Au Portugal, la question des statistiques ethniques est sur la table. Après un rapport d’enquête sur des faits de violences policières à caractère raciste, sorti en juillet 2017, le Portugal veut faire le point sur la question.
Une Histoire mélangée
Le Portugal fut l’une des premières et principales nations européennes à explorer le globe. À son apogée, l’empire portugais était présent de l’Amérique latine (Brésil) au Japon, en passant par l’Afrique et le sous-continent indien. Rapidement, la couronne portugaise décide d’accorder la nationalité portugaise aux métis nés d’un parent portugais dans les comptoirs commerciaux ou les territoires d’outre-mer.
De ce fait, la population portugaise fut très tôt brassée. Les mélanges culturels et ethniques faisaient partie de son Histoire. Le premier ministre actuel, António Costa, a lui-même des origines à Goa (Inde). En outre, le pays abrite aujourd’hui d’importantes communautés visibles, portugaises ou immigrées, issues d’Angola, du Mozambique et du Brésil, entre autres. On compte enfin une importance communauté rom (au sens large), appelés ciganos, présente depuis des siècles sur le territoire.
Malgré ce brassage, la population portugaise se perçoit globalement comme homogène : blanche et catholique. Le racisme ne fait pas souvent l’objet de discussions. Cependant, à l’été 2017 par exemple, une campagne d’affichage promouvait l’égalité dans la diversité dans les principales villes du pays.
Un état des lieux difficile à établir
Il n’existe pas de chiffres précis sur le racisme au Portugal. Le sujet est tabou et les Portugais ont longtemps considéré que le racisme ne touchait pas leur pays. Le pays était considéré comme ayant réussi à intégrer ses migrants. D’ailleurs, le pays n’a pas de parti politique d’extrême droite ou xénophobe en vue. La droite traditionnelle n’a pas non plus de discours xénophobe.
De leur côté, les militants ou citoyens noirs, brésiliens et ciganos (les trois principales communautés visibles qui dénoncent un racisme à leur encontre) font état d’un racisme « discret ». Difficultés à trouver un emploi, préjugés (délinquance, vol, piètre fiabilité, gentillesse, bonne humeur, capacités physiques…), remarques sur leur (absence d’) accent, mépris pour les créoles à base portugaise, sont les principaux maux dénoncés. Par exemple, le taux de chômage est plus de deux fois plus élevé chez les immigrés des pays africains lusophones que dans la population portugaise en général. De plus, 19,4 % des plaintes reçues par la Commission pour l’égalité et contre la discrimination raciale concernaient le lieu de travail.
Parfois, le racisme s’exprime de forme violente. C’est notamment le cas dans les relations avec la police. C’est ce qu’a démontré un rapport rendu en juillet 2017. Les faits étudiés remontaient à février 2015.
Un racisme endémique
Quelques études pointent du doigt la prévalence de concepts racistes au Portugal. C’est notamment le cas d’une vaste étude portugaise (voir liens ci-dessous, PT) menée dans le cadre du European Social Survey (ESS). Les idées de supériorité raciale ou culturelle, par exemple, seraient encore bien présentes. Les ciganos, malgré leur présence séculaire sur le territoire, sont particulièrement touchés. Ils restent considérés comme des délinquants et des voleurs. Les Brésiliens constituent la minorité qui dénonce le plus vocalement les préjugés à son encontre.
Un refus de l’immigration économique, un bon accueil des réfugiés
Au-delà de la question raciale, les Portugais sont globalement opposés à l’arrivée de migrants économiques. Ces derniers sont associés à une compétition pour l’emploi, à des modes de vie différents, voire à la criminalité. En revanche, les Portugais sont majoritairement favorables à l’accueil de réfugiés, qu’ils distinguent clairement des autres migrants.
Parmi les pays européens étudiés depuis les premières études ESS, le Portugal fait cependant partie de ceux qui s’ouvrent progressivement. On note une diminution des idées racistes et une meilleure acceptation de l’immigration.
Instaurer des statistiques ethniques
Face à ces données lacunaires, le gouvernement et l’Institut national de la statistique portugais réfléchissent à instaurer des statistiques ethniques. Cette possibilité n’existe actuellement que sur demande expresse et au cas par cas, pour mener des études ou recherches précises. Les premières statistiques systématiques pourraient apparaître lors du recensement de 2021. La question serait optionnelle. Les recensements prévoient déjà une question optionnelle sur la religion pratiquée. Par ailleurs, la collecte de statistiques ethniques fait partie des recommandations de l’ONU au Portugal.
La Secrétaire à la citoyenneté et à l’égalité a déjà mis en place des réunions avec des associations représentatives des portugais d’origine africaine, afin de dresser un panorama de la présence et de la situation sociale de ces citoyens installés depuis parfois des siècles sur le territoire.
Image : Racism, By Luis Romero, Flickr, CC BY 2.0