La crise irako-syrienne a accru les fractures existantes au sein de la population kurde en Irak et en Syrie. D’un côté, en Syrie, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) est considéré comme un groupe terroriste par Ankara, malgré son rôle fondamental dans la lutte contre l’Etat islamique ; de l’autre, en Irak, le Gouvernement régional du Kurdistan (KRG) est considéré comme un allié de la Turquie. Au milieu, se trouvent les Yézidis. Ces derniers sont ethniquement des Kurdes ; pourtant, leur religion les a toujours rendus singuliers, faisant d’eux la cible régulière de persécutions dont les attaques de l’Etat islamique en 2014 ont été probablement l’épisode le plus marquant.
En 2014, lorsque les peshmergas du KRG battirent en retraite de Sinjar face aux djihadistes, ils condamnèrent par la même occasion les Yézidis qui y vivaient. Le PKK parvint alors à ouvrir un corridor d’évacuation vers les montagnes, sauvant des milliers de vie, au prix de celles d’un grand nombre de ses combattants face à l’Etat islamique. Dans la foulée, le PKK créa les Unités de résistance yézidis et les incorpora à sa branche armée, les Force de défense du peuple.
La présence du PKK dans les montagnes autour de Sinjar, puis dans la ville même lorsqu’ils la reprirent à l’Etat islamique durant l’été 2016, attira les foudres d’Ankara, qui voyait d’un mauvais oeil cette nouvelle implantation du PKK à ces frontières. Le KRG, quant à lui, y voyait une montée en puissance de son concurrent syrien.
Aujourd’hui, après avoir menacé plusieurs fois le PKK d’une offensive sur Sinjar si ses combattants ne quittaient pas la ville d’eux-mêmes, la Turquie appuie le KRG qui exige également le retrait du PKK de la zone, au risque d’affrontements.
Les Yézidis se trouvent ainsi pris entre deux feux. Reconnaissants envers le PKK pour son aide, ils ne souhaitent pas non plus être entraînés dans un nouveau conflit qui mêlerait le PKK, la Turquie et le KRG.
De plus, ils ne se retrouvent pas dans les institutions du KRG ni dans ses troupes, dont les soldats refusent de manger les plats à base de viande préparés par les Yézidis, ne considérant pas ces derniers comme des musulmans.
Les Yézidis souhaitent ainsi s’allier à une puissance qui pourrait garantir leur survie, qu’ils ne peuvent assurer eux-mêmes. La Turquie ne fait pas partie de l’équation car, à leurs yeux, les bombardements turcs contre le PKK vise à empêcher les Yézidis de retourner sur les terres qu’ils ont dû quitter lors de l’offensive djihadiste en 2014.
Ainsi, pris entre les feux du PKK et du KRG allié à la Turquie, les Yézidis, déjà entraînés dans un confit qui n’était pas le leur, se retrouvent désormais au milieu d’une querelle qui n’est, encore une fois, pas la leur.
Image : Yezidy fighters, By Kurdishstruggle