Le 22 Mai 2017, vers 22h30 heure locale, un jeune homme musulman britannique de vingt-deux ans a activé l’engin explosif qu’il portait dans le hall d’entrée de Manchester Arena. A la fin d’un concert d’Ariana Grande, il a ainsi tué vingt-deux personnes et en a blessé 116, dans un public majoritairement composé d’enfants et d’adolescents. Survenu exactement deux mois après l’attaque sur le pont de Westminster, cet attentat est l’un des plus meurtriers au Royaume-Uni depuis celui du métro de Londres en 2007.
Le 28 Mai 2017, la radio américaine NPR a publié un entretien avec l’Imam Irfan Chishti de la Manchester Central Mosque et l’Evêque de Manchester David Walker. Après avoir mené une marche en partance de la Cathédrale de Manchester, les deux hommes tenaient un discours similaire, avec une volonté d’unité affichée. Leur entretien soulève une grande question : comment agir en tant que leaders religieux dans une telle période de crise ? Quel est leur rôle ? Que dire aux fidèles ? Pour l’Imam Chishti, la difficulté réside dans le fait qu’un événement comme celui-ci ternit l’image de la religion musulmane. S’il tente de rassurer autour de lui en défendant un islam respectueux et ouvert sur le monde, il n’en reste pas moins que la grandissante radicalisation islamiste inquiète, et ce d’autant plus qu’une fois encore, elle provient de l’intérieur : l’assaillant est né et a grandi au Royaume-Uni. Mais la situation n’en reste pas moins complexe à gérer pour la communauté chrétienne également : pour l’Evêque Walker, il s’agit d’une attaque délibérée contre un style de vie et un type de société, une tentative de division à laquelle il ne faut pas céder malgré une méfiance et une inquiétude accrue.
La symbolique rassembleuse d’une marche menée par les leaders des trois grandes religions monothéistes suffit-elle à apaiser une peur généralisée ? Si cet imam et cet évêque se veulent rassurants et appellent à l’unité, il faut néanmoins se demander quel rôle ils peuvent jouer, en tant que figure d’autorité, pour limiter la radicalisation religieuse et éviter la division de la société multiculturelle britannique. Face à des rumeurs – ou des faits ? – d’imams prêchant des propos extrêmes, que peux faire un imam de l’islam dit « modéré » ? La difficulté est double : rassurer une société qui devient méfiante vis-à-vis des musulmans tout en évitant la scission de sa propre communauté. Pourtant, l’Imam Chishti comme l’Evêque Walker sont d’accord sur un point : c’est dans ces moments de crise qu’ils ont le plus à jouer en tant que leaders religieux. Car c’est aussi dans ces moments qu’ils se sentent au plus près de leur dieu et qu’ils trouvent au mieux les mots et les gestes pour accomplir leur devoir : être là pour ceux qui ont perdu des proches.
Image : aleksejh CC0 Public Domain