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Dans ce bulletin nous revenons sur deux actualités importantes qui s’avèrent être étroitement liées : l’inauguration ce 28 mai de la nouvelle mosquée sur la place Taksim d’Istanbul d’une part, l’anniversaire du début du mouvement protestataire de Gezi de 2013 d’autre part. La présidence turque a pris la décision symbolique d’inaugurer le nouvel édifice religieux exactement huit ans après le commencement de ce soulèvement contestataire. Le samedi 29 mai, la Direction des Affaires religieuses (Diyanet) et le gouvernement célébraient le 568ème anniversaire de la prise d’Istanbul [Constantinople] de 1453. Il s’agit d’un évènement historique majeur et mobilisateur pour la doctrine islamoconservatrice du pouvoir, puisque cette « conquête » marque une victoire ottomane décisive menée par Mehmed II, la chute de l’Empire byzantin ainsi que la conversion de Hagia Sofia en mosquée. Par ailleurs, sur le volet médiatique, deux productions intéressantes sont à noter cette semaine : - Le documentaire réalisé par Romain Fleury et diffusé par la chaîne parlementaire LCP sur les Justes turcs ayant porté secours à des Arméniens menacés en 1915.
- Le reportage publié dans Le Monde diplomatique sur Istanbul et son rapport aux minorités arabes « naufragées » accueillies dans la mégapole turque suite aux révolutions arabes de 2011.
Enfin, ce bulletin mentionne la situation critique d’un orphelinat grec historique en passe de s’effondrer à Istanbul ainsi que le rapport de la Fondation GİYAV sur l’usage de la langue maternelle dans la région de Diyarbakır.
In this newsletter we look back at two important news items that turn out to be closely related: the inauguration of the new mosque in Istanbul's Taksim Square on May 28 on the one hand, and the anniversary of the start of the 2013 Gezi protest movement on the other. The Turkish Presidency took the symbolic decision to inaugurate the new religious building exactly eight years after the beginning of this protest uprising. On 29 may, the Directorate of Religious Affairs (Diyanet) and the government celebrated the 568th anniversary of the 1453 capture of Istanbul [Constantinople]. This is a major historical event and mobilizing for the Islamo-conservative doctrine of power, since this "conquest" marks a decisive Ottoman victory led by Mehmed II, the fall of the Byzantine Empire and the conversion of Hagia Sofia into a mosque. In addition, on the media side two interesting productions are to note this week: - The documentary directed by Romain Fleury and broadcast by the parliamentary channel LCP on the Turkish “Justes” who came to the rescue of Armenians threatened in 1915.
- The report published in Le Monde diplomatique on Istanbul and its relationship with the Arab minorities "shipwrecked" welcomed in the Turkish megalopolis in the context of the Arab revolutions of 2011
Finally, this newsletter mentions the plight of a historic Greek orphanage on the verge of collapse in Istanbul as well as the GİYAV Foundation's report on the use of the mother tongue in the Diyarbakır region.
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L'info phare - Source institutionnelle
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Inauguration de la nouvelle mosquée de la place Taksim d’Istanbul : une reconquête de l’espace public par le gouvernement
Après quatre années de travaux, la nouvelle mosquée de la place Taksim à Istanbul a été inaugurée ce vendredi 28 mai en présence de Recep Tayyip Erdoğan. Par plusieurs visuels sur les réseaux sociaux, la présidence turque a communiqué sur les dimensions et les caractéristiques de ce nouvel édifice religieux et s’est félicitée de cette mosquée acquise pour « notre Istanbul après une lutte de près d’un siècle et demi » [Taksim Camii, yaklaşık 1,5 asırlık bir mücadelenin ardından İstanbul’umuza kazandırılmıştır]. Taksim est un lieu chargé de sens et symbolise à la fois kémalisme et luttes révolutionnaires de gauche. Cette inauguration survient exactement huit ans après le déclenchement du soulèvement protestataire de Gezi. La nouvelle mosquée concurrence également l’imposante église grecque orthodoxe Hagia Triada [Sainte-Trinité] située à proximité. Pour de nombreux opposants au gouvernement, cette inauguration marque la reconquête de l’espace public menée par le gouvernement islamoconservateur, mais aussi la victoire de l’AKP sur le mouvement protestataire débuté le 28 mai 2013 avec la place Taksim pour épicentre.
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Inauguration of the new mosque in Istanbul's Taksim Square: a reclaiming of public space by the government
After four years of construction, the new mosque in Istanbul's Taksim Square was inaugurated this Friday, May 28 in the presence of Recep Tayyip Erdoğan. Through several visuals on social networks, the Turkish presidency communicated about the dimensions and characteristics of this new religious building and welcomed this mosque acquired for "our Istanbul after a struggle of almost a century and a half" [Taksim Camii, yaklaşık 1,5 asırlık bir mücadelenin ardından İstanbul'umuza kazandırılmıştır]. Taksim is a place loaded with meaning and symbolizes both Kemalism and left-wing revolutionary struggles. The inauguration comes exactly eight years after the outbreak of the Gezi protest uprising. The new mosque also competes with the imposing Greek Orthodox Hagia Triada [Holy Trinity] Church nearby. For many opponents of the government, the inauguration marks the reclamation of public space by the Islamo-conservative government, but also the victory of the AKP over the protest movement that began on May 28, 2013 with Taksim Square as its epicenter.
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Mobilisations vers la place Taksim à l’occasion des huit ans du mouvement protestataire de Gezi
Le vendredi 28 mai marquait le huitième anniversaire du début des protestations de Gezi. Ce soulèvement avait été initié lors d’un sit-in d’une cinquantaine de riverains du Taksim Gezi opposés à la destruction du parc et au projet immobilier de l’AKP qui prévoyait la reconstruction de la caserne Taksim pour accueillir un centre commercial. La manifestation s’était rapidement étendue aux autres provinces turques et la répression du gouvernement avait été particulièrement violente. Malgré l’interdiction de rassemblement et de manifestation, plusieurs groupes de militants se sont réunis à proximité de la place Taksim ce vendredi derrière le slogan « la tyrannie prend fin, l’obscurité n’est plus, Gezi demeure ! » [zorbalık biter, karanlık gider, Gezi kalır !].
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Mobilizations to Taksim Square on the eight years anniversary of the Gezi protest movement
Friday 28 May marked the eighth anniversary of the start of the Gezi protests. This uprising was initiated by a sit-in of about fifty residents of Taksim Gezi who were opposed to the destruction of the park and the AKP's real estate project, which included the reconstruction of the Taksim barracks to host a shopping mall. The demonstration quickly spread to other Turkish provinces and the government's repression was particularly violent. Despite the ban on rallies and demonstrations, several groups of activists gathered near Taksim Square on Friday behind the slogan "tyranny ends, darkness is no more, Gezi remains!" [zorbalık biter, karanlık gider, Gezi kalır!].
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[Reportage] Killian Coban, « Istanbul, miroir d’un monde arabe fracturé », Le Monde diplomatique
Dans le cadre du numéro du Monde diplomatique publié ce mois-ci, Killian Coban revient dans un article sur la ville d’Istanbul et le rapport que l’ancienne capitale ottomane entretient avec les nombreuses diasporas arabes qu’elle a pu accueillir tout au long de son histoire. Plus particulièrement, l’auteur évoque le printemps arabe de 2011 et le refuge trouvé par les minorités irakiennes, égyptiennes, libyennes, les exilés, les expatriés et les « naufragés » des révolutions arabes dans la mégapole turque.
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[Report] Killian Coban, "Istanbul, mirror of a fractured Arab world", Le Monde diplomatique
In this month's issue of Le Monde diplomatique, Killian Coban writes about the city of Istanbul and the relationship that the former Ottoman capital has with the many Arab diasporas it has welcomed throughout its history. In particular, the author evokes the Arab Spring of 2011 and the refuge found by Iraqi, Egyptian and Libyan minorities, exiles, expatriates and "castaways" of the Arab revolutions in the Turkish megalopolis.
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Un orphelinat grec historique d’Istanbul au bord de l’effondrement en raison d’un retard de restauration
L’Observatoire de la Turquie contemporaine (IFG) a relayé ce mois-ci la situation critique de l’orphelinat grec de Prinkipo en passe de s’effondrer pour cause de retard dans les travaux de restauration du bâtiment. Cet édifice datant du 19ème siècle est situé sur la plus grande île des Princes de Büyükada à Istanbul, il est classé par le World Monuments Fund parmi les sites patrimoniaux les plus menacés. La structure avait été saisie par l’État turc en 1964 sur fond de tensions entre le gouvernement turc et les citoyens grecs d’Anatolie et a ensuite été abandonnée pendant près de 50 ans. Le patriarcat œcuménique de Constantinople [Fener Rum Ortodoks Patrikhanesi] a récupéré le titre de propriété de cette structure historique en 2010 après avoir porté l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme. La restauration a été annoncée en septembre dernier, mais n’a toujours pas pu débuter.
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Historic Greek orphanage in Istanbul on verge of collapse due to restoration delay
The Observatory of Contemporary Turkey (IFG) relayed the plight of Prinkipo Greek Orphanage on the verge of collapse due to a delay in the restoration of the building. This 19th century building is located on the largest island of the Princes of Büyükada in Istanbul, and is classified by the World Monuments Fund as one of the most endangered heritage sites. The structure was seized by the Turkish state in 1964 amidst tensions between the Turkish government and Greek citizens of Anatolia and was subsequently abandoned for nearly 50 years. The Ecumenical Patriarchate of Constantinople [Fener Rum Ortodoks Patrikhanesi] regained title to the historic structure in 2010 after taking the case to the European Court of Human Rights. The restoration was announced last September but has yet to begin.
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[Documentaire] Romain Fleury, « Les Justes turcs : un si long silence », LCP – Assemblée nationale
Le 25 mai, la chaîne parlementaire LCP-Assemblée nationale a diffusé le documentaire de Romain Fleury, « Les Justes turcs : un trop long silence ». Le documentaire revient sur une facette parfois méconnue du génocide arménien de 1915 : « cette poignée d’hommes et de femmes turcs – des Justes - qui ont choisi de sauver des vies arméniennes » pendant le génocide. Le documentaire retrace ces actes de résistance niés par l’historiographie officielle turque, mais également les récits « d’entraide et d’humanité nés au cœur même de la barbarie » oubliés ou délibérément ignorés des deux côtés de la tragédie.
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[Documentary] Romain Fleury, "Les Justes turcs : un si long silence", LCP - Assemblée nationale
On May 25, the parliamentary channel LCP-National Assembly broadcast the documentary by Romain Fleury, "Les Justes turcs: un trop long silence". The documentary looks back at a little-known side of the Armenian genocide of 1915: "this handful of Turkish men and women – les Justes - who chose to save Armenian lives" during the genocide. The documentary traces these acts of resistance denied by the official Turkish historiography, but also the stories of "mutual aid and humanity born in the very heart of barbarism" forgotten or deliberately ignored on both sides of the tragedy.
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La Fondation d’aide humanitaire et à la migration (GİYAV) publie son rapport de veille sur l’usage de la langue maternelle des enfants dans la province de Diyarbakır
La Fondation GİYAV [Göç ve İnsanı Yardım Vakfı] a publié ce mois-ci son rapport de veille sur les relations qu’entretiennent les enfants avec leur langue maternelle dans la province de Diyarbakır, région à majorité kurde dans le sud-est de la Turquie. En partant de l’expérience des enfants ayant pris part à l’enquête avec leur langue maternelle, la Fondation GİYAV a tenu à dresser le bilan des droits linguistiques dans la région et a énoncé plusieurs enseignements, dont celui-ci : bien qu’il ne soit pas interdit de parler le kurde en Turquie, les expressions des enfants tendent à révéler qu’ils ont été soumis à des obstacles et à des formes d’exclusion lorsqu’ils s’exprimaient dans leur langue maternelle.
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The Humanitarian and Migration Assistance Foundation (GİYAV) publishes its monitoring report on the use of children's mother tongue in Diyarbakır province
The GİYAV Foundation [Göç ve İnsanı Yardım Vakfı] published its monitoring report on children's relationship with their mother tongue in Diyarbakır province, a Kurdish-majority region in southeast Turkey, this month. Based on the experiences of the children who took part in the survey with their mother tongue, the GİYAV Foundation was keen to take stock of the linguistic rights in the region and stated several lessons including the following: although speaking Kurdish is not prohibited in Turkey, the children's expressions tend to reveal that they have been subjected to barriers and forms of exclusion when expressing themselves in their mother tongue.
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La Direction des Affaires religieuses (Diyanet) et la présidence turque célèbrent le 568ème anniversaire de la « conquête d’Istanbul »
Comme chaque année, le 29 mai marque l’anniversaire de la « conquête d’Istanbul » de 1453, un symbole important pour le monde musulman. Le président turc a ainsi partagé sur Twitter un visuel de la mosquée Hagia Sofia accompagnée du hadith du prophète Muhammed « Istanbul sera définitivement conquise. Quel excellent commandant celui qui la conquerra, quelle excellente armée que la sienne » [İstanbul mutlaka fethedilecektir. Onu fetheden komutan ne güzel komutan o ordu ne güzel ordudur – Hz. Muhammed (S.A.V)]. La Diyanet, par l’intermédiaire de son président Ali Erbaş, a publié un communiqué dans lequel est célébrée cette « conquête » [fetih] qui a fait d’Istanbul une ville « frère » de la Mecque, de Médine et de Jérusalem [Bu öyle bir fetihtir ki Mekke, Medine ve Kudüs ile İstanbul’u kardeş kılmıştır]
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The Directorate of Religious Affairs (Diyanet) and the Turkish Presidency celebrate the 568th anniversary of the "conquest” of Istanbul
As every year, May 29 marks the anniversary of the "Conquest of Istanbul" of 1453, an important symbol for the Muslim world. The Turkish president shared on twitter a visual of the Hagia Sofia mosque accompanied by the hadith of the Prophet Muhammed "Surely, Istanbul will be conquered, how blessed the commander who will conquer it, and how blessed his army " [İstanbul mutlaka fethedilecektir. Onu fetheden komutan ne güzel komutan o ordu ne güzel ordudur - Hz. Muhammed (S.A.V)]. The Diyanet, through its chairman Ali Erbaş, issued a statement celebrating this "conquest" [fetih] that made Istanbul a "brother" city to Mecca, Medina and Jerusalem [Bu öyle bir fetihtir ki Mekke, Medine ve Kudüs ile İstanbul'u kardeş kılmıştır]
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Pour aller plus loin
Nicolas Cheviron, « Fatsa : l’éphémère héritière turque de la Commune de Paris », Reportage Mediapart, 29 mai 2021.
Jérémy Berlioux, « Règlement de comptes. En Turquie, un mafieux profus sur l’État profond », Libération, 23 mai 2021.
Jean-François Pérouse, « Turquie – Arménie – Azerbaïdjan – Iran. Le mont Ararat : un nœud frontalier quadruple sous haute surveillance », Centre national d’études spatiales (CNES), mai 2021.
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Ce bulletin de veille est réalisé par l’Observatoire Pharos, observatoire du pluralisme des cultures et des religions, dans le cadre de sa mission d’étude de la situation du pluralisme en Turquie. Il rassemble des informations, analyses et déclarations qui ne reflètent pas systématiquement la perception de la situation par l’Observatoire Pharos, mais qui constituent des documents à intégrer dans l’analyse. Les destinataires, partenaires de l’Observatoire Pharos, sont invités à contribuer à la qualité de cette veille par le partage de toutes informations utiles et diffusables.
This newsletter is written by Pharos Observatory, an observatory of cultural and religious pluralism, as part of its assessment study of religious pluralism in Turkey. It gathers information, analyses and speeches which may not reflect Pharos Observatory's feeling about the situation, but which should be taken into account as part of the analysis. All recipients, who are Pharos Observatory partners, are encouraged to contribute to this Watch by sharing any information that is worthwhile and fit to print.
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