En juillet 2017, 18 policiers d’Alfragide (banlieue de Lisbonne) ont été formellement accusés de violences racistes, tortures, insultes, falsification de preuves et faux témoignage. Les accusations initiales proviennent de jeunes issus de milieux populaires. Les faits remontent à février 2015. Les victimes étaient toutes issues du quartier de Cova da Moura (banlieue de Lisbonne) et d’origine africaine. Les six jeunes hommes agressés ont déposé plainte dès 2015 et le ministère public a rendu son rapport en juillet 2017. Les policiers accusaient les jeunes d’avoir tenté d’envahir leur commissariat. Dans ce rapport, la version des policiers a été réfutée. Certaines accusations sont particulièrement graves : traitements inhumains et dégradants, torture, menaces de mort.
Falsification des faits
L’enquête a fait remonter des faits similaires survenus dans d’autres commissariats, en particulier la falsification de faits, de preuves et de témoignages. Or, les tribunaux dépendent souvent des procès-verbaux établis par la police. De ce fait, la question de la crédibilité des rapports de police lorsque des personnes appartenant à des minorités sont concernées est mise en doute. L’association portugaise de lutte contre le racisme, SOS Racismo, dénonce ces falsifications et se félicite que le rapport du ministère public révèle ce problème à tous. D’autres chercheurs ou observateurs, spécialistes du racisme, abondent dans le même sens.
Un manque de réactivité des urgences médicales
Après leur agression, les jeunes ont été pris en charge par l’hôpital public de Amadora-Sintra. Cependant, aucun rapport n’a été rédigé pour identifier l’origine des blessures. Les rapports médicaux ont été établis plus tard, à l’hôpital da Luz. Dans cet hôpital privé, les examens ont coûté 1 000 euros (presque 2 fois le salaire minimum mensuel portugais, ndlr).
Des sanctions minimes
Une enquête administrative interne a été ouverte en 2015. Sur les 18 agents accusés (soit la totalité du commissariat), neuf ont fait l’objet d’une enquête disciplinaire et deux ont été sanctionnés. Les sanctions étaient de 90 et 70 jours de suspension. Or, le maximum possible est de 240 jours de suspension. Les policiers sanctionnés ont fait appel et la sanction est pour le moment suspendue. Sept accusations ont été archivées.
À présent, que le parquet de Amadora a rendu son rapport, le procès va pouvoir se tenir. Les dix-huit policiers sont accusés. En outre, en septembre 2017, le parquet a recommandé la suspension des policiers pour « limiter le risque de troubles à l’ordre public ».
Un bon début pour certains, des faits improbables pour d’autres
Le syndicat de la police a fait savoir qu’une accusation touchant la totalité des agents d’un même commissariat ne pouvait être que fausse. D’après le porte-parole, il est impossible qu’une équipe entière se rende coupable de tels crimes. Les violences racistes dénoncées seraient des cas isolés.
À l’inverse, les militants anti-racisme se félicitent que ce problème « endémique » soit exposé au grand jour. Ils espèrent que ce procès fera bouger les choses et mettra fin au racisme et à l’impunité de la police nationale.
Des séminaires de résistance pacifique
Face aux tensions entre la population de certains quartiers de la périphérie de Lisbonne et la police, des associations militent pour l’éducation à la résistance pacifique. À Cova da Moura, des militants nord-américains sont venus expliquer les bases de la résistance pacifique aux violences policières. La formation part notamment de la connaissance de la loi pour mieux faire face aux discriminations et violences racistes. Les renseignements portugais suivent de près les activités des associations. Pour le moment, elles en concluent que ces formations sont portées par des jeunes d’origine africaine. Ces derniers ont grandi dans les quartiers, ont suivi des formations supérieures et n’ont pas de passif judiciaire.
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