Depuis la fin de l’année dernière, la Russie aurait déployé un millier de membres des forces spéciales tchétchènes et ingouches en Syrie, dans ce qui apparaît être une montée en puissance éloquente de la présence russe sur le théâtre syrien.
En effet, au-delà de l’apport militaire incontestable qu’apporteront ces soldats sur le terrain, ces derniers ajoutent également une corde à l’arc russe : ils sont musulmans sunnites. Dans un pays où la population musulmane était composée à 78% de sunnites en 2010, le choix de ces militaires issus des régions méridionales de la Russie, majoritairement musulmanes, n’est pas anodin. Il témoigne de la volonté russe de ne pas être seulement un appui militaire et diplomatique au régime de Damas, mais également d’accroître son influence dans le pays. Ces forces spéciales sunnites sont bien mieux accueillies et perçues par les populations locales, et savent s’adapter plus facilement à ce théâtre d’opération. De fait, ces soldats sunnites se sont vus remettre des guides de poche leur expliquant comment entretenir des bonnes relations avec les Syriens, incluant du vocabulaire arabe et des versets du Coran afin de saluer amicalement leurs interlocuteurs ; ainsi, ces soldats ne présentent pas seulement un atout militaire pour la Russie, mais également un atout diplomatique.
Étendre son influence religieuse en Syrie permet également à Moscou de gagner en puissance face à ses alliés syriens et iraniens, avec lesquelles quelques dissensions ont été notées, notamment lors du siège d’Alep fin 2016. En effet, le régime syrien doit sa survie en grande partie au Hezbollah, aux milices soutenues par l’Iran ainsi qu’aux troupes iraniennes déployées en Syrie, au premier rang desquelles la force Al-Qods. Ces troupes, toutes chiites, sont souvent mal perçues par les civils sunnites, qui y voient une tentative de l’Iran d’accroître davantage encore son influence en Syrie ; le sentiment d’un « décalage » entre le gouvernement en place et la population syrienne n’en est, par ailleurs, que davantage renforcé. Disposer de troupes sunnites sachant « cohabiter » avec les Syriens est un véritable atout pour Moscou.
L’utilisation à des fins géopolitiques par Poutine de ses provinces musulmanes, notamment la Tchétchénie, n’est pas une première. Le Chef de la République de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, soutien fidèle du Président Poutine, a souvent servi d’interlocuteur privilégié entre Moscou et les pays arabes sunnites, effectuant des visites d’État au nom de la présidence russe et attirant des investisseurs du Golfe en Russie.
Image : By Yana Amelina (Амелина Я. А.) – Yana Amelina (Яна Амелина), CC BY-SA 3.0