Jeudi 12 octobre, les États-Unis et Israël, ont annoncé leur retrait de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO).
Qu’est-ce que l’Unesco ?
Le site de l’UNESCO présente l’organisation comme ayant « pour vocation la coordination de la coopération internationale en éducation, sciences, culture et communication ». Par ses projets et ses ambitions, elle souhaite favoriser et améliorer l’accès à une éducation de qualité, préserver le patrimoine culturel qu’elle considère comme le point entre les générations et les peuples, soutenir la recherche et le progrès scientifique, assurer la liberté d’expression qui est le « socle de la démocratie, du développement et de la dignité humaine ».
Les Etats-Unis et l’UNESCO, une histoire houleuse
Historiquement d’abord, depuis la création de l’organisation, les Etats-Unis ne se sont pas présentés comme des fervents défenseur de celle-ci. En effet, ceux-ci s’étaient déjà retirés en 1984 pendant la Guerre froide lorsque Ronald Reagan a voulu dénoncer la position « pro-communiste » de l’agence. C’est George W. Bush qui ramènera les Etats-Unis dans l’organisation en 2002. C’est en 2011, alors que la Palestine devient officiellement le 195e membre de l’UNESCO que les ennuis commencent.
A l’époque, un article dans le Monde explique la situation : « Cette adhésion constitue une nouvelle avancée vers sa reconnaissance en tant qu’Etat, un statut revendiqué auprès de l’ONU. Mais elle a été accueillie froidement aux Etats-Unis, qui ont suspendu en fin de journée leurs subventions à l’Unesco. Les Etats-Unis s’apprêtaient à verser 60 millions de dollars à l’organisation onusienne en novembre et leur contribution représente 22 % du budget de l’ONU. »
Barack Obama avait ainsi suspendu ses versements à l’organisation, la loi américaine interdisant le pays tout financement aux agences de l’ONU dont la Palestine serait également membre.
Pourquoi Donald Trump a-t-il décidé le retrait des Etats-Unis de l’UNESCO ?
D’après plusieurs médias, l’élément déclencheur serait le classement au patrimoine mondial de la vieille ville d’Hébron, en Cisjordanie occupée. Cela s’inscrit dans un programme de l’UNESCO qui désigne un ensemble de biens culturels et naturels présentant un intérêt exceptionnel pour l’héritage commun de l’humanité. Cette décision, jugée anti-israélienne, serait ce qui aurait précipité la décision de Donald Trump. Cette décision est soutenue par Israël qui a elle aussi finalement annoncé son retrait suite à successions de résolutions perçues comme cherchant à nier les liens entre les Juifs et leurs sites historiques.
Dans un article de France Info, le délégué permanent de la France auprès de l’Unesco de 2011 à 2013, Daniel Rondeau, déclare que « la décision des Etats-Unis était prévisible » puisque « la réalité, c’est que les Américains n’ont jamais accepté l’adhésion, l’entrée de la Palestine à l’Unesco en 2011».
Pour Pascal Boniface, directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques, « il y a un geste supérieur de Donald Trump de se retirer de l’Unesco, c’est bien sûr un geste à l’égard d’Israël, mais c’est aussi un geste à l’égard de son électorat, qui estime que toutes ces organisations internationales, UNESCO, Nations Unies, sont inutiles, coûteuses, remplies de dictatures hostiles aux États-Unis. En s’en retirant publiquement, Donald Trump vient conforter son électorat. C’est plus un geste de politique intérieure qu’un geste à l’égard d’Israël. »
Dans le Monde, on apprend que « Cette décision n’a pas été prise à la légère et reflète les inquiétudes des Etats-Unis concernant l’accumulation des arriérés à l’Unesco, la nécessité d’une réforme en profondeur de l’organisation, et ses partis pris anti-israéliens persistants », a assuré, jeudi, le département d’Etat. « Les contribuables américains ne sont pas obligés de payer pour des politiques hostiles à nos valeurs et qui se moquent de la justice et du bon sens », a renchéri l’ambassadrice américaine aux Nations unies, Nikki Haley. »
Quels conséquences pour l’UNESCO ?
C’est une crise politique et financière pour l’organisation qui se veut protectrice du multiculturalisme, de l’éducation et de la liberté d’expression dans le monde, alors que ces libertés sont justement soumises à rude épreuves ces derniers temps. Dans un contexte tendu où il est important pour la communauté internationale de se montrer soudée et de défendre le multiculturalisme contre les extrémismes politiques et religieux qui le menacent, le retrait des Etats-Unis de l’organisation qui défend ces valeurs dans le monde est plus que regrettable. L’organisation va devoir faire sans l’aide de l’un de ses plus gros pourvoyeurs de fonds et cela alors qu’elle fait déjà face à des impayés importants de la part de plusieurs de ses membres…
Dans les faits, cette dernière décision de Donald Trump s’ajoute à la liste des « retraits » décidés par celui-ci depuis son élection (retrait du Partenariat transpacifique, puis de l’accord de Paris contre le réchauffement climatique et dernièrement la remise en question de l’accord sur le nucléaire iranien) et semble correspondre plus à une manœuvre politique destinée à son électorat interne, dans un esprit d’économie de dépenses et, dans le même temps, à son allié de toujours (Israël) qu’une véritable atteinte à la défense du multiculturalisme.
Cependant, l’UNESCO et ses importants programmes d’éducation à travers le monde sont un rempart indéniable contre le terrorisme et les extrémismes constamment dénoncés par Donald Trump. Ne plus prendre part aux projets qui ont pour but de contribuer à cette lutte précisément dans leurs terres d’origines, là où les organisations terroristes rassemblent et recrutent dans les populations des pays qui souffre du sous-développement, semble donc très contradictoire mais tout en accord avec la politique de repli sur soi que le président défend depuis son élection. L’UNESCO va donc devoir s’adapter et trouver d’autres moyens pour poursuivre ses efforts pour l’éducation et le dialogue des cultures, à l’heure où le pays aux dépenses militaires les plus élevées au monde refuse justement d’y participer.
Audrey Azoulay et l’avenir de l’UNESCO
C’est en défiant toutes les statistiques que la candidate de la France, Audrey Azoulay, a gagné la bataille des votes des membres du conseil exécutif de l’UNESCO et sera donc présentée à l’ONU pour la nomination à la direction de l’organisation pour la culture, la science et l’éducation.
L’ancienne ministre de la culture française brille par sa jeunesse et son parcours centré sur la culture. Elle laisse espérer le début d’une ère nouvelle où l’agence aura l’occasion de se dynamiser, d’innover et de se moderniser, ce dont elle a grand besoin. Sa candidature a même été applaudie par les médias israéliens, qui n’ont pas manqué de rappeler ses ascendances juives et la résidence d’une partie de sa famille en Israël. Dans Jeune Afrique, elle a déclaré: « J’ai une vraie envie pour ce poste, parce qu’il porte des valeurs universelles et humanistes. L’UNESCO, c’est la connaissance de l’autre ». Avec le retrait soudain bien que peu surprenant des Etats-Unis et d’Israël, Madame Azoulay se retrouve devant un défi d’ampleur mais a aussi des atouts non négligeables dans sa main : la France dispose d’un réseau diplomatique parmi les plus étendus au monde et cela pourra l’aider dans sa tâche. Elle pourrait mettre à profit tant son expérience que sa judéité revendiquée par Israël pour calmer les tensions et favoriser un retour au dialogue. Rappelons qu’Israël qui a plus à perdre en quittant l’UNESCO que les États-Unis par exemple.
Le vrai défi pour Madame Azoulay sera de recentrer les débats de l’UNESCO sur ses objectifs et projets dédiés à l’éducation, la culture et la science par une modernisation de l’agence afin de la libérer du bourbier politique qui l’empêche de faire réellement ce pourquoi elle a été créé. C’est d’ailleurs ce qu’elle a annoncée comme objectif sur Twitter en déclarant vouloir « restaurer la centralité des enjeux de l’Unesco, sa crédibilité et son efficacité ».
3/3 Ma candidature va dans ce sens : Restaurer la centralité des enjeux de l’Unesco, sa crédibilité et son efficacité #NextDGUnesco
— Audrey Azoulay (@AAzoulay) 13 octobre 2017
Image : President of Israel Reuven Rivlin and the President of the United States Donald Trump, By מארק ניימן Government Press Office of Israel – Mark Nayman – Spokesperson unit of the President of Israel – דוברות בית הנשיא, CC BY-SA 4.0