraima (nord-ouest du Brésil, à la frontière avec le Guyana et le Vénézuéla). Elles ont été de plus en plus exploitées par des orpailleurs attirés par la hausse du cours de l’or. Certains ont attaqué violemment les indígenas, tuant certains Yanomami qui tentaient de faire barrage et s’en prenant aux femmes et aux jeunes filles.
Ces orpailleurs sont arrivés avec leurs familles, leur matériel et leurs engins lourds, mais aussi avec du mercure. Cet élément, fortement toxique pour l’environnement, est en effet utilisé dans l’extraction de l’or. Les fleuves en sont donc contaminés. En outre, les animaux fuient les zones détruites par les orpailleurs alors que les Yanomami vivent en partie grâce à la pêche et la chasse. Au fil des années, ce peuple a donc eu de plus en plus de difficultés à se nourrir.
Début janvier 2023, des images montrant des enfants yanomami en état de dénutrition ont choqué le Brésil. En 2020, l’UNICEF estimait que huit enfants sur dix de moins de 5 ans, dans deux régions yanomami, souffraient de malnutrition chronique. La population est non seulement mal nourrie, mais également touchée par le paludisme et les infections respiratoires. Le paludisme est favorisé par les bassins d’eau créés par les orpailleurs. Le 20 janvier 2023, le gouvernement fédéral a déclaré l’état d’urgence sanitaire au Roraima.
Interventions de l’IBAMA et de la FUNAI
Après l’élection d’Inácio Lula da Silva, l’IBAMA et la FUNAI ont entrepris d’aider les Yanomami. Des colis contenant nourriture, eau potable et médicaments leur ont ainsi été largués par avion. Des centaines de Yanomami malades ont été transportés par avion jusqu’à l’hôpital de Boa Vista.
Les deux institutions ont également lancé une opération pour déloger les 15 à 20 000 orpailleurs. L’opération a commencé début février 2023, provoquant la panique parmi ces chercheurs d’or et leur fuite dans des conditions dangereuses. Ainsi, nombreux sont ceux qui se sont entassés sur des embarcations pour fuir le plus vite possible. L’armée a saisi ou détruit des réfrigérateurs, du matériel pour la vie quotidienne, un tracteur, des engins lourds, du combustible et des avions. L’IBAMA organise également des contrôles pour savoir qui fournissait illégalement du combustible d’aviation aux orpailleurs. L’objectif est de tarir toute la filière.
Les orpailleurs qui acceptent de quitter immédiatement la zone ne risquent pas de peine de prison. Le gouvernement entend ainsi ne pas punir des « innocents » qui cherchaient simplement à survivre par cette activité. En revanche, tous ceux qui s’opposeront à l’opération risquent l’emprisonnement. De même que ceux qui cherchent encore actuellement à pénétrer dans le territoire pour l’exploiter. Le gouvernement prévoit que l’opération dure au minimum six mois, voire un an.
L’exploitation illégale de l’Amazonie dépasse le cadre du territoire yanomami. Plus de mille pistes d’atterrissage non répertoriées ont été découvertes par voie aérienne. Près de 30 % d’entre elles sont situées dans des zones protégées (réserves ou territoires indígenas).
L’orpaillage : symptôme de dysfonctionnements nombreux
D’après une analyse de la revue Piauí, il faut veiller à ce que l’orpaillage cesse, sans oublier que les orpailleurs sur le terrain ne sont que le plus petit maillon de la chaîne de responsabilité. En effet, le Roraima fait face à un chômage de masse permanent et l’orpaillage était pour beaucoup la seule activité permettant de subvenir aux besoins de leur famille. Sur 600 000 habitants dans l’État, 50 000 seraient des orpailleurs, bien que l’activité soit illégale. La responsabilité finale revient aux services de l’État fédéral incapables de promouvoir une économie durable et respectueuse de la Constitution et des droits des indígenas, aux personnes qui financent le matériel d’orpaillage, mais aussi aux autorités chargées de contrôler la provenance légale de l’or. En effet, l’or est acheté au vu et au su de tous aux orpailleurs, puis revendu sur les marchés sans vérification approfondie.
Les journalistes soulignent également le rôle trouble de l’armée. Aujourd’hui aux côtés de l’IBAMA, elle est longtemps restée inactive, voire complice. Certains militaires, postés tout près des zones d’orpaillage, auraient déclaré par le passé ne pas avoir reçu l’ordre d’intervenir du ministère de la Défense. Un rapport de 2019 de la FUNAI révélait aussi que certains militaires locaux avaient des orpailleurs dans leur famille.
Enquête pour génocide contre Jair Bolsonaro
Dans la foulée de la publication des images montrant les enfants yanomami squelettiques, la Police fédérale a ouvert une enquête pour génocide. Jair Bolsonaro fait partie des hauts responsables visés par cette enquête. Il est accusé d’avoir favorisé l’orpaillage et de n’avoir pas répondu aux appels à l’aide des Yanomami. Pendant les quatre années de son mandat, 570 enfants yanomami en bas âge seraient morts de malnutrition et de maladies évitables ou soignables. En 2022, une centaine d’enfants de moins de 5 ans seraient décédés, sur une population de 30 400 indígenas.