Le site BBC Brasil, la version brésilienne du média anglais, nous relate ici un fait divers qui s’inscrit dans un contexte tout particulier. Le premier février dernier à Cuibim (Amazonie), un corps calciné a été retrouvé dans une voiture. Un autre homme a disparu sans que le corps n’ait jamais été retrouvé. Trois de leurs compagnons, qui étaient là au moment des faits, font aujourd’hui partie du programme de protection des témoins. Ils sont en effet sous la menace de représailles car pris dans une histoire hautement sensible. Ces hommes sont des activistes du Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem Terra (MST), le mouvement des travailleurs ruraux sans terre, mouvement qui regroupe des petits paysans, des indigènes… Des partisans d’une répartition plus juste des terres, notamment en Amazonie.
Ils s’opposent à un groupe composé en majorité de grands propriétaires terriens, ceux des latifundios par exemple, ces propriétaires qui détiennent des espaces faisant la taille d’un département français. Soutenu par le puissant lobby de l’agrobusiness, ce groupe dispose à ses côtés d’alliés divers, comme des officiers de la police ou des politiques locaux. Parmi les suspects qui sont amenés à comparaître courant août, on retrouve d’ailleurs un propriétaire terrien et trois policiers. L’origine de ce conflit est très ancienne, la délimitation des terres étant un facteur de tension au Brésil.
Des justiciers meurtriers
Pourtant, ce jugement est très rare. Les cas qui sont présentés devant la justice et qui aboutissent sont d’une extrême faiblesse. Depuis 1985, six affaires sur cent ont été jugées selon les données de la Comissão Pastoral da Terra. Les autres ayant été classées sans suite faute de preuves ou parce que le corps était introuvable. Ce conflit est tout à fait asymétrique, le MST est un mouvement pacifiste qui fait face à un ennemi très puissant, aux méthodes qui n’ont rien à envier à celles utilisées par les cartels de la drogue mexicains.
C’est dans l’Amazonie qu’ont lieu la plupart des cas : neuf sur dix pour être précis. Dans cette région gigantesque, difficile d’accès et où les communications ne passent pas, le pouvoir de l’État est peu présent. La justice prend alors des allures de Far West. Pour mettre fin aux actions du MST, certains groupes, avec la bénédiction du lobby agrobusiness, ont décidé de se faire justice eux-mêmes. Ce conflit, peu médiatisé car étant à l’ombre de la crise politique brésilienne, est pourtant très meurtrier.
Image : MTST ocupa CRAS, By Mídia NINJA, CC BY-NC-SA 2.0