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Alors que débute cette semaine le mois de ramadan, le Liban, qui connaît désormais une vague d’émigration inédite depuis la guerre civile, n’a toujours pas trouvé la voie vers la formation d’un nouveau gouvernement. Les autorités religieuses ont dénoncé le blocage institutionnel du pays alors que la population continue de voir ses conditions de vie empirer. Le patriarche maronite Mgr Béchara Raï conditionne la tenue de l’audit juricomptable de la Banque du Liban défendu par le président Michel Aoun à la formation d’un nouveau gouvernement. La Ligue arabe a d’ailleurs apporté son soutien à Mgr Béchara Raï au travers de la visite de Houssam Zaki, secrétaire d’État adjoint de la Ligue arabe, qui a rappelé l’inquiétude de l’organisation quant au risque d’effondrement total du système en place. Cette critique émanant des autorités religieuses avait pour cible principale la position de Michel Aoun, qui refuse de céder devant le Premier ministre désigné Saad Hariri, ce dernier n’acceptant toujours pas les exigences posées par le président de la République. Les deux camps continuent à se lancer les accusations, chacun des camps accusant l’autre de vouloir s’emparer de la majorité au Conseil des ministres. Le Hezbollah, qui bénéficie du soutien militaire et financier iranien, a officiellement inauguré une chaîne de supermarchés au Liban, appelée al-Sajjad, afin de fournir des produits à bas prix à ses partisans. Ainsi, les familles sélectionnées sur la base de leurs revenus se verront attribuer une carte qui leur permettra de faire leurs courses une fois par mois dans les enseignes spécifiées pour s’approvisionner en produits de première nécessité. Cette initiative a été vivement critiquée par ses détracteurs qui dénoncent une volonté du Hezbollah de faire oublier ses échecs en termes de lutte contre la fraude, promise par le secrétaire général du parti Hassan Nasrallah. Alors que les débats sur la fédéralisation du Liban refont surface régulièrement, la carte al-Sajjad est vue comme un pas de plus vers l’affranchissement du Hezbollah de la réalité du reste du pays. As the month of Ramadan begins this week, Lebanon, which is now experiencing a wave of emigration not seen since the civil war, has yet to find a way to form a new government. Religious leaders have denounced the country's institutional stalemate as the population continues to see its living conditions worsen. The Maronite Patriarch, Bishop Béchara Raï, has made the forensic audit of the Bank of Lebanon, which President Michel Aoun has called for, conditional on the formation of a new government. The Arab League has also given its support to Bishop Bechara Raï through the visit of Houssam Zaki, Deputy Secretary of State of the Arab League, who recalled the concern of the organization about the risk of total collapse of the system in place. This criticism from the religious authorities was mainly aimed at the position of Michel Aoun, who refuses to give in to Prime Minister-designate Saad Hariri, who still does not accept the demands made by the President of the Republic. The two camps continue to hurl accusations at each other, each side accusing the other of wanting to seize the majority in the Council of Ministers. Hezbollah, which enjoys Iranian military and financial support, has officially opened a chain of supermarkets in Lebanon, called al-Sajjad, in order to provide low-cost products to its supporters. Families selected based on their income will be given a card that will allow them to shop once a month in the specified stores for basic items. The initiative has been sharply criticized by Hezbollah’s opponents, who point to Hezbollah's desire to make people forget its failures in the fight against fraud, as promised by party secretary general Hassan Nasrallah. As the debate over the federalization of Lebanon resurfaces regularly, the al-Sajjad card is seen as another step towards separating Hezbollah from the reality of the rest of the country.
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L'info phare - Source religieuse
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Mgr Raï critique Aoun implicitement : pas d'audit juricomptable sans gouvernement
Dans son homélie du 11 avril, le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, est revenu sur la position du président de la République Michel Aoun qui soutient la tenue d’un audit de la Banque du Liban permettant de retracer les transactions et détecter d’éventuelles fraudes. Si le patriarche ne remet pas en cause la nécessité de mener cet audit (qu’il appelait d’ailleurs de ses vœux lors d’un discours adressé aux Libanais la semaine passée), il conditionne néanmoins sa mise en place à la formation d’un nouveau gouvernement qui pourrait réellement porter politiquement ce projet. Mgr Béchara Raï a également profité de cette homélie pour critiquer le Hezbollah en l’accusant implicitement d’être le responsable du blocage institutionnel et de vouloir délibérément aggraver la situation financière, économique et sanitaire du pays. Une position contre le « parti de dieu » et Michel Aoun qui semble être partagée par le mufti de la République, le cheikh Abdel Latif Deriane, plus haute instance sunnite du Liban et proche de Saad Hariri.
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Patriarch Rai implicitly criticizes Aoun: No forensic audit without government
In his homily on April 11, the Maronite Patriarch, Patriarch Béchara Raï, addressed the position of President Michel Aoun who supports the holding of an audit of the Bank of Lebanon to trace transactions and detect possible fraud. If the patriarch does not question the need to conduct this audit (which he called for in a speech to the Lebanese people last week), he nevertheless conditioned its implementation to the formation of a new government that could really carry this project politically. Bishop Béchara Raï also took advantage of this homily to criticize Hezbollah, implicitly accusing it of being responsible for the institutional blockage and of deliberately worsening the financial, economic and health situation of the country. A position against the "party of God" and Michel Aoun that seems to be shared by the Mufti of the Republic Sheikh Abdel Latif Deriane, the highest Sunni authority in Lebanon and close to Saad Hariri.
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La Ligue arabe et Bkerké sur la même longueur d’onde
Lors d’une visite au Liban ce mercredi 7 avril, le secrétaire d’État adjoint de la Ligue arabe, Houssam Zaki, a rencontré le patriarche maronite Mgr Béchara Raï. Si le but de cette visite au Liban n’était pas de formuler de nouvelles propositions afin de résoudre la crise politique touchant le pays, le représentant de la Ligue arabe a néanmoins profité de ce moment pour affirmer son soutien à la position du patriarche et rappeler différentes constantes auxquelles la Ligue arabe est attachée. Tout d’abord, Houssam Zaki a évoqué à nouveau l’importance de l’identité arabe du Liban, qui est l’un des pays fondateurs de la Ligue arabe. Il a également redit son attachement à la neutralité du Liban face aux conflits en cours dans la région. Enfin, l'intangibilité de l’accord de Taëf a été réaffirmée. Ce dernier point pourrait néanmoins interroger, l’accord de Taëf qui entérine notamment la nécessité de l’équilibre entre les communautés religieuses étant parfois jugé comme en partie responsable des blocages politiques et institutionnels que connaît le Liban.
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The Arab League and Bkerke on the same wavelength
During a visit to Lebanon on Wednesday, April 7, the Arab League's Deputy Secretary of State, Houssam Zaki, met with the Maronite Patriarch Béchara Raï. If the purpose of this visit to Lebanon was not to formulate new proposals to resolve the political crisis affecting the country, the representative of the Arab League has nevertheless taken this moment to affirm his support for the position of the patriarch and recall various constants to which the Arab League is attached. First, Houssam Zaki reiterated the importance of the Arab identity of Lebanon, which is one of the founding countries of the Arab League. Also, he reiterated his commitment to Lebanon's neutrality in the face of ongoing conflicts in the region. Finally, the intangibility of the Taif Agreement was reaffirmed. This last point could nevertheless be questioned, as the Taif Agreement, which ratifies the need for balance between the religious communities, is sometimes considered to be partly responsible for the political and institutional blockages that Lebanon is experiencing.
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À l’occasion du ramadan, le mufti jaafarite et le cheikh akl druze fustigent les dirigeants
À l’occasion du début du mois de ramadan, le mufti jaafarite, le cheikh Ahmad Kabalan, et le cheikh akl druze, Naïm Hassan, sont intervenus dans la presse pour exprimer leurs critiques à l’égard des dirigeants politiques sans toutefois les nommer. Réclamant un « changement politique majeur » et d' « importantes décisions politiques », ils blâment également l’actuelle impossibilité de former un gouvernement alors même que le pays est en grave crise. Ces interventions médiatiques font suite à celle du patriarche maronite Mgr Béchara Raï. Le Liban a ainsi assisté cette semaine à une véritable mise à l’agenda des prises de parole de responsables religieux. Malgré leurs positions concordantes quant à l’urgence de mettre de côté les rivalités personnelles entre Michel Aoun et Saad Hariri empêchant la formation d’un nouveau gouvernement, la question d’éventuelles luttes d’influences entre communautés religieuses pourrait néanmoins se poser en filigrane.
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On the occasion of Ramadan, the Jaafarite mufti and the Druze sheikh akl castigate political leaders
At the beginning of the month of Ramadan, the Jaafarite mufti, Sheikh Ahmad Kabalan, and the Druze akl Sheikh, Naim Hassan, have appeared in the press to express their criticism of the political leaders without naming them. Calling for "major political change" and "important political decisions", they also blame the current impossibility of forming a government while the country is in crisis. These media interventions follow that of the Maronite Patriarch Béchara Raï who had also criticized two days earlier, the action of President Michel Aoun. Lebanon has thus witnessed this week the coming forward of religious leaders. Despite their concordant positions on the urgency of putting aside the personal rivalries between Michel Aoun and Saad Hariri, which prevents the formation of a new government, the question of possible struggles of influence between religious communities could nevertheless be raised.
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Le décès de M. Mohamed Hassan Al-Amin... une vie entière consacrée à la science et au dialogue interreligieux
Les réseaux sociaux ont été inondés d'adieux au penseur et érudit islamique, M. Mohamed Hassan Al-Amin, décédé à l'âge de 75 ans, des complications de son infection par le covid-19. Le défunt érudit a longuement étudié et publié des ouvrages de référence sur les domaines de la science, de la recherche, du système judiciaire islamique, de la philosophie, du fait religieux, etc. Grand partisan du dialogue et de l'ouverture, il est également connu pour sa position modérée et ses prises de position à l’encontre des actions du Hezbollah en Syrie. Plus largement, son message invitait les chiites à se distancier de l’influence iranienne dans la région.
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The death of Mr. Mohamed Hassan Al-Amin... a lifetime dedicated to science and dialogue
Social networks were flooded with farewells to the Islamic thinker and scholar Mr. Mohamed Hassan Al-Amin, who passed away at the age of 75, from complications of his infection with Covid-19. The deceased scholar studied and published extensively in the fields of science, research, the Islamic judicial system, philosophy, religious facts, etc. A great supporter of dialogue and openness, he was also known for his moderate position and his stance against the actions of Hezbollah in Syria. More broadly, his message invited the Shiites to distance themselves from Iranian influence in the region.
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Le Hezbollah inaugure les supermarchés al-Sajjad dans le cadre de son plan d' économie parallèle »
Pour répondre à l’augmentation vertigineuse des prix des biens de consommation, le Hezbollah, soutenu par l'Iran, a officiellement inauguré une chaîne de supermarchés au Liban, appelée al-Sajjad, afin de fournir des produits à bas prix à ses partisans, dans le cadre de plans qui, selon les critiques, visent à développer davantage sa propre économie parallèle. Les opposants du Hezbollah ont critiqué le lancement du supermarché en déclarant que le groupe « aurait dû travailler avec sa majorité parlementaire et avec le gouvernement libanais pro-Hezbollah pour établir un plan d'aide pour tous les Libanais afin de minimiser les conséquences de la crise économique qu'ils ont eux-mêmes provoquée.»
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Hezbollah launches al-Sajjad cooperatives card as part of ‘parallel economy’ plans
To respond to the high increase in the price of consumer goods, Iran-backed Hezbollah has officially launched a chain of supermarkets in Lebanon named al-Sajjad to provide low-cost products to its supporters as part of plans critics say are aimed to further develop its own parallel economy. Hezbollah’s opponents criticized the supermarket launch by stating that the terrorist group, “should have worked with its parliamentary majority and with Lebanon’s pro-Hezbollah government to set a relief plan for all Lebanese to minimize the aftermath of the economic crisis which they have caused.”
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Le Liban connaît sa plus grande vague d’émigration depuis plus de quarante ans
Alors même que le Liban a plus que jamais besoin de toutes ses forces vives pour reconstruire, soigner et continuer d’éduquer sa population, il fait actuellement face à un exode majeur dû à la crise économique, un phénomène d’ampleur inédite depuis le début de la guerre civile en 1975. Si le pays du Cèdre est historiquement un pays d’émigration et de diasporas, il fait face actuellement, selon les chiffres publiés, à une véritable et massive fuite de son élite qui motive notamment son départ par les difficultés économiques, mais également par la perte d’espoir liée à l’immobilisme politique dans le pays. Médecins, ingénieurs, professeurs… ils sont ainsi quatre fois plus nombreux à quitter le Liban en 2020 par rapport à 2018. Ces départs représentent un véritable appauvrissement intellectuel pour le pays, qui perd ainsi des élites dont le renouvellement pourrait être coûteux et prendre plusieurs années. Un autre effet de cet exode pourrait également être, sur le long terme, de créer ou accentuer des déséquilibres entre communautés religieuses dont la stabilité est pourtant essentielle au système politique libanais.
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Lebanon is experiencing its largest wave of emigration in over forty years
While Lebanon is more than ever in need of all of its forces to rebuild, care for and continue to educate its population, it is currently facing a major exodus due to the economic crisis, a phenomenon of unprecedented magnitude since the beginning of the civil war in 1975. If the country of the Cedar is historically a country of emigration and diasporas, it is currently facing, according to published figures, a real and massive flight of its elite who motivate their departure by the economic difficulties but also by the loss of hope related to the political immobility in the country. Doctors, engineers, professors... there are four times more of them leaving Lebanon in 2020 than in 2018. These departures represent a real intellectual impoverishment for the country, which is losing elites whose renewal could be costly and take several years. Another effect of this exodus could also be, in the long term, to create or accentuate imbalances between religious communities whose stability is essential to the Lebanese political system.
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La décentralisation au Liban n'est pas apolitique
Cet article de Ziyad Baroud, ancien ministre de l'Intérieur et des Municipalités, plaide en faveur de l’avancement du projet de décentralisation qui existe depuis les années 1930, mais qui n’a jamais été réellement mis en place. Selon Baroud, bien qu’elle soit qualifiée « d' administrative », cela ne la rend pas moins « politique » dans un pays où même des détails techniques mineurs peuvent facilement se transformer en controverses majeures. La décentralisation, que l’auteur prend le soin de différencier du principe de fédéralisation, permettrait au Liban de transférer certaines prérogatives des mains du pouvoir central vers les collectivités, ce qui entraînera une participation citoyenne locale accrue, une meilleure connaissance des responsabilités de chacun (accountability) et enfin l’émergence d’une démocratie plus solide.
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Decentralization in Lebanon is not neutral
This article by Ziyad Baroud, former Minister of Interior and Municipalities, argues for the advancement of the decentralization project that has existed since the 1930s but has never really been implemented. According to Baroud, decentralization reform, although called "administrative," does not make it any less "political" in a country where even minor technicalities can easily turn into major controversies. Decentralization, which the author is careful to differentiate from the principle of federalization, would allow Lebanon to transfer certain prerogatives from the hands of the central government to local authorities, thus leading to increased local citizen participation, better accountability and, finally, the emergence of a more sustainable and enduring democracy.
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This newsletter is written by Pharos Observatory, an observatory of cultural and religious pluralism, as part of its assessment study of religious pluralism in the Near and Middle East. It gathers information, analyses and speeches which may not reflect Pharos Observatory's feeling about the situation, but which should be taken into account as part of the analysis. All recipients, who are Pharos Observatory partners, are encouraged to contribute to this Watch by sharing any information that is worthwhile and fit to print. Ce bulletin de veille est réalisé par l’Observatoire Pharos, observatoire du pluralisme des cultures et des religions, dans le cadre de sa mission d’étude de la situation du pluralisme au Proche et au Moyen-Orient. Il rassemble des informations, analyses et déclarations qui ne reflètent pas systématiquement la perception de la situation par l’Observatoire Pharos, mais qui constituent des documents à intégrer dans l’analyse. Les destinataires, partenaires de l’Observatoire Pharos, sont invités à contribuer à la qualité de cette veille par le partage de toutes informations utiles et diffusables.
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