Dans son communiqué du 4 septembre 2017, Human Rights Watch (HRW) rappelle les arrestations et/ou condamnations de membres d’Al Ahmadiyya. La position de l’Etat algérien, selon laquelle ils représenteraient une menace pour la religion sunnite majoritaire, a été dénoncée par HRW. En effet, Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à HRW, a affirmé que « la persécution des Ahmadis, ainsi que le discours de haine proféré par des ministres du gouvernement, montre une intolérance envers les croyances minoritaires, qu’elles se disent islamiques ou non. »
Intimidations, confiscation de biens et suspensions de fonctionnaires
HRW affirme s’être entretenue avec six personnes de confession ahmadie traduites en justice dans plusieurs régions du pays. L’ONG s’est aussi entretenue avec leur représentant algérien. Les dossiers d’accusation de trois procès ont aussi été consultés. Elle cite le nombre de 266 membres d’Al Ahmadiyya traduits en justice. Néanmoins, le nombre avancé par leur président n’a pu être confirmé auprès d’une source indépendante.
De plus, certains ont été mis en examen et placés sous contrôle judiciaire, ce qui les contraint à se rendre régulièrement au tribunal pour signer un registre.
La confiscation des livres religieux, des documents sur les croyances ahmadies, des ordinateurs, des cartes d’identité et des passeports lors des fouilles par les autorités a également été rapportée. Des diplômes universitaires auraient même été confisqués sans être restitués.
Par ailleurs, 17 suspensions de fonctionnaires de leurs postes ont été rapportées à HRW, qui a consulté 5 arrêtés de suspension. Les poursuites judiciaires en cours étaient les seuls motifs donnés.
Enfin, le 2 juin 2016, les gendarmes et les autorités municipales sont venus démolir le bâtiment que la communauté ahmadiyya faisait construire à Larbaa, à Blida, pour s’y réunir et prier.
Les condamnations du président d’Al Ahmadiyya en Algérie dénoncées par HRW
Mohamed Fali est le président de Jamaa Islamiya Ahmadiyya (communauté islamique Ahmadiyya) en Algérie. Il est poursuivi dans le cadre de six procédures judiciaires distinctes. Les poursuites ont été engagée à Blida, Chlef, Mostaganem, Boufarik et Sétif. D’autres Ahmadis font aussi l’objet de plusieurs procédures judiciaires.
Arrêté le 2 juin 2016, il a été interrogé et détenu cinq jours dans le centre de détention de la gendarmerie de Blida. Par ailleurs, son ordinateur et sa littérature religieuse ont été confisqués. Le tribunal de première instance de Blida l’a finalement placé en liberté provisoire.
Le 31 janvier 2017, M. Fali, qui avait huit coaccusés, a été condamné par contumace alors qu’il était détenu pour une autre procédure. Le tribunal a prononcé une peine de six mois de prison et une amende de 200 000 dinars (1 500 €). Le procureur de Blida l’a inculpé pour « appartenance à une association non autorisée, collecte de dons sans autorisation et possession et distribution de documents d’origine étrangère et nuisant à l’intérêt national ».
Alors provisoirement détenu pour 3 mois, de février à mai 2017, il a été condamné par le tribunal de Chlef le 22 mai 2017. La condamnation est d’un an de prison avec sursis et 500 000 dinars (3 750 €) d’amende pour les mêmes infractions que lors du procès de Blida. L’inculpation de « dénigrement du dogme ou des préceptes de l’islam » a été ajoutée.
Alors qu’il était détenu à Chlef, le tribunal de Mostaganem l’a condamné par contumace à trois ans de prison ferme et 50 000 dinars d’amende, le 15 février 2017. Les condamnations étaient fondées sur les mêmes motifs que lors des précédents procès. Il a interjeté appel. M. Fali a aussi été condamné à une amende de 100 000 dinars (750 €) lors d’un procès à Boufarik, le 30 janvier. A Sétif et Boufarik, il a fait l’objet de deux autres procédures judiciaires encore à l’étape de l’instruction. Le juge d’instruction de Boufarik l’a placé sous contrôle judiciaire.
Le 28 août 2017, les autorités l’ont de nouveau arrêté. Son avocat, Me Dabouz, a déclaré que cette arrestation était liée au procès de Mostaganem et qu’il était prévu qu’il soit rejugé dans le cadre de cette affaire.
Le 13 septembre 2017, Me Dabouz affirmé sur les réseaux sociaux que M. Fali avait été condamné à six mois de prison avec sursis. Le tribunal d’Ain Tadlas, dans la wilaya de Mostaganem, avait rendu ce verdict en première instance. Il devrait être mis en liberté sous peu. Par ailleurs, il compte faire appel de ce jugement.
HRW rappelle les engagements internationaux de l’Algérie
En vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par l’Algérie, HRW rappelle que les gouvernements doivent garantir le respect de la liberté de religion, de pensée et de conscience de toute personne placée sous leur juridiction. En particulier celle des minorités religieuses. Ce qui implique la liberté de pratiquer la religion ou la croyance de son choix, en public ou en privé, seul ou avec autrui. Le HRW rappelle l’article de la Constitution qui garantit la liberté de culte « dans le respect de la loi ». Cet amendement a été ajouté par la révision constitutionnelle de mars 2016.
En ce sens, selon HRW, « les autorités devraient libérer immédiatement Mohamed Fali » et les autres membres de Al Ahmadiyya et « cesser de s’en prendre à cette minorité sans défense. »
Image : Liwa-e-Ahmadiyya, the flag of Ahmadiyya Muslim Community, By Ceddyfresse, Travail personnel, Domaine public