Réaction à la « Carte de l'Islam » en Autriche / La Turquie comme « pays sûr » pour les demandeurs d'asile / Condamnation de la CEDH - Affaire Ali Bulaç c. Turquie / Rapport sur les réfugiés syriens à Istanbul
 
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VEILLE PHAROS / TURQUIE
16 juin 2021
 
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Ce bulletin revient sur deux actualités sur le plan international relatives à la Turquie :

  • Le ministère turc des Affaires étrangères a vivement critiqué la controversée « carte de l’Islam » diffusée par les autorités autrichiennes et depuis supprimée pour « raisons techniques ». Dans un communiqué, la Turquie a dénoncé une pratique de « fichage » de la minorité musulmane en Autriche.
  • Le gouvernement grec souhaite accélérer sa politique de renvoi vers la Turquie des demandeurs d’asile déboutés sur son territoire. Pour ce faire, le ministère grec des Migrations a publié un décret qualifiant la Turquie de « pays sûr » pour les demandeurs d’asile, alors que la République de Turquie n’est signataire de la Convention de Genève relative aux réfugiés que dans sa dimension restrictive.

Nous relayons cette semaine le reportage du Monde sur le quotidien de jeunes filles scolarisées dans les écoles coraniques en Turquie ainsi qu’un article sur les travaux de restauration d’un théâtre antique de 21 000 places à İzmir.

Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’Homme a une nouvelle fois condamné la Turquie en estimant que le gouvernement turc a porté atteinte à l’exercice du droit à la liberté d’expression du journaliste et intellectuel güléniste Ali Bulaç. Nous profitons de cette actualité pour présenter brièvement dans ce bulletin le mouvement Gülen, organisation régulièrement au cœur de l’actualité et particulièrement ciblée par le parti au pouvoir.

Enfin, cette semaine, deux actualités relatives à la société civile en Turquie sont particulièrement intéressantes :

  • L’Union européenne et l’Agence onusienne pour les Femmes (UN Women) se sont associées pour le lancement d’un plan triennal de soutien auprès des organisations de la société civile agissant en faveur des droits des femmes et de l’égalité des genres en Turquie.
  • La Fondation pour les recherches sociale, économique et politique de Turquie (TÜSES) a publié les résultats d’une nouvelle étude intitulée « Perceptions et attitudes envers les réfugiés syriens à İstanbul ».


This bulletin looks at two international news items relating to Turkey:

  • The Turkish Foreign Ministry strongly criticised the "Islam map" issued by the Austrian authorities, which has since been removed for "technical reasons". In a statement, Turkey denounced a practice of "carding" the Muslim minority in Austria.
  • The Greek government wants to speed up its policy of returning rejected asylum seekers to Turkey. To this end, the Greek Ministry of Migration has issued a decree qualifying Turkey as a "safe country" for asylum seekers, even though the Republic of Turkey is only a signatory to the Geneva Refugee Convention with a European geographical restriction.

This week we relay Le Monde's report on the daily life of girls attending Koranic schools in Turkey, as well as an article on the restoration work of a 21,000-seat ancient theatre in İzmir.

In addition, the European Court of Human Rights has once again condemned Turkey, finding that the Turkish government has infringed on the exercise of the right to freedom of expression of the Gülenist journalist and intellectual Ali Bulaç. We take this opportunity to briefly describe in this newsletter the Gülen movement, an organisation that is regularly in the news and particularly targeted by the ruling party.

Finally, this week, two news items relating to civil society are particularly interesting:

  • The European Union and the United Nations Women Agency (UN Women) have joined forces to launch a three-year plan to support civil society organisations working for women's rights and gender equality in Turkey.
  • The Social, Economic and Political Research Foundation of Turkey (TÜSES) published the results of a new study entitled "Perceptions and attitudes towards Syrian refugees in İstanbul".
 
 

L'info phare - Source institutionnelle

 
 

« Carte de l’islam » en Autriche : le ministère turc des Affaires étrangères dénonce un projet « inadmissible » de « fichage » portant atteinte à la « cohésion sociale »

La carte recensant plus de 600 structures musulmanes en Autriche, mise en ligne à l’initiative du chancelier conservateur Sebastian Kurz, a suscité la polémique jusqu’en Turquie. Dans un communiqué de presse, le ministère turc des Affaires étrangères a dénoncé une entreprise de « fichage » de la minorité musulmane par l’intermédiaire de ce document où figurent les noms, les adresses, l’identité des responsables et les liens étrangers de mosquées et d’associations musulmanes. Le gouvernement turc a ainsi vivement critiqué le Centre de documentation sur l’Islam politique fondé l’année dernière par le chancelier autrichien et a qualifié les politiques autrichiennes de « xénophobes, racistes, anti-islamiques, empoisonnant la cohésion et la participation sociales » [bu yabancı düşmanı, ırkçı ve İslam karşıtı politikalar toplumsal uyumu ve katılımı zehirlemektedir].

“Map of Islam” in Austria: The Turkish Foreign Ministry denounces an "inadmissible" project to "register" Muslims undermining "social cohesion”

The map listing more than 600 Muslim structures in Austria, put online at the initiative of the conservative Chancellor Sebastian Kurz, has caused controversy even in Turkey. In a press release, the Turkish Ministry of Foreign Affairs denounced the document, which lists the names, addresses, identities of leaders and foreign links of mosques and Muslim associations, as an attempt to "file" the Muslim minority. The Turkish government has strongly criticised the Documentation Centre on Political Islam founded last year by the Austrian Chancellor and described Austrian policies as "xenophobic, racist, anti-Islamic, poisoning social cohesion and participation" [bu yabancı düşmanı, ırkçı ve İslam karşıtı politikalar toplumsal uyumu ve katılımı zehirlemektedir].

 
 

Sources médiatiques

 
 

Pour poursuivre sa politique de renvoi, le ministère grec des Migrations qualifie la Turquie de « pays sûr » pour les demandeurs d’asile

Le ministre grec des Migrations, Notis Mitarachi, a annoncé la publication d’un décret qualifiant la Turquie de « pays sûr » où les demandeurs d’asile de Syrie, d’Afghanistan, du Pakistan, du Bangladesh et de Somalie, « ne sont pas en danger à cause de leur religion, de leur nationalité, de leur opinion politique ou appartenance à un groupe social ». L’accord signé en 2016 entre l’Union européenne et la Turquie prévoyait qu’Ankara accepte les réfugiés syriens renvoyés par Athènes et considérés comme pouvant vivre en sécurité en Turquie. Cette annonce intervient à un moment où la question des réfugiés syriens en Turquie est au cœur des négociations au niveau européen pour le renouvellement de l’accord UE-Turquie. Par ailleurs, il convient de rappeler que la Turquie n’est signataire de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés que dans sa dimension restrictive : seuls les citoyens européens sont en effet éligibles au statut de « réfugié ».

Greek migration ministry designates Turkey as a "safe country" for asylum seekers to pursue its return policy

Greek Migration Minister Notis Mitarachi announced the publication of a decree qualifying Turkey as a "safe country" where asylum seekers from Syria, Afghanistan, Pakistan, Bangladesh and Somalia, "are not at risk because of their religion, nationality, political opinion or membership of a social group". According to the agreement signed in 2016 between the European Union and Turkey, Ankara had to accept Syrian refugees returned by Athens and deemed safe to live in Turkey. This announcement comes at a time when the issue of Syrian refugees in Turkey is at the heart of the negotiations at European level for the renewal of the EU-Turkey agreement. Moreover, it should be recalled that Turkey is only a signatory to the Geneva Convention relating to the status of refugees in its restrictive dimension: only European citizens are eligible for "refugee" status in Turkey.

 
 

[Reportage] « En Turquie : le quotidien studieux des futures gardiennes du Coran », Le Monde

Marie Jégo, correspondante du journal Le Monde en Turquie, a publié un article sur l’essor des écoles coraniques pour filles depuis l’arrivée au pouvoir du Parti de la Justice et du Développement (AKP) en 2002. Le reportage photo, complété par plusieurs témoignages, revient sur le quotidien de ces jeunes filles scolarisées dans des internats coraniques. Ces jeunes Turques apprennent à réciter en arabe et par cœur les 6 236 versets du Coran et ambitionnent de décrocher le titre de « gardienne » (hafiz) du Coran. Ces écoles coraniques étaient au nombre de 3 699 en 2002 et leur nombre s’élevait en 2020 à 18 675 établissements, selon la Diyanet, environ 15 000 étudiants turcs sortent diplômés d’une école coranique chaque année. Pour la journaliste, ce cursus « jugé idéal pour s’assurer du respect de la tradition », incarne le projet de révolution culturelle encouragé par le gouvernement islamoconservateur, à savoir la promotion d’un mode de vie pieux.

[Report] "In Turkey: the studious daily life of future guardians of the Koran", Le Monde

Marie Jégo, Le Monde's correspondent in Turkey, has published an article on the rise of Koranic schools for girls since the Justice and Development Party (AKP) came to power in 2002. The photo report, supplemented by several testimonies, looks at the daily life of these young girls who attend Koranic boarding schools. These young Turkish girls learn to recite in Arabic and by heart the 6,236 verses of the Koran and aspire to become "guardians" (hafiz) of the Koran. There were 3,699 Koranic schools in 2002 and by 2020 there will be 18,675, according to the Diyanet, with about 15,000 Turkish students graduating from a Koranic school each year. For the journalist, this curriculum "considered ideal to ensure respect for tradition", embodies the cultural revolution project encouraged by the Islamo-conservative government, namely the promotion of a pious lifestyle.

 
 

[Patrimoine] Grâce aux fouilles archéologiques, le théâtre antique d’İzmir refait peu à peu surface

Depuis sa découverte, le théâtre antique de la province égéenne d’İzmir fait l’objet d’un important projet de restauration porté par la municipalité de la ville et le maire d’İzmir Tunç Soyer. Centre socioculturel de l’ancienne ville de Smyrne entre le 2e et le 4e siècle avant J.C, il s’agit de l’un des plus grands théâtres de la Méditerranée. Dans un article, le Petit Journal d’Istanbul est longuement revenu sur l’avancement des fouilles archéologiques et sur l’histoire plurielle du lieu. La ville cosmopolite d’İzmir, anciennement Smyrne, est à la fois asiatique et européenne, grecque et turque, chrétienne et musulmane. Elle s’était portée candidate pour l’exposition universelle de 2015.

[Heritage] Thanks to archaeological excavations, the ancient theatre of İzmir is slowly resurfacing

Since its discovery, the ancient theatre in the Aegean province of İzmir has been the subject of a major restoration project led by the city's municipality and İzmir Mayor Tunç Soyer. A socio-cultural centre of the ancient city of Smyrna between the 2nd and 4th centuries BC, it is one of the largest theatres in the Mediterranean. In an article, Le Petit Journal Istanbul reported on the progress of the archaeological excavations and the plural history of the place. The cosmopolitan city of İzmir, formerly Smyrna, is both Asian and European, Greek and Turkish, Christian and Muslim, and was a candidate for the 2015 World Expo.

 
 
Sources institutionnelles
 
 

L’Union européenne et UN Women lancent conjointement un nouveau projet triennal en faveur des droits des femmes et de l’égalité des genres en Turquie

L’Union européenne et l’Agence onusienne pour les Femmes (UN Women) se sont associées afin de soutenir les organisations de la société civile turque engagées dans la défense des droits des femmes. Ce projet triennal intitulé « Renforcement des capacités de la société civile et des partenariats d’acteurs pour faire progresser les droits des femmes et l’égalité des genres en Turquie » prévoit un financement à hauteur de 4,5 millions d’euros entre avril 2021 et mars 2024.

The European Union and UN Women jointly launch a new three-year project for women's rights and gender equality in Turkey

The European Union and the United Nations Women (UN Women) have joined forces to support Turkish civil society organisations working for women's rights. The three-year project, entitled "Strengthening Civil Society Capacities and Multi-Stakeholder Partnerships to Advance Women's Rights and Gender Equality in Turkey", will provide funding of 4.5 million euros between April 2021 and March 2024.

 
 

La Cour européenne des droits de l’Homme estime que la Turquie a violé les droits du journaliste Ali Bulaç pour ses liens avec le mouvement Gülen

La Cour européenne des droits de l’Homme s’est prononcée sur le cas du journaliste Ali Bulaç, un des fondateurs du journal güleniste Zaman arrêté moins de deux semaines après la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016. En se référant à ses jurisprudences précédentes, la Cour a estimé que la privation de liberté du journaliste constituait une « ingérence » dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression.

Depuis le coup d’État avorté de 2016, la communauté musulmane Gülen anciennement alliée au gouvernement AKP et désormais qualifiée de FETÖ (Fethullahçı Terör Örgütü, Organisation terroriste des partisans de Fethullah) et parfois de PDY (Paralel Devlet Yapılanması, la Structure de l’État parallèle), est devenue la cible principale des autorités turques. Ce groupement néo-confrérique musulman né en Turquie, inspiré par le prédicateur Fethullah Gülen exilé en Pennsylvanie, est caractérisé par la culture du secret, par l’informalité et une action sociale importante à l’international (avec des établissements scolaires privés en Afrique, en Asie centrale et en Europe balkanique).

European Court of Human Rights rules that Turkey violated the rights of journalist Ali Bulaç for his links with the Gülen movement

The European Court of Human Rights has ruled on the case of journalist Ali Bulaç, one of the founders of the Gülenist newspaper Zaman, who was arrested less than two weeks after the attempted coup d'état on 15 July 2016. Referring to its previous jurisprudence, the Court found that the deprivation of liberty of the journalist constituted an "interference" with the exercise of his right to freedom of expression.

Since the abortive 2016 coup, the Gülen Muslim community formerly allied with the AKP government and now labelled as FETÖ (Fethullahçı Terör Örgütü, Fethullah's Supporters Terrorist Organisation) and sometimes PDY (Parallel Devlet Yapılanması, the Parallel State Structure), has become the main target of the Turkish authorities. This Turkish-born Muslim neo-con grouping, inspired by the exiled preacher Fethullah Gülen in Pennsylvania, is characterised by a culture of secrecy, informality and extensive international outreach (with private schools in Africa, Central Asia and Balkan Europe).

 
 

Source Société civile

 
 

La TÜSES publie son rapport sur les « Perceptions et attitudes envers les réfugiés syriens à Istanbul »

La Fondation pour les recherches sociale, économique et politique de Turquie (TÜSES, Türkiye Sosyal Ekonomik Siyasal Araştırmalar Vakfı), a publié les résultats d’une nouvelle étude intitulée « Perceptions et attitudes envers les réfugiés syriens à İstanbul : Partisanisme, xénophobie, perception de la menace et des relations sociales » [İstanbul’da Suriyeli sığınmacılara yönelik algı ve tutumlar : Partizanlık, Yabancı karşıtlığı, Tehdit Algıları ve Sosyal temas]. L’étude souligne ainsi le sentiment d’hostilité des Stambouliotes à l’égard des populations immigrées syriennes et les relations sociales très limitées qu’ils entretiennent avec les réfugiés. Par ailleurs, les personnes interrogées dans ce rapport considèrent les réfugiés syriens bénéficient d’un « traitement préférentiel par rapport aux citoyens turcs » et qu’ils représentaient un « fardeau sur le plan économique ». La Fondation TÜSES passe également en revue de nombreux indicateurs pour mesurer l’intégration des populations syriennes à Istanbul.

TÜSES releases its report on "Perceptions and attitudes towards Syrian refugees in Istanbul"

The Social, Economic and Political Research Foundation of Turkey (TÜSES, Türkiye Sosyal Ekonomik Siyasal Araştırmalar Vakfı), has published the results of a new study titled "Perceptions and Attitudes towards Syrian Refugees in İstanbul: Partisanship, Xenophobia, Threat Perception and Social Relations" [İstanbul'da Suriyeli sığınmacılara yönelik algı ve tutumlar: Partizanlık, Yabancı karşıtlığı, Tehdit Algıları ve Sosyal temas]. The study thus highlights the hostile feeling of Istanbul residents towards Syrian immigrant populations and the very limited social relations they have with refugees. Furthermore, the respondents to this report consider that Syrian refugees receive "preferential treatment compared to Turkish citizens" and that they represent an "economic burden". The TÜSES Foundation also reviews numerous indicators to measure the integration of Syrian populations in Istanbul.

 
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Pour aller plus loin

[Wébinaire], iReMMO, « Rencontre avec Bayram Balci : La Turquie au prisme de la crise syrienne : quelles conséquences ? », 17 juin 2021.

Shwan Muhammad, Laure Al-Khoury, « Au Kurdistan irakien, les bombardements turcs font fuir les habitants », L’Orient-Le Jour, 10 juin 2021.

 « Oldest painting of Alevi philosopher Haji Bektash Veli sold at Dutch auction house », Duvar English, 9 juin 2021.

 
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Ce bulletin de veille est réalisé par l’Observatoire Pharos, observatoire du pluralisme des cultures et des religions, dans le cadre de sa mission d’étude de la situation du pluralisme en Turquie. Il rassemble des informations, analyses et déclarations qui ne reflètent pas systématiquement la perception de la situation par l’Observatoire Pharos, mais qui constituent des documents à intégrer dans l’analyse. Les destinataires, partenaires de l’Observatoire Pharos, sont invités à contribuer à la qualité de cette veille par le partage de toutes informations utiles et diffusables.

This newsletter is written by Pharos Observatory, an observatory of cultural and religious pluralism, as part of its assessment study of religious pluralism in Turkey. It gathers information, analyses and speeches which may not reflect Pharos Observatory's feeling about the situation, but which should be taken into account as part of the analysis. All recipients, who are Pharos Observatory partners, are encouraged to contribute to this Watch by sharing any information that is worthwhile and fit to print.