La commission diocésaine de Dungu Doruma Justice et Paix a publié un communiqué le 12 juin 2017 au sujet d’attaques successives de rebelles Ougandais affiliés, selon la source, à la LRA (Lord’s Resistance Army) à l’ouest du parc national de la Garamba (11 juin) et sur la position militaire de Bambangana (12 juin) en RDC. C’est Radio Okapi, organe de presse de la MONUSCO qui relaie l’information le 13 juin 2017 : selon l’abbé Jean-Pierre Bagudekia, les attaques s’accompagnent de pillages, meurtres, enlèvements ou encore prises d’otages et selon d’autres témoins de la région d’attaques et de pillages des carrières minières.
La structure de l’Eglise catholique s’inquiète de cette reprise présumée de l’activité des LRA quand, quelques jours plus tôt, le 10 juin, M. Guterres, secrétaire général des Nations Unies, exhortait les acteurs nationaux, régionaux et locaux de la région à tout faire pour éviter que les rebelles ougandais de la LRA profitent « de l’appel d’air » créé dans le sud-est de la République centrafricaine par le retrait de l’armée ougandaise et des forces spéciales américaines qui étaient venues pour traquer, sans succès, Joseph Kony, le chef de la LRA.
Aux origines de la LRA
La Lord’s Resistance Army est née en 1986 à partir de la rébellion millénariste menée par Alice Lakwena (qui signifie « messager », son vrai nom étant Alice Auma), le Mouvement du Saint-Esprit (Holy Spirit Movement) qui sera vite remplacé par l’Armée de résistance du Seigneur (ARS en français) de son prétendu cousin Joseph Kony. Alice Lakwema prêchait la purification du pays dans sa « guerre contre la guerre » et promettait à ceux qui la rejoignaient d’être protégés des balles dans les batailles et les assurait de 200 ans de paix à la suite de la victoire. Joseph Kony quant à lui s’est toujours dit dirigé par des esprits et inspiré par les commandements de la Bible, qu’il entendait mettre en place en renversant Yoweri Museveni, président de l’Ouganda. Bien que la LRA soit aujourd’hui considérée comme à l’agonie, ne rassemblant plus que quelques centaines de personnes, le secrétaire général des Nations Unies et de l’OCHA (Bureau de la coordination des affaires humanitaires) s’inquiète que « les affrontements prennent de plus en plus une connotation religieuse et ethnique ». Cette inquiétude se fonde en partie sur la crainte de l’extrémisme religieux teinté d’une violence extrême des membres de la LRA, surnommés les otontong (« coupeurs »).
Depuis sa naissance, la LRA manie, instrumentalise et réinterprète le christianisme en le liant à la magie et aux tensions politiques et ethniques de la région. Celles-ci sont de différentes natures : la tension religieuse en Ouganda est notamment héritée de la période coloniale britannique qui s’appliqua à exacerber les tensions entre le nord et le sud du pays et pendant laquelle l’appartenance religieuse conditionnait l’accès aux ressources économiques du pays. Cependant, il faut rappeler que selon l’ethnologue Heike Behrend (La guerre des esprits en Ouganda Le mouvement du Saint- Esprit Alice Lakwena 1985-1996), ces tensions sont également l’expression de cette Afrique qui « continue à inventer, dans un dialogue avec Dieu, les dieux et les esprits, sa propre modernité ». Loin de vouloir alimenter les stéréotypes des images coloniales du « sauvage violent et guerrier » ou d’appuyer (à son insu) des campagnes controversées (comme a pu l’être celle de Insivible Children, voir ci-après), l’auteur revient sur la réalité du terrain dans laquelle se mêle « la politique et le salut, la guerre et la sorcellerie, les esprits impurs et Esprit Saint, le Diable et le bon Dieu. »
Quidquid agis, prudenter agas et respice finem
Il est toujours difficile d’écrire sur la LRA sans tomber dans le sensationnalisme, l’essentialisation ou la folklorisation des raisons qui ont entraîné la création de cette milice ou sans être partie prenante à son insu d’un discours nauséabond. Rappelons donc à cet effet que depuis 2006, la LRA a quitté l’Ouganda et sévit depuis lors en République démocratique du Congo (RDC), en République centrafricaine, au Soudan du Sud et, selon certaines informations, au Soudan. Rappelons également que Joseph Kony fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour douze chefs d’accusation de crimes contre l’humanité (dont le meurtre, la réduction en esclavage, l’esclavage sexuel, le viol et des actes inhumains dont des attentats à motivation ethnique ou religieuse) et de vingt-et-un chefs d’accusation pour crimes de guerre (dont meurtre, traitements cruels à l’encontre de civils, attaque contre une population civile, pillage, encouragement au viol et enrôlement, après leur enlèvement, d’enfants âgés de moins de 15 ans.)
Image : Ugandan Soldiers, By the United States Marine Corps with the ID 120228-M-CF241-480 , Public Domain