Le secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les Etats a lancé un appel en marge de la 72e session de l’Assemblée générale des Nations Unies pour protéger les minorités religieuses dans le monde.
Le média catholique Zenit, qui couvre l’actualité de l’Eglise et du monde depuis Rome, propose une traduction de ce discours.
Un discours d’intention désincarné
Mgr Paul Richard Gallagher, prélat britannique qui a pris la tête des services diplomatiques du Vatican en 2014, a prononcé un discours fort sur la nécessaire « sauvegarde des minorités religieuses dans les situations de guerre et de conflits ». Il appelé non seulement à prévenir les risques de génocide, mais aussi à un « examen des causes profondes de leur discrimination et leur persécution ».
S’appuyant sur trois rapports publiés en 2016 – celui de la Commission des Etats-Unis sur la liberté religieuse internationale, celui de l’organisation catholique Aide à l’Eglise en Détresse et celui du rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de religion et de conviction – il a énoncé toutes les persécutions que peuvent subir les minorités dans le monde, des condamnations pour blasphème au nettoyage ethnique.
Tout en mentionnant la « recrudescence d’actes antisémites » et les « sérieuses persécutions » dont sont victimes nombre de musulmans, il a souligné que « les chrétiens restent les plus persécutés ». Rappelons que les chrétiens (toutes Eglises confondues) représentent la plus importante communauté de croyants au niveau international.
Il est à noter que Mgr Gallagher n’a cité aucune minorité ni fait référence à aucun territoire, si ce n’est une référence à l’Etat islamique. Cela traduit la volonté d’un discours généraliste, énonciateur de principes fondamentaux mais ne permettant pas de mobiliser largement et rapidement en faveur, par exemple, des Rohingyas persécutés en Birmanie.
Sept leviers pour protéger les minorités
« Que faut-il pour protéger les minorités religieuses ? » s’est interrogé le prélat. Sept éléments ont émaillé son discours, comme autant de pistes à explorer par les Etats membres des Nations Unies.
- Agir, dans l’urgence, là où les minorités sont menacées. Cela appelle non seulement à une mobilisation massive face à l’urgence humanitaire, notamment au Moyen-Orient, mais également à penser le retour et la réintégration des minorités ethniques et religieuses dans leurs lieux d’origine.
- Promouvoir l’état de droit et l’égalité de tous devant la loi, « même dans les endroits où une religion bénéficie d’un statut constitutionnel spécial ».
- Renforcer la « collaboration religieuse entre les communautés et l’Etat ». Reprenant les mots du pape François en visite à l’Université Al-Azhar en avril 2017, Mgr Gallagher a mis en garde contre « le risque [pour la religion] d’être absorbée par l’administration des affaires temporelles et tentée par l’attrait des puissances terrestres qui l’exploitent » si les sphères religieuses et politiques, tout en entretenant des relations, ne sont pas autonomes l’une de l’autre.
- Condamner l’appropriation d’un argumentaire religieux pour propager la violence. C’est une injonction faite aux responsables religieux pour couper court aux justifications du terrorisme ou de la violence sous toutes ses formes « au nom de Dieu ».
- Promouvoir un dialogue interreligieux « efficace » face aux cyniques qui voient dans les affrontements entre croyants de différentes la marche normale du monde.
- Encourager l’éducation, y compris l’éducation religieuse pour contrevenir aux risques de « radicalisation ».
- Sur la scène internationale, empêcher les transferts financiers et d’armes à destination de groupes portant atteintes aux minorités religieuses.
Ces sept recommandations, classiques, reprennent une grande partie du discours du pape François à l’Université Al-Azhar, au Caire, plus tôt cette année. Elles s’adressent en premier lieu aux décideurs politiques et ne font qu’une faible place aux acteurs de la société civile, pourtant particulièrement présents dans les domaines de la protection des minorités et du dialogue interreligieux.
La position de l’Eglise catholique sur les minorités religieuses
Cette prise de parole – attendue et consensuelle – de la part d’un représentant du Vatican, est l’occasion de revenir sur les relations entretenues entre l’Eglise catholique romaine et les autres religions. Ces rapports, notamment avec les communautés non-chrétiennes, ont été renforcés depuis le Concile Vatican II. La déclaration Nostra Aetate, publiée par Paul VI en 1965, examine « ce que les hommes ont en commun » et en premier lieu les questions existentielles qu’ils peuvent partager. Il s’agit d’un texte court et général, portant sur « les diverses religions non-chrétiennes » puis sur l’islam et le judaïsme. Tout en rappelant son attachement au Christ qui est « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14, 6), l’Eglise y reconnaît que les autres traditions religieuses « reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes ».
Le texte évoque donc davantage des lignes directrices selon lesquelles les fidèles catholiques doivent entretenir des relations avec d’autres croyants, mais ne mentionne que peu les minorités religieuses. Il est néanmoins rappelé que « L’Église réprouve toutes les persécutions contre tous les hommes » et « toute discrimination ou vexation dont sont victimes des hommes en raison de leur race, de leur couleur, de leur condition ou de leur religion ».
Image : UN General Assembly, by Jerome BLUM, Wikimedia, CC BY-SA 3.0