En Algérie, les membres de la Ahmadiyya ont fait l’objet de plusieurs arrestations et/ou condamnations cette dernière année. Les ahmadis se définissent comme musulmans. Néanmoins, le gouvernement algérien et la majorité des musulmans leur refusent cette qualité. Selon leur doctrine, leur fondateur, Mirza Ghulam Ahmad (1835-1908) né en Inde, est à la fois le messie (chrétien) et le mahdi (musulman). Les ahmadis algériens seraient 1500. Nous vous proposons une analyse basée sur les articles de presse algériens afin de montrer la position d’exclusion de l’Etat algérien vis-à-vis de cette minorité.
La campagne de diabolisation d’Al Ahmadiyya menée par la presse
La presse a mené une campagne de diabolisation des ahmadis : « vénération de l’usurpateur, endoctrinement bien enraciné, rites de mécréance, vénérer Satan contre quelques sous ou encore contre une carte de résidence dans un pays occidental, comme promis par les dirigeants de la secte » sont autant d’accusations portées contre les ahmadis. De plus, selon la presse arabophone, le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, aurait clarifié la question. Selon lui, les conseils scientifiques réunis à Laghouat ont confirmé que les principes de la communauté Ahmadiyya toucheraient aux constantes de l’islam.
Al Ahmadiyya, une secte non-musulmane selon l’Etat algérien
Ces mêmes conseils auraient soutenu une fatwa (avis juridique émis par un spécialiste de la loi islamique) publiée par le Haut conseil islamique (HCI). Le cheikh Hamani en était alors le président. Cette fatwa affirmait que l’Ahmadiyya est une firqa (division ou secte) extérieure au cercle de l’islam. Mohamed Aïssa a ajouté, lors d’une déclaration à la radio algérienne Chaîne I, le 23 février 2017, que si Al Ahmadiyya se considérait comme musulmane, elle devait se référer aux décisions des oulémas de l’islam. Cela ne signifierait pas pour autant que ses membres soient « jetés à la mer ». Toutefois, les lois républicaines organisant et régissant les cultes autres que musulmans doivent être respectées. Ces déclarations ont été faites au lendemain de la publication du rapport d’Amnesty international sur les droits de l’homme en Algérie en 2016. Le 22 février 2017, Hassina Oussedik, directrice de l’ONG en Algérie, a affirmé qu’il s’agissait d’un courant minoritaire de l’islam et non d’une secte.
Les membres de la Ahmadiyya condamnés par la justice
Des poursuites de ahmadis ont eu lieu sur une vingtaine de wilayas (préfectures). Les chefs d’accusation sont présentés comme n’étant pas pour raisons religieuses. Les principaux sont : collecte illégale de fond et activité dans une association non agréée. Toutefois, selon Me Dabbouz, leur avocat, la volonté de la direction des affaires religieuses de Batna de se constituer partie civile démontre le contraire. Malgré le rejet de cette demande par la Cour, les débats pendant les audiences ont essentiellement porté sur l’appartenance religieuse des prévenus. En première instance, six ahmadis ont été condamnés à des peines allant de deux à quatre ans. Les peines ont été réduites en appel. Un an de prison ferme dont six mois avec sursis pour cinq accusés et six mois avec sursis pour le sixième.
Enfin, le ministre a déclaré que la tentative de déstabilisation de l’Algérie par la main étrangère avait été déjouée. Le dossier de la Ahmadiyya devait donc être clos. Néanmoins, le représentant de la communauté a de nouveau été condamné. Sa peine ayant été réduite en appel. Il a été mis en liberté.
Ainsi, au delà des rites malikite, hanéfite et ibadite, l’Algérie refuse toute influence étrangère, bien que musulmane. Et ce dans un souci de «préserver le référent religieux national ». Néanmoins, les droits des ahmadis à la liberté de conscience et de culte garantis par la Constitution algérienne ne sont pas respectés. Enfin, ses engagements internationaux ne le sont pas davantage. En effet, le Pacte international sur les droits civils et politiques, ratifié par l’Algérie en 1989, est violé. Celui-ci garantit en son article 18 le droit à la liberté de religion.
Image : Pixabay, CC0 Public Domain