Près d’un an après le débat sur le burkini en France, le gouvernement marocain vient d’interdir la fabrication et la vente de burqas sur son territoire national. En tant que voile couvrant intégralement le corps et le visage des femmes, le port de la burqa constitue un choix religieux personnel pour les musulmans, tandis que, parallèlement, le courant wahhabiste en a fait une obligation. Au Maroc, des raisons de sécurité ont été avancées par le ministère de l’Intérieur pour justifier cette interdiction, la burqa masquant intégralement l’identité des citoyens qui pourraient ainsi commettre des crimes impunément.
Cependant, alors que le gouvernement du modéré Saad El Othmani est actuellement au pouvoir, c’est principalement le potentiel symbolique de ce vêtement religieux que les autorités tentent de dissocier du Maroc. La burqa est en effet liée à la récente diffusion de l’islam salafiste au Maroc, notamment à cause du nombre accru de Marocains rejoignant l’organisation Etat Islamique.
Moha Ennaji, spécialisé en Cultural Studies, rappelle l’évolution du port du voile au Maroc, de la djellaba dans les années 1940 à l’influence progressive du hijab et du niqab à partir des années 1980, sous l’influence de l’Arabie Saoudite. Entre opposants salafistes ou ultra-démocrates à cette décision et soutiens féministes du gouvernement, est ainsi mis en lumière le paradoxe d’un Maroc divisé sur le plan religieux et culturel.
Cet article reflète parfaitement la lutte religieuse intérieure au Maroc, entre la façade gouvernementale d’un islam modéré et compatible avec la démocratie, et l’influence grandissante du wahhabisme au sein de la société civile marocaine. N’assistons-nous pas depuis quelques années à une régression des mentalités sous influence d’un islam conservateur venu de l’est, et ce, aux dépens de la grande diversité des islams marocains ?
Par ailleurs, l’auteur démontre que le gouvernement de Mohammed VI place cette lutte contre l’extrémisme au coeur de sa politique religieuse, allant même à l’encontre du droit des femmes à disposer d’elles-mêmes pour certains. Malgré tout, cette volonté apparente du Maroc de masquer sa lutte contre le salafisme semble s’inscrire dans une politique diplomatique d’alliance avec les pays du Golfe. C’est pourquoi ce frein à l’emprise wahhabiste sur le Maroc s’effectue sous couvert de sécurité intérieure quant à la communication du Ministère de l’Intérieur. Cet article pose donc la question essentielle de la compatibilité entre entente diplomatique et économique et la diffusion de l’islam salafiste dans les pays du Maghreb.
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